À André Falconet, le 2 décembre 1664, note 3.
Note [3]

« on appelle les docteurs de Sorbonne “ nos maîtres ”, parce qu’ils ne font rien payer pour leurs consultations. »

Pierre Rebuffi (Baillargues, près de Montpellier 1487-Paris 1557) enseigna successivement le droit civil et le droit canonique à Toulouse, Montpellier, Cahors, Poitiers et Paris. Telle était sa réputation que le pape Paul iii (v. note [45] du Naudæana 3) voulut le faire auditeur de rote. Rebuffi était un médiocre orateur, mais un praticien très versé dans les matières bénéficiales, science encore peu connue de son temps. Il reçut la prêtrise à l’âge de 60 ans. Ses Œuvres ont été recueillies en 5 volumes in‑fo (Lyon, 1586).

Guy Patin abbrégeait et adaptait à la Sorbonne le spirituel commentaire de Rebuffi sur la définition du mot Magister, dans son Tractatus Concordatorum [Traité des Concordats], {a} page 919, section De Collationibus [Sur les Contributions], paragraphe intitulé Quare doctores theologiæ vocentur magistri nostri [Pourquoi on appellerait « nos maitres » les docteurs de théologie] :

Ex consuetudine doctores theologos vocamus magistros nostros, et puto eo consuetudinem introductum esse, quod sunt communes omnium, tam in prædicationibus, quam in lectionibus gratis serviendo : ideo quilibet eos nostros appellat, sicut fatuus maritus uxorem nostram, et non suam vocat ; […] sic Papa vocat cardinales scribendo in genere fratres nostros, secus si exprimat nomen proprium ; […] et sic ecclesia dicitur nostra, quia nemini claudit gremium ; sic isti doctores magistri nostri dicuntur ; […] ergo doctores aliarum facultatum non debent vocari magistri nostri, quum non sint communes omnium sine mercede, sicut theologi.

[Nous avons coutume d’appeler « nos maîtres » les docteurs en théologie, et je pense que cette habitude a été introduite parce qu’ils appartiennent à tous quand ils se dévouent tant à leurs discours qu’à leurs leçons : c’est pourquoi tout le monde dit « nos maîtres », à la manière du sot mari qui ne parle pas de « son », mais de « notre épouse ». {b} (…) C’est ainsi que le pape appelle les cardinaux « nos frères » quand il leur écrit collectivement, mais autrement, il s’adresse à eux par leur nom propre. (…) De même, nous parlons de « notre Église » par ce qu’elle ne ferme son giron à personne. {c} Voilà pourquoi nous appelons ces docteurs « nos maîtres. (…) Les docteurs des autres facultés ne doivent donc pas être appelés « nos maitres », puisqu’ils ne sont pas à la disposition gratuite de tous, comme sont les théologiens].


  1. Publié avec sa Praxis Beneficiorum [Pratique des Bénéfices] (Cologne, Lazarus Zetzneri, 1610, in‑4o de 1 281 pages).

  2. Sous-entendu : comme si elle appartenait à tout le monde.

  3. Sous-entendu : contrairement à « notre épouse » susdite.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 2 décembre 1664, note 3.

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(Consulté le 26/04/2024)

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