À Charles Spon, le 12 décembre 1656, note 4.
Note [4]

En 1651, Claude Vallée, seigneur de Mérouville puis de Chenailles, avait été reçu conseiller au Parlement de Paris en la quatrième des Enquêtes, dont il se démit le 27 mars 1675. Il était cousin germain du magistrat et poète libertin Jacques iii Vallée, sieur Des Barreaux (v. note [13], lettre 868), et avait épousé en 1655 Magdelaine Hervart, nièce de Barthélemy (v. note [1], lettre 209) (Popoff, no 2412). V. note [1] du Patiniana 2, pour une description détaillée de la famille Vallée.

Sur l’affaire de Chenailles, dans son édition du Journal d’Olivier Le Fèvre d’Ormesson (tome ii, pages 14‑16, note 1), Adolphe Chéruel cite un manuscrit de la Bibliothèque impériale (Suppl. fr. no 1238 bis e ; fo 219 et suiv.) :

« Le vendredi 8, {a} que l’on célébrait la Conception de la Vierge, M. de Chenailles, conseiller au Parlement, fut conduit en prison par le sieur de Lignerolles, exempt des gardes du corps de Sa Majesté, qui, l’ayant trouvé chez lui incontinent après dîner avec le nommé chevalier Des Prez son complice, les fit tous deux monter en carrosse et prendre le chemin de la Bastille sans bruit et sans aucune résistance. Et qui est-ce qui ne frémira point d’horreur quand il saura qu’un officier de cette considération, riche de cinq ou six cent mille livres et d’une famille fort illustre dans la robe par ses alliances, ait été capable de se laisser tomber dans un crime d’État par les intelligences qu’il entretenait avec les ennemis et les pratiques qu’il faisait, disait-on, pour se rendre maître de Saint-Quentin ? Ce qui paraissait d’autant plus vraisemblable que ledit Des Prez était capitaine dans le régiment de Lignières, étant en garnison dans ladite ville, dont il {b} était gouverneur. Or, comme l’affaire était tout à fait extraordinaire et que M. Vallée, sieur de Chenailles et de Mérouville, était de la Religion prétendue réformée et conseiller au Parlement, l’on mit en doute, dans le Conseil d’en haut, par devant quels juges et comment l’on ferait procéder contre lui. En suite de quoi, M. le premier président fut mandé au Louvre où, après en avoir longtemps conféré avec M. le cardinal, {c} et enfin promis à Son Éminence qu’on lui ferait bonne et briève justice dans la Compagnie sur la plainte qu’en ferait le procureur général, {d} sans que le roi se mît en peine de lui envoyer une commission expresse pour cela ni même de nommer aucuns conseillers pour interroger et instruire le procès des prisonniers, ainsi qu’il avait toujours été pratiqué jusqu’alors, Son Éminence donna si facilement les mains aux sentiments de M. le premier président que les moins pénétrants ne doutèrent presque point du tout qu’elle n’eût en main des preuves certaines et convaincantes contre l’accusé. Cela remit en mémoire toutes les plaintes que le roi avait si souvent faites des intelligences secrètes qu’aucuns de son Parlement avaient avec ses ennemis. Sa sortie de Paris n’était presque fondée que sur ce prétexte, qui peut-être n’était pas faux entièrement. Toutes ses déclarations des années 1649 et 1652 n’étaient remplies d’autre chose, et l’arrêt même de son Conseil du 19 octobre dernier portant cassation de celui que ladite Cour avait rendu contre M. Gaulmin, maître des requêtes, si outrageant à ce grand Corps, faisait bien voir que les reproches de Sa Majesté n’étaient pas sans fondement et qu’elle ne pouvait avoir été portée à les faire ainsi éclater dans le public sans en avoir des preuves indubitables. Ainsi, le lundi 11 décembre, M. le procureur général étant entré dans la Grand’Chambre, demanda que les Enquêtes fussent appelées pour délibérer sur une affaire de conséquence et qui requérait l’assemblée de toute la Compagnie. Sur le récit qu’il en fit, la Cour ordonna que la commission lui serait délivrée pour en informer et pour cet effet, elle commit MM. Peraud et de Champrond, doyen et sous-doyen de la Compagnie. Le lendemain, la femme dudit sieur de Chenailles, nièce de M. d’Hervart, intendant des finances, présenta requête à la Grand’Chambre, afin qu’il plût à la Cour donner un adjoint auxdits sieurs commissaires, qui fût de la même religion que son mari. M. le premier président n’y trouva pas grand inconvénient ; mais M. de Novion prenant la parole, dit que cela ne se pratiquait que dans les justices subalternes parce qu’il n’y avait aucun juge qui ne fût catholique, et non jamais dans les compagnies souveraines, particulièrement dans le Parlement de Paris, que l’on ne pouvait soupçonner d’aucun sentiment de haine contre la religion de l’accusé, qui lui pût être préjudiciable au fond, puisque parmi ceux qui pouvaient assister au jugement de son procès, il y en avait jusqu’à six qui en faisaient profession ; et d’autant que la Grand’Chambre seule ne pouvait prononcer sur cet incident, l’affaire fut remise au jour suivant que toutes les autres devaient s’assembler pour la mercuriale. L’après-dînée du même jour, Messieurs les commissaires s’étant transportés à la Bastille pour interroger les prisonniers, M. de Chenailles refusa de répondre par devant eux sous prétexte de ce qu’il était tellement indisposé, et du corps et de l’esprit, qu’il n’en était pas capable. Quant au chevalier Des Prez, qui ne savait pas si bien que l’autre combien les délayements {e} sont favorables aux criminels, il n’en fit aucune difficulté, joint qu’il était son dénonciateur. Le mercredi 13 décembre, l’on fit lecture du procès-verbal des commissaires contenant le déclinatoire {f} du sieur de Chenailles et ensuite de la requête de ladite dame sa femme, et encore d’une autre requête présentée par Blondel, son clerc, qui avait été mis en la garde d’un huissier de l’ordonnance de la Cour afin d’avoir aussi un adjoint parce qu’il était de la même religion que son maître ; mais elle n’eut égard ni à l’une ni à l’autre, et ordonna qu’à faute de vouloir répondre par ledit sieur de Chenailles, son procès lui serait fait comme à un muet. » {g}


  1. Décembre 1656.

  2. Lignières.

  3. Mazarin.

  4. Nicolas Fouquet.

  5. Reports.

  6. Demande de renvoi devant une autre juridiction.

  7. Guy Patin a abondamment parlé de la suite de ce procès dans ses lettres ultérieures.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 12 décembre 1656, note 4.

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(Consulté le 25/04/2024)

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