Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2, note 39.
Note [39]

Les Iacobi Sannazarii Opera omnia latine scripta, nuper edita [Œuvres latines complètes de Jacopo Sannazaro] (Venise, Alde, 1535, in‑4o) ont été rééditées à de très nombreuses reprises.

Il en existe au moins dix éditions lyonnaises parues entre 1536 et 1613. En feuilletant celle de 1581 (Antoine Gryphe, in‑8o), je n’ai trouvé aucune épigramme sur Sixte iv (Francesco della Rovere, 1471-1484).

Celle de Léon x (Jean de Médicis, 1513-1521, v. note [7], lettre 205) est à la page 184 :

Sumere maternis titulos cum posset ab ursis
Cæculus his noster, maluit esse Leo.
Quid tibi cum magno commune est Talpa Leone ?
Non cadit in turpes nobilis ira feras.
Ipse licet cupias animos simulare Leonis :
Non Lupus hoc genitor, non sinit Ursa parens.
Ergo aliud tibi prorsus habendum est Cæcule nomen :
Nam cuncta ut possis, non potes esse Leo
.

[Quand il eût pu emprunter son nom aux ours, notre Cæculus a préféré prendre celui de Léon. {a} À ton avis qu’y a-t-il de commun entre une taupe et un grand lion ? Une noble colère ne convient pas aux hideuses bêtes. Bien que tu désires feindre le courage du lion, tu n’as pas eu un loup pour géniteur, ton ourse de mère ne le permet pas. Cet autre nom de Cæculus te sied donc parfaitement car, bien que tu sois tout-puissant, tu n’as pas le pouvoir d’être lion].


  1. Léon x, Leo decimus, s’était choisi un prénom qui signifie « lion » en latin. Il était le second fils de Laurent de Médicis, dit le Magnifique (munificent) et de la très pieuse Clarisse Orsini, dont le patronyme dérive du latin ursus (féminin ursa) signifie « ours » (« ourse »).

    Dans le mythe antique, Cæculus (diminutif de cæcus, « aveugle »), « fils de Vulcain et de Préneste, fut conçu d’une étincelle de feu qui vola, de la forge du dieu, dans le sein de sa mère, et nommé Cæculus, ou parce qu’il avait de très petits yeux, ou parce que la fumée les avait endommagés. Parvenu à l’adolescence, il ne vécut quelque temps que de brigandages et finit par bâtir la ville de Préneste [aujourd’hui Palestrina dans le Latium] » (Fr. Noël). Léon x avait la vue très basse : son portrait, peint par Raphaël, le montre assis devant un livre, le regard éteint et tenant une loupe dans la main gauche.

Pour Alexandre vi (Rodrigo Borgia, 1492-1503, v. note [19], lettre 113), il n’y a que l’embarras du choix, puisqu’il est honoré de dix épigrammes, dont cette épitaphe (pages 175‑176) :

Fortasse nescis, cuius hic tumulus siet.
Adsta viator, ni piget.
Titulum quem Alexandri vides, haud illius
Magni est, sed huius, qui modo
Libidinosa sanguinis captus siti
Tot civitates inclytas,
Tot regna vertit, tot duces letho dedit,
Natos ut impleat suos.
Orbem rapinis, ferro et igne funditus
Vastavit, hausit, eruit :
Humana iura, nec minus cœlestia,
Ipsosque sustulit Deos :
Ut scilicet liceret (heu scelus) patri,
Natæ sinum permingere,
Nec execrandis abstinere nuptiis
Timore sublato semel.
Et tamen in urbe Romuli hic vel undecim
Præsidet annis Pontifex.
I nunc Nerones, vel Caligulas nomina,
Turpeis vel Heliogabalos.
Hoc sat viator : reliqua non sinit pudor.
Tu suspicare, et ambula
.

[Peut-être ne sais-tu pas qui est dans ce tombeau : arrête-toi, voyageur, et ne te chagrine pas. L’Alexandre dont tu vois le nom n’est pas celui qu’on a appelé le Grand, mais celui qui, comme pris d’une capricieuse soif de sang, a saccagé tant de célèbres cités et tant de royaumes, et a tué tant de chefs pour rassasier ses enfants. {a} Par ses rapines, par le fer et le feu, il a, de fond en comble, ravagé, anéanti, détruit le monde ; il a piétiné les droits humains comme célestes, et les dieux eux-mêmes, jusqu’à se permettre, lui père, de souiller le sein de sa fille {b} (quel crime !), sans jamais s’abstenir de ces haïssables accouplements qui me hérissent d’effroi. Voilà pourtant onze ans que ce pontife règne sur Rome. Va donc maintenant accuser les Nérons, les Caligulas ou les Héliogabales de turpitudes ! {c} En voilà bien assez, voyageur : la pudeur ne me permet pas de te dire le reste ; devine-le et va ton chemin].


  1. Avant d’être élu pape, Rodrigo Borgia avait eu trois ou quatre maîtresses qui lui avaient donné au moins cinq enfants dont les deux plus célèbres furent César et Lucrèce.

  2. Lucrèce Borgia (1480-1519) a été accusée d’amours incestueuses avec son père et son frère César.

  3. Caligula (37-41), Néron (54-68) et Héliogabale (218-222) sont les trois empereurs romains les plus fameux pour leurs vices et leur cruauté.


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 190‑191 :

« La vie de Sannazar, dont il est parlé dans cet article, est de Gio. Baptista Crispo de Gallipoli ; elle fut imprimée pour la seconde fois à Rome en 1593. {a} Sannazar était né en 1458, le jour de Saint-Nazaire, {b} et mourut à Naples en 1530, selon le sentiment de son historien, Crispo quoiqu’Angelo Costanzo dise que ce fut en 1532, et que Toppi recule cette mort jusqu’en 1533. Le P. Mabillon avoue qu’il y a 1530 sur son tombeau, mais que les savants croient qu’il fallait mettre 1532. {c} Quoi qu’il en soit, son corps fut transporté au couvent des servites, {d} qu’il avait fondés dans sa belle maison de Mergoglino, au pied du Pausilippe. Les vers satiriques qu’il a faits contre Alexandre vi, Léon x, etc., sont en quelques autres endroits, entre autres dans les Delitiæ Poetar. Italor. de Ranutius Gherus. » {e}


  1. Vita di Giacopo Sannazaro, descritta da Gio. Battista Crispo, da Gallipoli, di nuovo ristampata et accrescinta [Vie de Giacopo Sannazaro écrite par Giovanni Battista Crispo (vers 1500-vers 1598), natif de Gallipoli (Pouilles). Seconde édition augmentée] (Rome Luigi Zannetti, 1593, in‑8o, avec un portrait de Sannazaro sur le frontispice).

  2. Le 18 novembre.

  3. Angelo Di Costanzo (Naples vers 1507-ibid. 1591) a écrit une Historia del Regno di Napoli en 20 livres (L’Aquila, Gioseppe Cacchio, 1582, in‑fo), mais je n’y ai pas trouvé ce renseignement sur Sannazaro.

    Sannazaro dit Atto Sincero, figure dans la Biblioteca Napoletana (Naples, 1678, v. notule {b}, note [68] du Naudæana 1) de Niccoló Toppi, qui le dit mort en 1533, mais transcrit cette épitaphe du cardinal Pietro Bembo (v. remarque 1, note [67] du Naudæana 1), pages 34‑35 :

    D.O.M.
    Da sacro cineri flores, hic ille Maroni
    Sincerus Musa proximus, ut tumulo,
    Vix. an. lxxi. an. Dom. mdxxx
    .

    [Dieu tout-puissant,
    Fleuris les cendres sacrées de Sincerus qui, par sa Muse comme par son tombeau, fut tout proche de Virgile. {i}
    Mort en l’an de grâce 1530, il a vécu 71 ans].

    1. Virgile (Publius Vergilius Maro) mourut à Brindisi en 19 s. av. J.‑C. ; sur sa volonté, ses cendres furent transférées dans son domaine de Pouzzoles, non loin du Pausillipe.

    Vitry a traduit ce que Dom Jean Mabillon a écrit dans son Iter Italicum [Voyage d’Italie] (v. notule {c}, note [41] du Naudæana 1) après avoir vu le tombeau d’Actius Sincerus, sic enim alio nomine Sannazarius vocabatur [comme on appelait autrement Sannazarius] (page 112) :

    in sepulcro notatus est anno m d xxx. pro m d xxxii. ut periti censent.

  4. V. note [5] du Borboniana 6 manuscrit.

  5. Dans les Delitiæ CC. Italorum poetarum, huius superiorisque ævi illustrium, pars altera. Collectore Ranutio Ghero [Délices de 200 poètes italiens qui ont brillé en ce siècle et au précédent, seconde partie. Colligés par Ranutius Gherus (anagramme de Janus Gruterus, v. note [9], lettre 117)] (sans lieu, Jonas Rosa, 1608, in‑8o), les poèmes de Sanazzaro occupent les pages 602‑761.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2, note 39.

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(Consulté le 25/04/2024)

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