Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 5 manuscrit, note 22.
Note [22]

« Sur ce Granvelle, voyez son éloge dans les Elogia cardinalium de Nic. Sanderus, tome 3, pages 78, 103, 119, 126, 140. »

L’ouvrage cité n’est pas de « Nic. Sanderus », {a} mais du littérateur religieux flamand Antonius Sanderus (Antoon Sanders, Anvers 1586-Affligem 1664) :

Antonii Sanderi presbyteri, Iprensis Ecclesiæ Canonici, Elogia cardinalium, sanctitate, doctrina, et armis illustrium…

[Éloges des cardinaux qui se sont illustrés par leur sainteté, leur doctrine et dans les armes. Par Antonius Sanderus, prêtre et chanoine de l’église d’Ypres…]. {b}


  1. Nicholas Sanders, v. note [32] du Faux Patiniana II‑7.

  2. Louvain, Cornelius Coenesteynius, 1626, in‑4o de 454 pages.

Ce livre n’est pas divisé en tomes, mais en dix decades [décades]. La pagination fournie par le Borboniana est tout aussi déroutante car Antonius Perenottus, Card. Granvellanus est le sujet du dixième éloge de la Decas secunda (pages 169‑178). Il est tiré de son oraison funèbre prononcée par un dénommé Ioan. Baptista Saccus : c’est un tissu de louanges sans autre intérêt pour nous que deux détails biographiques.

  • Nomination de Granvelle au cardinalat (page 170) :

    Cumulatæ insuper in ipso dignitatibus dignitates, usque eo, ut invitus fere, certe non ambiens in Sacrosanctum Collegium cardinalium a Pio iv Pont. Max. omnium suffragiis, ac ipso pæne cælo appluadente fuerit allectus, anno a partu Virginis m. d. lxi tertio Kal. Mart.

    [Les dignités se sont accumulées sur sa personne, jusqu’à ce que, presque à son insu et certainement sans qu’il l’eût brigué, le pape Pie iv {a} le reçût, à l’unanimité des suffrages, dans le sacré Collège des cardinaux, le 27 février de la 1561e année suivant l’accouchement de la Vierge].

  • Mort de Granvelle (pages 175‑176) :

    Homo enim septuagenarius dum quadragesimale jejunium huius sæculi anni m. d. lxxxvi. eadem qua antea consueverat, severitate a se exegit, non modo pulpamentis omnibus, sed etiam ovis et lactariis abstineus, primo ad imbecillitatem maximam redactus est : deinde in febrim quandam assiduam, et insidiosam incidit, ex qua septimum tandem post mensem totus contabuit. Quæ quidem pietatis officia citra ullam prorsus tristitiam atque hypocrisin (a qua fuit alienissimus) exequebatur. Qua autem constantia, animique magnitudine tam diutinum morbum pertulerit, quærere non est necesse, postea quam adeo fortis ad extremum usque persistit, ut de sua quoque ipsius morte nonnihil cavillaretur : siquidem satagentibus medicis, ut tam pertinacis morbi causam inquirirent ; scitote, inquit, non aliam esse, nisi quod temporius ad hanc vitam surrexerim, innuens se iam longævum esse. Quo magis autem appropinquare mortem intelligebat, eo magis intrepidus hanc expectabat, et alacer quasi emeritorum stipendiorum rudem accepturus. Et ut omnibus testatum relinqueret, quanto amore prosequeretur Franciscum Perenottum fratris filium, in quem fortasse nonnullis visus erat durior, ipsum ad se vocatum incredibili pietate complexus sic alloquitur : Gnate (neque enim alius es mihi) præteritorum inter nos mutua sit amnestia : quandoquidem adolescentiæ tuæ, amori meo quidquid offensarum utrimque est, condonandum censeo posthac te ipse reverere ; tu tibi monitor sis, et castigator. Cui ille : Pater (quando me filium ducis) nulla mihi abs te orta est injuria : quin si quid ego licentius feci, parce. Dehinc operam dabo, ne mihi unquam excidant præcepta tua. Obortis vero præ sympathia animi utrique lachrymis, mutuis amplexibus tacitis indulgebant. O egregium pietatis certamen ! Posthæc studebat Antonius ut quam minimum relinqueret morti, de quo triumphare posset. Itaque compositis rebus suis, extrremaque voluntate testata, spes et cogitationes omnes suas in Deo defixit. Postremo, anima sæpius iam expiata, veniaque a domesticis petita, si cui forte gravior fuisset, sacræ summæque perunctioni se totum tradidit. Fama interim certissima, diu prius dissimulata imminentis Antonio fati ad Philippum Regem pervenit : qui tam terribili nuncio perculsus, statim e Laurentino secessu litteras propriis articulis exaratas ad ægrotum dedit, ipsius ægritudine amantissimis verbis miserans, ac solans ; simul quam liberalissime studium opemque suam vivo et mortuo deferens : Quas moribundus senex exosculatus perlegit, et ipsis quam officiosissime respondit, fratris filios, et domesticos suos Regiæ benignitati commendans. Exinde triduum adhuc superstes fuit, piis semper meditationibus incumbens. Adfuit enim assiduus languenti Ioseph Angles Valentinus, monachus Franciscanus, vir pietate ac doctrina insigniter excultus, ideoque Episcopatui Bosanensi designatus, cui, quasi eius certaminis agonotheti strenuus athleta pænitentiæ suæ, fidei, spei egregium testimonium dedit, nusquam labans, nusquam nutans, nusquam hæsitans, quousque in Domino placide obdormuit, die Mattheo sacro xx. ante lucem. Qui finis ne omine quidem caruit : quoniam animadversum est, simili quoque die obiisse Carolum v. Imperatorem, cuius ut viventis, sic et morientis vestigia secutus est cardinalis. Nec defuit suus honos extincto ; siquidem populus certatim ad expositum cadaver, quasi ad Sanctorum pulvinaria confluxit.

    [L’homme était en effet septuagénaire quand il se soumit au carême de l’an 1586 avec la sévérité qui lui était coutumière : l’abstinence des viandes, mais aussi des œufs et des laitages, le mit d’abord dans un état de très grande faiblesse ; ensuite, il tomba dans une fièvre lente et continue, qui finit par le dessécher entièrement au cours des sept mois suivants. Il ne cessa certes pas d’observer ses devoirs de piété, sans la moindre marque de tristesse ou d’hypocrisie (sentiments qui lui étaient tout à fait étrangers). Il est inutile de s’interroger sur la constance et la grandeur d’âme avec lesquelles il a enduré jusqu’au bout cette si longue maladie, après qu’on l’a vu conserver jusqu’au bout son grand courage, sans cesser de plaisanter sur sa propre mort. Ainsi, quand les médecins se démenaient pour comprendre la cause d’un mal si opiniâtre, « Sachez, leur dit-il, que ce n’est rien d’autre que d’être né trop tôt », voulant dire par là qu’il avait déjà vécu bien assez longtemps. Plus il voyait son trépas approcher, plus il était intrépide et allègre à l’attendre, comme s’il allait recevoir le solde bien mérité des campagnes qu’il avait menées. Et pour laisser à tous un témoignage de la grande affection qu’il avait pour François Perrenot, fils de son frère, {b} laquelle a pu sembler insupportable à certain, il l’appela près de lui, l’embrassa avec incroyable bonté et lui dit : « Mon fils (car tu n’es rien d’autre pour moi), oublions tous deux ce qui s’est passé entre nous. Quand bien même ta jeunesse et mon amour y auraient provoqué quelques heurts, je pense qu’il faut nous en faire grâce après que tu en seras convenu. Sois plus attentif et plus strict envers toi-même. » L’autre lui répondit : « Mon père (puisque vous me tenez pour un fils), vous êtes loin de me faire injure. Épargnez-moi donc si j’ai agi trop hardiment envers vous. Désormais, je veillerai à ne jamais m’écarter de vos préceptes. » Les larmes aux yeux, pour marquer la profonde et réciproque entente qui les liait, ils s’embrassèrent alors silencieusement. Ô l’admirable duel de piété ! Dès lors, Antoine s’évertua à concéder le moins possible de triomphe à la mort : ayant mis ordre à ses affaires et exprimé ses dernières volontés, il voua toutes ses espérances et toutes ses pensées à Dieu. À la fin, s’étant déjà maintes fois confessé et ayant demandé pardon à ceux de sa maison, s’il avait pu se montrer trop sévère envers quelqu’un, il reçut l’extrême-onction, saintement et de toute son âme. Entre-temps, l’annonce très certaine de la mort imminente d’Antoine, qu’on avait tue jusque là, parvint au roi Philippe. Profondément ébranlé par une si terrible nouvelle, depuis sa retraite de l’Escurial, {c} il écrivit une lettre au malade, de sa propre main, déplorant et pleurant, en mots très affectueux, sa propre désolation, et lui offrant fort généreusement, qu’il fût encore vivant ou déjà mort, ses soins et son aide. Le vieil homme qu’il chérissait, tout près du trépas, la lut entièrement et lui répondit avec la plus grande obligeance, recommandant ceux de sa maison et les fils de son frère à la bienveillance du roi. Le cardinal survécut encore trois jours, plongé dans de pieuses méditations. Dans son agonie, il fut assidûment assisté par Joseph Angles, moine franciscain natif de Valence, homme emprunt de piété et de doctrine remarquables, qui a en conséquence été nommé évêque de Bosa ; {d} comme à l’arbitre d’un combat, notre intrépide athlète lui a donné l’éminent témoignage de son repentir, de sa foi, de son espérance, sans jamais défaillir, ni chanceler, ni hésiter, jusqu’au moment où il s’est paisiblement endormi dans les bras du Seigneur, avant l’aube du 20e du mois, jour de la Saint-Matthieu. Un signe n’a pas manqué d’accompagner sa fin car on a remarqué que l’empereur Charles Quint était aussi mort à cette même date, et que le cardinal avait suivi ses pas, tant durant sa vie que dans la mort. {e} Les honneurs ne firent pas défaut au défunt homme : le peuple vint en foule se prosterner devant sa dépouille comme devant les gisants des saints]. {f}


    1. V. note [5], lettre 965.

    2. La générosité du cardinal à l’égard de son neveu François, fils de Thomas Perrenot, comte de Cantecroix (v. supra note [21]), fut la source de longs litiges au sein de sa famille.

    3. Le nom espagnol complet de l’Escurial (v. note [8], lettre 1003) est San Lorenzo de El Escorial, ce qui lui valait d’être ici nommé Laurentinus secessus.

    4. Alghero-Bosa est un diocèse situé sur la côte occidentale de Sardaigne (alors rattachée à la Couronne espagnole) ; Josè Anglès (1550-1588) en a été nommé évêque peu avant sa mort.

    5. Charles Quint, en 1558, et Granvelle, en 1586, étaient tous deux morts un 21 septembre, fête de l’apôtre saint Matthieu. J’ai corrigé le texte qui donne xx pour xxi.

    6. Étant donné les goûts de luxe et les mœurs libres d’Antoine de Granvelle (v. la dernière citation de la note [24] infra), l’Église n’a jamais envisagé sa béatification. Il mourut en laissant trois enfants naturels.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 5 manuscrit, note 22.

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(Consulté le 16/04/2024)

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