Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 6 manuscrit, note 31.
Note [31]

« Voyez de Thou à l’année 1596. »

Dans son Histoire universelle (livre cxvii, règne de Henri iv, année 1596, Thou fr, volume 13, pages 34‑35), Jacques-Auguste i de Thou a résumé la vie de Jean Bodin, {a} avec ces remarques :

« […] il publia enfin en français son grand ouvrage intitulé La République de Bodin ; livre qui, en faisant connaître la vaste et profonde érudition de l’auteur, fait voir aussi, au sentiment des personnes de bon sens, beaucoup de vanité et d’ostentation, défaut ordinaire à ceux de son pays. Peu de temps après, il publia, aussi en français, sa Démonomanie, {b} matière qui avait été jusqu’alors traitée par plusieurs autres auteurs, mais sur laquelle Bodin a écrit avec plus de netteté et de justesse que tout autre, en réfutant presque toujours les sentiments de Wier. {c} Ce livre l’a fait soupçonner de magie. Pendant qu’il composait ces ouvrages, il eut souvent l’honneur d’être admis dans les entretiens secrets et familiers que Henri iii se plaisait d’avoir avec les savants, et il s’y fit toujours distinguer, car il avait, comme l’on dit, son esprit en argent comptant ; {d} et sa mémoire heureuse et fidèle lui fournissait toujours une infinité de choses curieuses sur toutes les matières qu’on proposait.

La jalousie de certaines personnes qui avaient du pouvoir à la cour lui ayant fait perdre les bonnes grâces du roi, il entra au service de François duc d’Alençon, que les États des Provinces-Unies choisirent dans la suite pour leur souverain {e} Son rare savoir et surtout la connaissance qu’il avait des affaires étrangères lui procurèrent un rang distingué dans la Maison de ce prince, qu’il avait suivi en Flandre et dans le voyage qu’il fit en Angleterre. Après la mort du duc d’Alençon, il fut pourvu de la charge de lieutenant général du présidial de Laon, où il alla s’établir et où il exerça cette magistrature avec une grande réputation de probité jusqu’à l’année 1588. Quoique Bodin eût autrefois goûté les opinions nouvelles sur la religion, et qu’il passât même alors pour n’être pas fort éloigné de la doctrine des protestants, néanmoins, comme tout était en confusion dans le royaume, il jugea à propos d’entrer, comme bien d’autres, dans le parti de la Ligue. S’étant déclaré contre Henri iii et contre son légitime successeur, {f} il publia à ce sujet des écrits qui le déshonorent aujourd’hui, mais qui furent alors reçus avec applaudissement par les ligueurs, et répandus de tous côtés. {g} Il expia sa faute, en quelque sorte, en augurant mal du succès de la Ligue, car il prédit l’année et le mois que la paix, qu’on ne prévoyait pas alors, serait conclue, et l’événement justifia sa prédiction. Après avoir publié son Théâtre de la nature, {h} ouvrage où il rappelle à leurs véritables principes toutes les causes et tous les effets de la nature, il mourut, en quelque sorte, comme le cygne qui meurt en chantant, {i} et finit au commencement de mai de cette année une vie aussi agitée que laborieuse, étant âgé de plus de 70 ans. »


  1. V. note [25], lettre 97.

  2. Le pays natal de Bodin était l’Anjou. V. note [25], lettre 97, pour sa Démonomanie des sorciers (Paris, 1580).

  3. Johann Wier, v. note [19], lettre 97.

  4. Le sens de la réplique : « on dit au figuré qu’un homme a payé un autre tout comptant lorsqu’il a repoussé sur-le-champ quelque offense [attaque] qui lui a été faite, soit par des coups de main, soit par une prompte et piquante repartie » (Furetière).

  5. Le duc d’Anjou (mort en 1584, v. note [13] du Borboniana 3 manuscrit), frère cadet (et rival « malcontent ») de Henri iii.

  6. L’adhésion à la Ligue pouvait ressortir à des raisons religieuses (catholicisme fidèle à Rome) ou politiques (opposition à la Couronne légitime de Henri iii et putative du roi calviniste de Navarre, le futur roi Henri iv).

  7. Notamment sa Lettre de Monsieur Bodin (20 janvier 1590).

  8. Lyon, 1596, en latin, et 1597, en français : v. note [21] du Borboniana 3 manuscrit.

  9. V. notule {b}, note [8], lettre 325.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 6 manuscrit, note 31.

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(Consulté le 24/04/2024)

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