À Charles Spon, le 18 octobre 1650, note 4.
Note [4]

La princesse de Condé, accompagnée du duc d’Enghien, son fils, et des ducs de Bouillon et de La Rochefoucauld, avait quitté Bordeaux à bord d’une galiote le 3 octobre pour descendre la Garonne jusqu’à Saint-André-de-Cubzac et de là, s’acheminer sous bonne escorte à Coutras. Une escadre royale dirigée par le maréchal de La Meilleraye, montant vers Bordeaux, les croisa et les fit accoster. Le maréchal invita la princesse à se rendre avec son fils à Bourg pour saluer Leurs Majestés, avec toute assurance de sûreté, tandis que les ducs iraient trouver le cardinal qui les attendait à Saint-André, ce que tous acceptèrent non sans quelque surprise.

Selon le Journal de la Fronde (volume i, fo 305 ro et vo, Bordeaux, 6 octobre 1650), Mme la Princesse :

« fut menée dans le cabinet de la reine par M. de La Meilleraye qui dit à Sa Majesté en entrant qu’il y amenait toute la Fronde de Bordeaux. Mme la Princesse ayant salué la reine, se mit à genoux et demanda la liberté de Messieurs les princes, à quoi Sa Majesté répondit qu’elle avait toujours fait le contraire de ce qu’il fallait faire pour l’obtenir, mais que selon qu’elle se comporterait à l’avenir, elle ferait réflexion sur sa prière et sur les services que M. le Prince avait rendus à l’État. Ensuite, la reine passa à un discours indifférent, lui disant qu’elle était bien changée. »

Son Éminence amena les deux ducs à Bourg dans son carrosse :

« où M. de La Rochefoucauld lui ayant voulu parler des intérêts de Messieurs les princes, elle {a} ne lui fit aucune réponse là-dessus, mais pour l’obliger à changer de discours, lui dit qu’il faisait beau temps, que la mer était bien calme et d’autres choses indifférentes […]. MM. de Bouillon et de La Rochefoucauld saluèrent aussi Sa Majesté {b} et lui parlèrent de leurs intérêts, à quoi elle répondit qu’elle résoudrait ce qu’elle devait faire pour eux selon qu’ils se comporteraient à l’avenir. Ensuite M. de Bouillon eut une conférence de trois heures avec M. le cardinal et fut coucher chez le marquis de Duras, son neveu, où Son Éminence lui envoya à souper. […]

On remarqua que Mademoiselle {c} fut fort surprise de tout ce procédé, qu’elle en envoya avertir M. le duc d’Orléans {d} par courrier exprès, à cause qu’on ne lui en avait donné aucune part. »


  1. Son Éminence, le cardinal Mazarin.

  2. Anne d’Autriche.

  3. De Montpensier.

Dans sa lettre à Le Tellier, datée de Bourg le 4 octobre 1650, Mazarin a résumé son long entretien avec le duc de Bouillon (Mazarin, tome iii, pages 841‑844) :

« M. de Bouillon me vint voir et me parla plus de M. le Prince que de ses affaires particulières. Je lui dis que c’était une matière qu’on ne pouvait agiter à présent pour deux raisons essentielles : l’une, que la reine n’écouterait jamais rien là-dessus que lorsqu’elle serait avec Son Altesse Royale, {a} et l’autre, que Sa Majesté était aussi absolument résolue de ne vouloir jamais recevoir aucune proposition sur la liberté de M. le Prince tant que les ennemis {b} s’en mêleraient en quelque façon que ce fût et qu’il subsisterait le moindre parti dans le royaume qui la lui voulût procurer par force, en tâchant d’y exciter des troubles et des révolutions ; que c’était aux amis de M. le Prince à prendre leurs mesures sur ce fondement qui ne pouvait être ébranlé par quelque accident que ce fût. […]

Je ne trouvai pas en M. de Bouillon la chaleur avec laquelle j’avais cru qu’il me parlerait de ses intérêts particuliers, ni de disposition apparente à vouloir se détacher du parti où il est engagé. »


  1. Le duc d’Orléans.

  2. Les Espagnols.

Les entrevues de Bourg, qu’on disait dues au hasard d’une rencontre sur la Garonne, ont passé pour un coup monté par le cardinal afin de faire croire aux Espagnols que leurs alliés frondeurs ne refusaient pas de négocier avec lui. Sinon, pourquoi la princesse de Condé, au moment où La Meilleraye accosta sa galiote sur la Garonne, fut-elle « d’autant plus surprise qu’en même temps tout le canon d’autres vaisseaux la salua, et elle aperçut sur le bord de la rivière les chevau-légers et gendarmes du roi qui l’attendirent » (Journal de la Fronde, volume i, fo 305 ro) ?

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 18 octobre 1650, note 4.

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(Consulté le 25/04/2024)

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