Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑2 (1701), note 27.
Note [27]

« Joseph Scaliger a écrit à son cher Grissæus… ». La correspondance de Scaliger contient en effet cette seule lettre écrite au baron de Grisse, datée du château d’Abain (en Poitou, v. note [8], lettre 266) le 12 avril (julien, 22 avril romain) 1586 (Ep. latclxxxii, pages 380‑381) :

Putabam nos tibi animo penitus excidisse. Nihil enim a te literarum, quo primum hinc extulisti pedem. Quum hanc iniuriam tecum expostulare vellem, ecce iram meam placavit epistola tua, et animum meum tibi reddidit. Omnis ira mea vertit indolorem ; ex repentino cladis fratrum Lavalliorum nuntio. Hem quid audio ? tantum luctus et funerum tantillo tempore ? Vix in iusta pugna timendum esset quod tumultuario experti sumus prælio. Nam clades æstimandæ, non numerandæ sunt : neque interest quot homines, sed quos amiseris. Centum nebulones cæsi sunt, et duo heroes desiderantur. I ergo, et iacturæ huic illos oppone quos inferias missos horum duorum manibus ais. Deteriores animæ pro melioribus datæ sunt. Quidam nobis spem te videndi faciunt. Ego sane te et longissime et diutissime abesse puto, postquam mihi de tuo reditu non constat. Si cito ad nos redit, expectationem nostram, non desiderium falles. Vale. Pridie Eid. April.

[Je te pensais bel et bien mort, car je n’ai eu aucune lettre de toi depuis que tu as mis le pied hors d’ici. Comme je voulais te faire reproche de cette injustice, voilà ta lettre qui a apaisé ma colère et rétabli mon affection pour toi. L’annonce du désastre qui a soudain emporté les frères de Laval {a} a transformé tout mon courroux en chagrin. Ho ! qu’est-ce donc que j’apprends ? Tant de désolation et de deuil en si peu de temps ? Dans une bataille en ligne, nous aurions eu du mal à redouter ce qui est arrivé dans un combat improvisé. Le fait est qu’il faut juger les catastrophes sur leurs effets, et non sur le nombre de vies qu’elles coûtent : ce qui importe n’est pas combien d’hommes en tout, mais ceux que tu as perdus, toi ; cent vauriens ont été tués, mais deux héros sont à déplorer. Va donc, et fais payer ce sacrifice à ceux qui, dis-tu, ont béni les mânes de ces deux-là. {b} De pires âmes ont été offertes en échange de meilleures. Certains nous font espérer ta visite. Je te croirai parti très loin et pour très longtemps tant que je ne t’aurai pas vu de retour. Si tu nous reviens vite, tu ne failliras pas à notre attente, à notre désir. Porte-toi bien. Le 12 avril]. {c}


  1. Paul de Coligny (autrement nommé Guy de Laval) et son frère Benjamin de Coligny d’Andelot, gentilshommes protestants, étaient tous deux morts au cours ou dans les suites immédiates du combat qui avait eu lieu à Saintes le 7 avril (nouveau style romain, 29 mars ancien style julien, calendrier auquel se référait Saumaise).

    Grisse avait dû participer à cette bataille (du côté catholique), mais avait sans doute écrit à Scaliger avant le décès du frère aîné des Andelot, Guy, comte de Laval (né en 1555), mort de chagrin le 15 avril suivant ; Jacques-Auguste i de Thou, Histoire universelle a célébré sa mémoire (Thou fr, volume 14, livre cxxxiv, pages 415‑416)

  2. Sans certitude d’avoir ici exactement traduit la pensée de Scaliger.

  3. Sans indication d’année, mais les faits relatés permettent de conclure à 1586.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑2 (1701), note 27.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8197&cln=27

(Consulté le 18/04/2024)

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