Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Bornoniana 4 manuscrit, note 22.
Note [22]

V. première notule {b}, note [21] supra pour Marie et Jean Morin, épouse et beau-père de Michel de L’Hospital. Alphonse-Honoré Taillandier a détaillé les origines et la jeunesse de ce haut dignitaire du royaume, mort en 1573 (v. note [3], lettre 102), dans le chapitre i de ses Nouvelles recherches historiques sur la vie et les ouvrages du Chancelier de L’Hospital (Paris, Firmin Didot, 1861, in‑8o, pages 1‑5) :

« Michel de L’Hospital naquit à Aigueperse, en Auvergne, {a} vers 1505 ; il ne connaissait pas exactement la date de sa naissance. “ J’ai toujours été en doute de mon âge ”, dit-il dans son testament ; mais, comme il ajoute que, suivant son père, il était né soit avant le soulèvement des Génois contre la France, événement qui eut lieu en 1506, soit lorsque le roi Louis xii fut venu à bout de cette sédition, ce qui arriva le 29 avril 1507, il en résulte qu’il serait né de 1506 à 1507.

Jean de L’Hospital, père du chancelier, était médecin de Renée de Bourbon, duchesse de Lorraine.

Des historiens, dans le but de nuire à l’origine du chancelier, ont prétendu que son père, Jean de L’Hospital, était fils d’un juif d’Avignon. C’est ce qu’ont cherché à accréditer notamment Beaucaire, Maimbourg et Varillas ; mais cette allégation ne repose sur aucun fondement et ce n’est pas, d’ailleurs, aujourd’hui que l’on pourrait faire le reproche à un grand homme de l’obscurité de sa naissance.

Quoi qu’il en soit, Jean de L’Hospital devint le premier médecin de Charles de Bourbon, connétable de France, qui avait épousé Suzanne de Bourbon, fille du seigneur de Beaujeu et d’Anne de Bourbon, régente sous Charles viii, connue dans l’histoire sous le nom de “ la dame de Beaujeu ”. {b}

Par ce mariage avec Suzanne de Bourbon, le connétable réunissait tous les droits de la branche de Montpensier. Il fit son médecin, devenu son conseiller et son ami, bailli de Montpensier et auditeur de ses comptes à Moulins. Comme marque de son estime et de sa munificence, il lui donna les terres et la seigneurie de la Tour de la Bussière, en Auvergne, ainsi que le domaine noble de la Roche et les villages de Beuzet et de Croizet, par lettres patentes, datées de Saragosse le 1er mars 1523.

Jean de L’Hospital eut trois fils et une fille ; celle-ci devint religieuse. Michel, l’aîné des trois fils, après avoir été élevé jusqu’à l’âge de douze ans dans la maison paternelle, fut envoyé à Toulouse pour y faire ses études. […]

En 1521, le connétable de Bourbon perdit sa femme qui ne lui laissait pas d’enfant. La reine mère, Louise de Savoie, duchesse d’Angoulême, en sa qualité d’héritière de Suzanne, par sa mère, Marguerite de Bourbon, lui disputa la succession de cette princesse. Le connétable, après la perte de ce procès, en 1523, quitta la France et se réfugia près de Charles Quint, qui lui confia le commandement de ses armées. Jean de L’Hospital suivit son maître et fut condamné par le Parlement à être décapité, avec d’autres complices du connétable.

Michel, plus tard, n’a pas approuvé la conduite de son père en cette occasion. Dans un de ses poèmes, il s’est exprimé en ces termes : “ Mon père, pour ne rien dire de ses autres vertus, était constant dans ses affections, ferme dans ses volontés ; prêt à exposer sa vie pour rester fidèle au parti qu’il avait une fois embrassé. Tels furent ses sentiments dès son enfance ; il es a conservés pendant sa jeunesse et jusqu’à ses derniers jours. Pauvre, il méprisa les richesses et préféra toujours l’honnête à l’utile. Tout d’un coup, une chute terrible, la ruine d’une puissante Maison, vint l’accabler (car souvent la ruine d’un seul en fait crouler bien d’autres) ; sans raisonner, en proie à une erreur fatale, il suivit une cause que détestaient les dieux, comme le prouva le sinistre résultat : il s’est trompé, je l’avoue, mais pas plus de trois ans. Toutefois, il n’a pas pris les armes contre sa patrie. Il a seulement fait profiter un ennemi des bienfaits de son savoir, lui qui, pendant trente ans, l’avait soigné comme un ami. Aussitôt après que la mort le lui eut enlevé, il s’empressa d’abandonner le parti contraire et de revenir dans son pays natal. Il ne voulut accepter ni les promesses, ni les avantages, ni le brillant avenir dont le flattait l’empereur : ne déguisant plus sa personne, il suivit Montaigu, alors ambassadeur à Rome, et satisfit son cœur en revenant au sein de sa patrie. ” {c}

Michel était âgé d’environ dix-huit ans, lorsque son père accompagna le connétable de Bourbon dans sa fuite du royaume ; il fut arrêté à Toulouse et mis en prison, “ jusqu’à ce qu’on m’eût relâché, dit-il encore dans son testament, et fait sortir par mandement exprès du roi, pource qu’on ne m’avait en rien trouvé coupable. ”

Michel, ainsi rendu à la liberté, alla retrouver son père à Milan ; mais François ier ayant mis le siège devant cette ville, Jean de L’Hospital en fit sortir son fils, qui raconte cette fuite en ces termes : “ Lequel (son père) voyant que le siège semblait prendre trop long trait, ne voulant que je perdisse mon temps, donna charge à quelques voituriers de m’emmener, avec lesquels étant sorti de Milan en habit de muletier, je passai, non sans grand danger de ma vie, la rivière dAbdua (l’Adda), j’arrivai en la ville de Martinengue, {d} qui est de la seigneurie des Vénitiens, et de là à Padoue, où de toute antiquité les études du droit fleurissaient ; auquel lieu ayant demeuré six ans, mon père m’appela à Bologne et à Rome, où l’empereur Charles Quint était allé pour se faire couronner roi des Romains, {e} à la suite duquel mon père était après la mort du duc de Bourbon. ” »


  1. Aigueperse (Puy-de-Dôme), à mi-chemin entre Clermont-Ferrand et Vichy, était l’ancienne capitale du comté de Montpensier, alors principal fief de la dynastie des Bourbons, issue de Robert de France, comte de Clermont (1256-1319), dernier fils du roi Louis ix (saint Louis, v. note [2], lettre 856).

  2. Charles de Bourbon (Montpensier 1490-Rome 1527), connétable de France et de Bourbon de 1515 à 1523, comte de Montpensier, etc. appartenait à la branche cadette des Bourbons. Marié en 1505 avec Suzanne de Bourbon (1491-1521), sa cousine germaine, il était devenu le plus riche et puissant seigneur de France. Après un procès qu’il perdit, le décès de sa femme le priva de ce qu’elle possédait. Charles de Bourbon choisit alors de changer de camp en se mettant au service de Charles Quint. Il périt d’un coup d’arquebuse, étant à la tête de la coalition impériale qui assiégea et investit Rome le 6 mars 1527.

  3. Traduction par Taillandier de 27 vers extraits de l’épître de L’Hospital intitulée Ad Petrum Castellanum, Episcop. Matisconensem, Bibliothecæ Regiæ præfectum, quem Francisc. Rex, ob singularem eruditionem, et eloquentiæ laudem, inter familiares suos præcipue dilexit. Accurate et oratorie scripta est [À Pierre Duchâtel, évêque de Mâcon, {i} directeur de la Bibliothèque royale, que le roi François a tout particulièrement distingué parmi ses familiers, en raison de sa singulière érudition et de sa louable éloquence. Elle a été soigneusement et oratoirement écrite] (livre i, pages 83‑84 des Epistolarum seu Sermonum) : {ii}

    Mi pater (ut reliquas taceam quibus ille valebat,
    Virtutes animi) constans in amore, tenacis
    Propositique fuit, certus quæcunque tuenda
    Cœpisset, prompto capitis retinere periclo.
    Hunc morem puer instituit ; servavit adulta,
    Extremaque ætate, rei contemptor opumque,
    Pauper, et utilibus præponens semper honesta :
    Cum subito oppressit casus miserabilis illum,
    Et magnæ fortuna domus : ut sæpe ruina
    Unius affligi multas, labique videmus :
    Hic non iudicio, sed quodam errore, secutus
    Invisam superis causam, minimeque placentem,
    Tristis ut eventus docuit, postremaque rerum,
    Erravit (fateor) aliquantum temporis amens.
    Nec tamen aut patriam contra stetit, aut tulit arma :
    Verum operas tantum, privataque præstitit hosti
    Officia imprudens, annum non amplius unum :
    Triginta totos cum iam servisset amico :
    Quem simul audivit crudeli morte peremptum,
    Illas continuo festinus linquere partes
    Cogitat, et reducem patria se sistere terra.
    Jam neque promissis, neque conditionibus ullis
    Uti sustinuit, cum præmia poneret illi
    Magna, domique locum Germanus Cæsar honestum.
    Hæc nihili pendens, Acromontemque secutus
    (Is tum forte fuit Regis legatus in urbe)
    Antiquum patriam visendi explevit amorem
    .

    1. De 1554 à 1551 (mort en 1552).

    2. « Épîtres ou Discours » de L’Hospital, Lyon, 1592, v. infra note [23].
  4. « Martinengum, Martinengo, ville de l’ancien royaume lombardo-vénitien » (note de Taillandier).

  5. À Bologne le 24 février 1530 (v. notule {a}, note [12] du Borboniana 2 manuscrit).

    V. note [7], lettre 21, pour le sens exact de l’expression « roi des Romains » dans l’Empire germanique.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Bornoniana 4 manuscrit, note 22.

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(Consulté le 19/04/2024)

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