Aloysius Lilius (Luigi Giglio ou Lilio), médecin et astronome italien de la seconde moitié du xvie s., originaire de Cirò (Calabre), est connu pour avoir fourni au pape Gégoire xiii (v. note [2], lettre 430) les bases scientifiques qui aboutirent, en 1582, à la réforme catholique du calendrier : passage de l’ancien style, julien, au nouveau style, grégorien (v. note [12], lettre 440).
L’ouvrage qui les a établies est un opuscule dont le titre n’est pas de Epactis [des Épactes], mais Compendium novæ rationis restituendi kalendarium [Abrégé de la nouvelle méthode pour présenter le calendrier] (Rome, héritiers d’Antonius Bladius, 1577, in‑4o de 17 pages) ; sans auteur identifié, il est adressé Peritis Mathematicis [Aux habiles mathématiciens]. La méthode repose sur le calcul des épactes, bête noire des chronologistes débutants (dont je fais partie). Dans le calcul du comput (calendrier) ecclésiastique, l’épacte est (Furetière) :
« la différence de l’année lunaire, qui n’est que de 354 jours, d’avec l’année solaire qui est de 365 jours. Cette différence fait que les nouvelles lunes reculent tous les ans de onze jours. On trouve l’âge de la Lune en ajoutant l’épacte de l’année {a} au nombre des jours du mois où on est, et au nombre des mois écoulés depuis celui de mars ; en observant aussi de retrancher 30 jours quand ces trois sommes ajoutées vont au-delà. {b} Le cycle des épactes est de 19 ans, répondant au nombre d’or {c} ou cycle lunaire, après lequel toutes les lunations reviennent au même jour. Les épactes commencent l’onzième des calendes d’avril. {d} Ce mot vient du grec épagô, induco, intercalo. » {e}
- Dans le calendrier julien (vieux style), les épactes prennent successivement 19 valeurs non consécutives allant de 0 à 28 : 8 pour l’année 0 du cycle ; 19 pour l’année 1 ; 0 pour l’année 2 ; etc., jusqu’à 26 pour l’année 18 ; puis un autre cycle recommence.
- Dépasse 30.
- V. note [9], lettre 9.
- Soit 11 jours avant le 1er avril, ce qui aboutit au 22 mars.
- J’insère, j’intercale, en latin.
Le Compendium fournit une table de calcul de l’épacte pour les années 1 à 5000 de notre ère ; mais je l’ai trouvée tout aussi opaque que l’explication de Furetière.
Le nom de Lilius (que j’ai transcrit en petites capitales) apparaît en deux endroits du Compendium.
- Dans les toutes premières lignes (page A ro) :
Cum in sacro concilio Tridentino Brevarij Missalisque emendatio Romano Pontifici reservata esset, idque felicitis recordationis Pius v quanta maxima potuit diligentia superioribus annis perficiendum curasset, atque edidisset : non tamen id opus visum est suis omnibus numeris absolutum atque perfectum, nisi restitutio quoque anni et ecclesiastici Kalendarij accederet. In eam igitur curam dum Gregorius xiii Pont. Max. toto animo et cogitatione incumbit, allatus est illi liber ab Aloisio Lilio conscriptus, qui neque incommodam neque difficilem viam ac rationem eius rei perficiendæ proponere videbatur.
[Le saint concile de Trente a réservé au pontife romain la correction du bréviaire et du missel ; {a} et ces dernières années, Pie v, d’heureuse mémoire, a pris et déployé tout le soin dont il était capable pour y parvenir. Néanmoins, cette tâche ne paraîtra pas compète et achevée en tous ses détails tant que le rétablissement de l’année et du calendrier ecclésiastique n’y aura pas été rajouté. Il incombe donc maintenant au pape Grégoire xiii {b} d’y consacrer entièrement son esprit et sa réflexion ; et lui a été apporté un livre écrit par Aloysius Lilius, {c} qui semblait proposer une méthode et un procédé capables de parfaire ce dessein sans incommodité ni difficulté].
- V. note [55] du Borboniana 7 manuscrit.
- Le concile de Trente (v. note [4], lettre 430) s’était achevé en 1563. Pie v avait régné de 1566 à 1572, et Grégoire xiii lui avait succédé.
V. notes [1] et [2] du Borboniana 2 manuscrit pour les tentatives avortées que le pape Sixte iv et l’astronome Johannes Regiomontanus avaient faites en 1475 pour accomplir cette réforme.
- Sans doute le livre intitulé de Epactis [des Épactes], cité par Gabriel Naudé, mais je n’en ai pas trouvé d’édition imprimée.
- À la dernière page (C vo) :
Agite igitur Mathematici, qui cælestium rerum contemplatione et cogitatione ducimini, toto animo omnique cura in hanc communem causam incumbite, ac re diligenter meditata et considerata, aut hæc quæ a Lilio proponuntur probate, aut si quid istis rectius novistis, candide impertiri, et nobiscum communicare velitis. Turpe enim nobis omnibus erit pati diutius in gravi errore Christianos omnes, et in maximarum rerum ignoratione versari.
[C’est donc à vous, mathématiciens, de réagir, vous qui êtes guidés par l’observation et la méditation des phénomènes célestes. Penchez-vous avec toute votre intelligence et toute votre diligence sur cet enjeu commun ; et après l’avoir mûrement pesé et considéré, approuvez ce que propose Lilius, ou si vous connaissez une meilleure solution, veuillez nous la faire aimablement partager et nous la communiquer. Il serait en effet honteux pour nous tous de souffrir que l’ensemble des chrétiens soit maintenu plus longtemps dans une lourde erreur et dans l’ignorance des plus importantes choses].
Au bas de cette même page figure aussi le privilège accordé, sur mandat du pape, par le cardinal titulaire de la basilique romaine San Lorenzo in Lucina, qui était alors Innico d’Avalos d’Aragona (nommé en 1567 et mort en 1600).
Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 218‑220 :
« Aloisius Lilius. Cet illustre mathématicien était mort quelque temps avant le mois d’octobre 1582. Le supplément de Moréri, sans en excepter même les éditions revues, corrigées et augmentées par M. Le Cl. a fait une plaisante bévue quand il confond l’Aloisius Lilius qui a trouvé les nombres épactaux avec le Lilio Gregorio Giraldi, et lorsqu’il dit que le frère de ce dernier, qu’il appelle Lilio Antonio Giraldi, présenta à Grégoire xiii un traité posthume de son frère pour la réforme du calendrier. {a} Pour appuyer ce fait, on cite la vie de Sixte v de M. Leti, {b} mais il n’y a rien de semblable : on y lit seulement qu’Aloisio Lilio, médecin, avait fait un petit traité sur les épactes, dans lequel il donnait les moyens de réformer les erreurs qui s’étaient glissées dans le calendrier ; lequel ouvrage fut présenté en 1582 à Grégoire xiii par Ant. Lilio, frère de l’auteur. C’est aussi ce qu’il fallait dire et qui se trouve confirmé du témoignage de Clavius et du Rossi. » {c}
- La note [1] du Faux Patiniana II‑1 retrace l’histoire des premières éditions du Grand Dictionnaire historique de Louis Moréri (mort en 1680) entre 1674 et 1707. La confusion entre l’érudit Lilio Gregorio Giraldi (1478-1552) et Lilio Giraldi (sic pour Luigi Lilio), que dénonçait Vitry, figure (entre autres) dans la huitième (Amsterdam, 1698) établie par les soins de Jean Le Clerc (v. notule {a} de la même note [1]), à la page 347 du tome troisième.
- Gregorio Leti (v. note [1], lettre 943) : La Vie du pape Sixte cinquième (Paris, 1683, v. note [32] du Patiniana II‑4), tome premier, page 185.
- Dans la Novi calendarii Romani Apologia [Apologie du nouveau calendrier romain] du mathématicien jésuite allemand Christoph Clavius (Rome, 1588, v. seconde notule {c}, note [30] du Borboniana 2 manuscrit), je n’ai vu qu’un hommage à Aloysius Lilius (page 155), sans allusion à son frère.
Janus Nicius Erythræus (Giovanni Vittorio Rossi, v. note [23] du Naudæana 1) a donné une courte biographie d’Aloysius Lilius dans sa Pinacotheca imaginum illustrium [Galerie des portraits d’hommes illustres] (Cologne 1643, v. notule {b}, note [22] du Naudæana 1), pages 178‑179 : il y dit qu’après sa mort, son frère Antonio présenta son livre au pape Grégoire.
|