À Claude II Belin, le 6 mars 1650, note 3.
Note [3]

Tabac (Furetière) :

« herbe qui fut envoyée en France l’an 1560. On l’appelle aussi petun, c’est le nom qu’elle avait à la Floride. De Prades, qui a fait l’histoire du tabac, dit que les Espagnols le connurent premièrement à Tabaco, province du royaume de Yucatan, dont ils lui donnèrent le nom, que lui donne Hernandès de Tolède qui, le premier, l’envoya en Espagne et en Portugal. Jean Nicot, ambassadeur de François ii auprès de Sébastien, roi de Portugal, la présenta au grand prieur, à son arrivée à Lisbonne, et à Catherine de Médicis en France. Ils la firent appeler chacun de leur nom, nicotiane, l’herbe au grand prieur et l’herbe à la reine. Le cardinal de Sainte-Croix, nonce en Portugal, et Nicolas Tournabon, légat en France, l’ayant les premiers introduite en ce pays-ci, la nommèrent chacun de leurs noms de Sainte-Croix et de Tournabon. Amurat iv, empereur des Turcs, le grand-duc de Moscovie et le roi de Perse en défendirent l’usage à leurs sujets sous peine de la vie ou d’avoir le nez coupé. Jaques Stuart, roi d’Angleterre, a fait un traité sur le mauvais usage du tabac. On prend du tabac en poudre par le nez, en mâchicatoire, en le mâchant dans la bouche, et en fumée par le moyen d’une pipe ou petit canal de terre, au bout duquel on le met et on l’allume. Le tabac le plus estimé est celui de Pongibon, de Malte, d’Espagne. Il n’est permis en France de planter du tabac qu’en certains lieux portés par l’édit fait sur ce sujet. Ceux qui prennent du tabac par excès sont sujets à perdre l’odorat. Celui qu’on prend en fumée gâte le cerveau et rend le crâne noir, comme prouve Simon Paul, médecin du roi de Danemark, qui en a fait un traité exprès ; {a} il dit aussi que les marchands trompeurs le mettent dans des retraits {b} afin qu’étant chargé du sel volatil des excréments, il en devienne plus âcre, plus puant et plus fort. […] Les vertus du tabac, qui est un des premiers remèdes narcotiques, sont expliquées par le sir Willis dans sa Pharmacie, et ses effets tout à fait contraires, qui sont d’échauffer et de rafraîchir, de provoquer et de chasser le sommeil, de donner de l’appétit et de l’ôter. »


  1. V. note [1], lettre 836.

  2. Tinettes.

On lit dans l’Euphormion de Jean Barclay (v. note [20], lettre 80 ; seconde partie, 1608, lettres 214-215) un long passage contre le tabac (traduction latine de Jean Bérault) :

« Une chose sur toutes m’étonna, ce fut que l’on apporta sur la fin du repas certains instruments de terre légers et polis qui sont faits de la façon : ce vaisseau a une petite tête qui ne peut contenir que fort peu de choses ; à cette tête aboutit une petite jambe droite et cave que l’on appelle la pipe. Catharin développa je ne sais quoi d’un papier et l’ayant rompu en petits morceaux, en mit un en cette petite tête que j’ai dit et y mit le feu. Il en sortit une légère fumée qui s’épandit parmi l’air. Après cela Catharin mit la pipe à sa bouche et retirant son haleine, attira par le creux de ce vaisseau une grosse fumée qu’il tint si longuement dans sa bouche qu’elle eut loisir de remplir tout son cerveau. Chose merveilleuse, cette vapeur sortit presque par tous les conduits des sens. Les yeux en pleuraient et ne laissaient pas toutefois de paraître étincelants ; le nez rendait de gros bouillons de fumée épaisse ; la bouche ressemblait à un four quand le feu n’a pas encore emporté le dessus sur le bois vert et humide ; il en sortit incontinent après une grande quantité d’eau sale, à cause que les humeurs émues et peut-être engendrées par cette vapeur pestifère coulaient par tous les conduits. Et afin que rien ne manquât à une chose si vilaine à voir, le lieu où nous étions sentait si mauvais que j’eusse voulu de bon cœur que Catharin eût été encore à discourir. Il nous pria d’user d’un médicament si agréable. Il disait que cette plante était une merveilleuse force et vertu pour chasser les mauvaises humeurs et qu’elle pouvait guérir tous les maux ; mais nous nous en excusâmes, mon compagnon et moi ; nous n’étions pas alors si lassés de vivre que nous eussions occasion de désirer la mort. Nous eûmes la croyance que cet homme ne nous avait pas bien informés quel il était et qu’outre les belles qualités qui le rendaient recommandable, il avait cela de particulier qu’il était de la famille des Psylles, {a} car autrement il ne se fût jamais garanti d’un si fort poison.

Plante infâme, nuisible, horrible, vénéneuse,
Dommageable à nos corps pour ta vapeur fumeuse,
Que la mère Nature, au moins en ce seul point,
A fait naître en des lieux que nous ne voyons point,
Quel esprit enragé, te mettant dessus l’onde,
T’a fait venir ici chercher un autre monde ?
N’avions-nous pas assez de malheurs parmi nous ? »


  1. Charmeurs de serpents (v. deuxième notule {a}, note [101] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 6 mars 1650, note 3.

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(Consulté le 29/03/2024)

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