Grâce à un jeu complexe de courriers croisés, la capitulation du parlement d’Aix devant le comte d’Alais, gouverneur de Provence, put être réglée par la cour sans intervention parasite des magistrats parisiens que leurs collègues aixois avaient appelés au secours.
Journal de la Fronde (volume i, fos 75 ro‑77 vo) :
« Le même jour au matin, {a} un gentilhomme envoyé du parlement d’Aix présenta une lettre dudit parlement au procureur général de celui de Paris, lequel refusa de la recevoir, disant qu’il n’en avait point d’ordre, ce qui obligea ce gentilhomme de la donner à M. Loisel, {b} conseiller des Enquêtes, qui la reçut d’abord ; et là-dessus, deux députés de chaque Chambre des enquêtes étant allés demander l’assemblée, le premier président leur répondit que la Grand’Chambre en délibérerait et qu’on leur rendrait réponse à dix heures ; mais cette heure étant venue, les Enquêtes trouvèrent que le premier président en était déjà sorti et les conseillers qui étaient restés dans la Grand’Chambre leur dirent qu’on avait bien accordé l’assemblée, mais que ce ne serait que pour lundi ensuivant, qui était le 9 ; mais on eut avis de Compiègne, dès le 7, qu’il ne tenait qu’au comte d’Alais que l’accommodement des affaires de Provence ne fût fait car, le premier de ce mois, M. d’Étampes en dressa les articles avec des grands avantages pour ce comte, étant expressément porté, entre autres choses, que Messieurs {c} d’Aix désarmeraient les premiers ; qu’ils enverraient audit comte une députation solennelle par laquelle ils le prieraient bien humblement d’oublier tout le passé, lui protester obéissance, honneur et respect autant qu’il en est dû à un gouverneur, et qu’on a rendus à tous ceux qui l’ont été devant lui, et le prieront de vouloir retourner à Aix avec Madame sa femme et mademoiselle sa fille qui seraient aussi reçues avec le même honneur qu’on a accoutumé de leur rendre ; que les états se tiendront en tel lieu de la province qu’il lui plaira ; et qu’outre les 500 mille livres portées par le précédent traité fait {d} par l’entremise du cardinal Bichi, Messieurs d’Aix accorderont encore au roi 300 mille livres ; et que les consuls qui avaient été cassés par arrêt du parlement seront rétablis et continués encore deux ans. Messieurs d’Aix firent réponse à chaque article et accordèrent à peu près la même chose, mais ils en adoucirent les termes ; après quoi M. d’Étampes fit signer ces articles ainsi modifiés par tous les présidents et conseillers, tant du parlement que chambre des comptes et de la cour des aides, et par tous les corps de la ville ; d’où il partit aussitôt après pour les aller faire signer à ce comte qui était à Rognes, deux lieues d’Aix ; où ayant demeuré jusqu’au soir du 3 sans pouvoir persuader à celui-ci de les signer, il expédia un courrier à la cour pour y apporter les articles en l’état qu’ils étaient ; ce que le comte d’Alais ayant su, fit partir aussitôt un autre courrier avec des réponses qu’il avait faites à chaque article. Ces deux courriers arrivèrent à Compiègne le 7, mais celui de M. d’Étampes y fut deux heures devant l’autre. L’affaire mise en délibération au Conseil, M. le Prince y parla fort en faveur du comte d’Alais {e} et fut d’avis de faire désavouer ce que M. d’Étampes avait fait ; mais afin d’ôter à Messieurs des Enquêtes de Paris le prétexte de s’assembler, on ne laissa pas < de > ratifier le traité, toutefois avec quelque modification, et le courrier de M. d’Étampes le remporta le 10 avec ordre au comte de le signer et exécuter. Le 9, quand il fut question de s’assembler au Parlement pour délibérer sur la lettre du parlement d’Aix, le premier président dit à M. Loisel, qui l’avait reçue, que la paix était faite en Provence, que cette lettre était supposée, que le gentilhomme qui l’avait apportée ne paraissait plus, que M. de Valbelle, député du parlement d’Aix, lui avait dit qu’il ne savait ce que c’était. Par ce moyen, il empêcha l’assemblée après qu’il < y > eut quelques paroles entre lui et M. de Loisel, qui protesta de faire voir clairement que la lettre était véritable ; mais Messieurs des Enquêtes ayant su en même temps que M. de Valbelle, qui avait apporté à la cour les remontrances par écrit faites par le parlement d’Aix, s’en était retourné depuis 15 jours, résolurent d’envoyer le même jour deux députés de chacune de leurs chambres chez le premier président pour examiner la lettre en présence du prétendu député qu’il avait nommé ; et ces députés étant arrivés chez lui à cette fin, il leur dit qu’il avait pris Valouze pour Valbelle (ce Valouze se nomme autrement M. de Riens, lequel est aussi conseiller au parlement d’Aix et fait ici les affaires du cardinal Grimaldi, mais il n’a jamais eu qualité de député de sa Compagnie) et qu’ils devaient être satisfaits de ce qu’il leur avait dit le matin ; que néanmoins si M. de Loisel voulait que cette lettre fût examinée, il enverrait quérir M. de Riens pour l’examiner entre eux trois seulement, sans les autres députés. À quoi M. de Loisel répondit qu’il n’était plus le maître de cette affaire et que c’était au Parlement d’en ordonner, qu’il croyait M. de Riens homme d’honneur, mais que n’étant pas député et ayant tous les jours affaire à la cour, on le pourrait obliger facilement à dire les choses autrement qu’elles n’étaient, et l’affaire en demeura là. Depuis M. Loisel soutient qu’on a obligé le gentilhomme porteur de la lettre de se cacher afin que Messieurs des Enquêtes ne pussent pas le faire paraître et qu’ainsi, la lettre fût toujours < tenue > pour supposée.
[…] Ce matin {f} M. Loisel, conseiller, est entré dans la Grand’Chambre comme député de Messieurs des Enquêtes et a dit à M. le premier président que cesdits Messieurs le priaient très humblement de donner {g} l’Assemblée pour vérifier si la lettre du parlement d’Aix était vraie ou fausse, à quoi le premier président lui a répondu que la Grand’Chambre, l’Édit, et la Tournelle s’assembleraient demain au matin pour leur donner satisfaction là-dessus. »
- 7 août.
- Antoine-Philippe Loisel (v. première notule {g}, note [27], lettre 216).
- Messieurs du du parlement.
- Le 27 mars.
- Son cousin.
- Mercredi 11 août.
- Réunir.
Ajourné de séance en séance, l’examen de la lettre n’eut jamais lieu et l’on n’en parla plus après le 30 août. La paix fut conclue par le parlement d’Aix le 24 août aux conditions fixées par la cour, avec cette remarque préliminaire (ibid. fo 90 ro) :
« Nous avons su ici ce qui s’est passé au Parlement de Paris depuis le 7 du courant {a} jusqu’au 14, et voyant le peu de fondement que nous devions faire sur l’espérance de tirer quelque assistance du Parlement, nous avons jugé à propos d’accepter la paix toute telle qu’on nous l’offrait, sans marchander davantage. »
- Août.
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