Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑3 (1701), note 21.
Note [21]

« d’un esprit de plomb, d’un cœur de fer, sans aucun jugement, ou alors fort obtus. »

La légende dorée est le titre français de la Legenda aurea, chronique latine qui raconte la vie des saints catholiques, et qui fixe le calendrier liturgique suivant les vies de Jésus et de la Vierge Marie. Légende n’est à prendre dans son sens de récit fabuleux, mais dans celui, étymologique, de « ce qui se doit lire. Les Vies des saints et des martyrs ont été appelées des Légendes, parce qu’on les devait lire dans les leçons de matines et dans les réfectoires des communautés » (Furetière). La Légende dorée a été rédigée dans les années 1260 par Jacques de Voragine (Jacobus a Varagine, Jacopo ou Giacomo da Varezze, ville de Ligurie où il était né vers 1228), archevêque de Gênes (où il mourut en 1298), qui a lui-même été béatifié en 1816.

Son recueil a été imprimé pour la première fois en 1480 (Venise et Cologne) sous le titre de sa phrase introductive, Incipit liber perclarissimi religiosi fratris Jacobi de Voragine ordinis precatorum de vitis sanctorum [Ici commence le livre du très illustre religieux de l’Ordre des prêcheurs, frère Jacques de Voragine, sur les vies des saints], puis réédité à profusion depuis, traduit dans toutes les langues de la chrétienté.

Melchior ou Melchor Cano (Canus ; 1509-1560) est un théologien dominicain espagnol, évêque des Canaries. Son principal ouvrage est intitulé De locis Theologicis Libri duodecim [Douze livres des Lieux (citations) théologiques] (Louvain, Servatius Sassenus, 1564, in‑8o de 902 pages, pour l’une des premières éditions) ; le passage cité (et altéré) par le Patiniana s’y trouve dans le livre xi (pages 657‑658) :

Nam homines graves atque severi non solent inanem vulgi sermonem aucupari. Quanquam negare non possumus, viros aliquando gravissimos in divorum præsertim prodigijs describendis, sparsos rumores et excepisse, et scriptis etiam ad posteros retulisse. Qua in re, ut mihi quidem videtur, aut nimium illi sibi, aut fidelium certe vulgo indulserunt : quod vulgus sentiebant non tantum ea facile miracula credere, sed impense etiam flagitare. Itaque signa nonnulla et prodigia sancti quoque memoriæ prodiderunt, non quo ea libenter credidissent, sed ne deesse fidelium votis viderentur. Id vero eo magis sibi licere existimarunt, quam intellexerunt, auctoribus nobilissimis placuisse, veram historiæ legem esse, ea scribere quæ vulgo vera haberentur. Nec ego hic libri illius auctorem excuso, qui Speculum exemplorum inscribitur : nec historiæ etiam eius, quæ Legenda aurea nominatur. In illo etiam miraculorum monstra sæpius quam vera miracula legas : hanc homo scripsit ferrei oris, plumbei cordis, animi certe parum severi et prudentis.

[Le fait est que les hommes sérieux et austères n’ont pas coutume de se laisser duper par ce que raconte le peuple ; mais nous ne pouvons nier que, surtout quand ils ont dépeint les miracles des saints, les auteurs les plus rigoureux ont parfois colligé des rumeurs éparses, et que leurs écrits les ont même transmis à la postérité. Il me semble certes qu’en cela ils ont été sans doute trop crédules envers eux-mêmes et envers la foule des fidèles : ils pensaient que le peuple, non content de croire facilement en ces miracles, les sollicitait avec empressement. Ils ont donc ainsi transmis le souvenir des oracles et prodiges accomplis par tous les saints, non tant pour y avoir cru les yeux fermés que pour ne pas paraître décevoir les vœux des fidèles. En vérité, se fiant plus à leur sentiment qu’à leur entendement, les auteurs les plus fameux se sont plu à croire que la véritable règle de l’histoire consiste à écrire ce que le peuple tient pour des vérités. Je n’excuse ici ni l’auteur de ce livre intitulé Speculum exemplorum, {a} ni celui de cette histoire qu’on appelle La Légende dorée : dans celle-là vous lirez plus souvent de miraculeuses monstruosités que de véritables miracles ; l’homme qui l’a écrite avait une bouche en fer, un cœur en plomb, et un esprit certainement peu pourvu en sérieux et en sagesse]. {b}


  1. Le « Miroir des cas exemplaires » est une compilation d’écrits médiévaux sur les miracles chrétiens ; sans auteur bien identifié, il en existe de très nombreuses éditions.

  2. J’ai mis en exergue la phrase que le Patiniana a reprise.

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 58). Le Faux Patiniana II‑2 est revenu sur ce sujet (v. sa note [27]) en empruntant subrepticement au Traité des Superstitions de Jean-Baptiste Thiers (Paris, 1697).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑3 (1701), note 21.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8198&cln=21

(Consulté le 25/04/2024)

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