À Sebastian Scheffer, le 19 mars 1663, note 4.
Note [4]

« Dieu est mon espérance » : devise classique, utilisée par bien d’autres, dont Guy Patin avait orné ses armoiries en 1633.

BIU Santé (Paris)

Jean-François Vincent, l’inlassable rédacteur en chef de notre édition, a découvert une thèse médicale ornée des armes de Guy Patin (v. note [45], lettre 288) et de sa devise, avec cette inscription : « G.P. 1633 ». Disputée la même année à Reims par un bachelier nommé Petrus Marius Torinyensis (Pierre Marius, natif de Thorigny-sur-Marne, en Brie, 28 kilomètres à l’est de Paris), elle est intitulée :

Quæstio Medica
cardinalitiis agitanda disputationibus in Anthonianis Medicorum Remensium Scholis, die 2. Iunij,
Præside Clatisismo viro M. Claudio Gillatio Doctore Medico, hora 8. matut.

An pestilenti febri refrigerantia ?

[Question médicale à disputer pour les thèses cardinales dans les Écoles antoniennes des médecins de Reims, {a} le 2e de juin à 8 heures du matin, {b} sous la présidence du très distingué M. Claudius Gillatius, docteur en médecine.
Les médicaments réfrigérants sont-ils utiles dans la fièvre pestilente ?] {c}


  1. V. note [5], lettre 22, pour ce nom de la Faculté de médecine de Reims, lié à ses fondateurs.

  2. L’année, 1633, est indiquée au bas de la feuille.

  3. La conclusion est affirmative. Parmi les noms des huit examinateurs, on remarque ceux de Nicolas-Abraham de La Framboisière (v. note [17], lettre 7), professeur antonien, Pierre Le Comper (v. note [2], lettre 107), doyen et professeur antonien, et Jean Richelet (v. note [15], lettre 726).

La thèse est précédée de cette dédicace : Clarissimo et Ornatissimo Viro Dom. D. Guidoni Patin, Facultatis Medicæ Parisiensis Doctori eximio, et primario Chirurgiæ Professori ordinario, S.P.D. [Mes plus respectueuses salutations au très distingué et très honoré M. Guy Patin, éminent docteur en médecine de Paris et premier professeur de chirurgie]. {a} Suit cette épître :

Quod sub tuis felicibus auspiciis in Iatrica palæstra decertare magnopere semper optavi, (Vir clarissime) nemini sane mirum videri debet, qui vel instituti mei rationem, vel singularem animi tui præstantiam perspectam habebit, sive enim post impensos aliquot in rebus medicis labores, fructum, si quis est, ex iis decerpere volui, cuinam potius referrem acceptum, quam ei, quo suadente, iuvante, imo studiorum Magistro, illud vitæ genus sum ingressus, quo nullum saluti hominum utilius potuit excogitari ? sive Lauream illam velut aureum vellus acri certamine consequi, cuiusnam amabo præsidiu adversus tot irruentium fortissimorum virorum impetus pugnam inire debui, quam eius, qui vel doctrinæ suæ fama, quæ iam late per universum orbem Gallicum pervagata est, sartum tectumque servabit ? Quippe Tu is es (Vir doctissime) qui omnium mentes, tanta tui nominis existimatione, tanta ingenii tui solertiæ exspectatione complesti, ut quem rei Medicæ peritia prope iam assequeris popularem tuum Fernelium, velut in te redivivum demirentur ; nec immerito sane, ille nempe diu consepultam, et misere iacentem in Arabum tenebris Medicinam excitavit, ab errore vindicavit, pristinum ei decus et ornamentum reddidit. Tu eximia qua polles animi virtute, tanti Viri vestigiis inhærens, exorientes quotidie, nescio quo malo fato errorum nebulas, quæ eiusdem salutariis disciplinæ luminibus officiunt, discutis, impuras Paracelsi, quæ cricumnavigantur reliquias profligas, eorumque fraudes detegis, qui plebeculæ turpiter illudunt, ac denique suum Hippocrati, Galeno, cæterisque veræ Medicinæ principibus tueris honorem ; hoc vero magis stupent omnes, Teque velut Herculem malorum depulsorem suspiciunt, quod ea ætate tot monstra confeceris ; quam si fata producant, nemini dubium esse potest, quin tandem evanescant Circulatorum præstigiæ dissipentur errores, sicque salutaris regnet Hygiane, toties tamque diu hostium telis impetita ; non possum non felicem futuri certaminis exitum expectare, hac de Te rectus existimatione, his fretus auxiliis, quibus universum mortalium genus tibi demereris.

Tibi in æternum addictissimus.
Petrus Marius.

[S’il connaît ma manière de faire et s’il a considéré la singulière supériorité de votre esprit, nul homme ne devrait s’étonner qu’après avoir dépensé quelques peines à étudier la médecine, j’aie voulu en cueillir le fruit, si mince puisse-t-il être, en ayant toujours eu à cœur, très distingué Monsieur, de combattre en la palestre iatrique {b} sous vos heureux auspices. À qui donc pouvais-je présenter ce que j’ai reçu mieux qu’au maître de mes études, dont l’aide et les conseils m’ont permis de m’engager dans ce genre de vie, qui n’a pas d’égal pour servir utilement le salut des hommes ? Ayant dû poursuivre ce laurier en une âpre bataille, comme la Toison d’or, sous la présidence de qui aimerai-je entrer en compétition avec tant de très vigoureux hommes qui s’y ruent, sinon de celui qui m’y aura maintenu sain et sauf, par le renom de sa doctrine qui s’est déjà répandu par toute la France ? Voilà bien qui vous êtes, très savant Monsieur, vous qui avez embelli les esprits de tous, car la réputation de votre nom, l’espoir que nourrissent la finesse de votre génie et votre science médicale, si étendue que vous avez presque déjà égalé votre compatriote Fernel, que chacun admire de voir comme revivre en vous ; cela n’a absolument rien d’illégitime car c’est bien lui qui a réveillé la médecine, quand elle était ensevelie et gisait misérablement dans les ténèbres des Arabes, qui l’a affranchie de l’erreur, et qui lui a rendu son bel éclat et sa splendeur. En marchant sur les traces d’un si grand homme, par l’éminente force d’esprit dont vous êtes capable, vous dissipez les nuages d’erreurs qui, par je ne sais quel mauvais sort, naissent quotidiennement et font obstacle aux salutaires lumières de notre discipline ; vous renversez les impurs débris de Paracelse qui rôdent autour d’elle et vous dévoilez leurs fraudes, qui se jouent honteusement du petit peuple ; et finalement, vous défendez l’honneur d’Hippocrate, de Galien et des autres princes de la véritable médecine. Tous s’en étonnent profondément, et vous admirent comme un Hercule pourfendeur de tous les maux tant, à votre âge, vous avez abattus de monstres. Si le destin vous est favorable, nul ne peut douter que les duperies des charlatans finiront par disparaître et les erreurs par se dissiper, car la salutaire Hygie {c} ne pourra régner tant que les flèches de ses ennemis n’auront pas cessé de l’attaquer. Je ne puis attendre qu’une heureuse issue à ce combat, car vous y êtes guidé par l’estime et appuyé par les secours que vous vous êtes mérités de tout le genre humain.

Votre entièrement dévoué pour l’éternité,
Pierre Marius
].


  1. Flagorneuse usurpation de titre car Patin ne fut professeur de chirurgie aux Écoles de médecine de Paris que d’octobre 1646 à octobre 1647 : v. notule {d}, note [70] des Décrets et assemblées de la Faculté de médecine pour 1651-1652.

  2. Chez les anciens Romains, la palestre était l’enceinte où on s’exerçait pour la lutte ; l’adjectif iatrique désigne ce qui est relatif à l’art de la médecine, mais est devenu un suffixe pour qualifier certaines spécialités médicales, comme la psychiatrie ou la gériatrie.

  3. Déesse grecque de la Santé.

Ce panégyrique surprend par sa date : en juin 1633, moins de six ans après avoir été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, Guy Patin avait pour tout mérite académique d’y avoir été nommé régent d’anatomie en 1631-1632 (v. note [10], lettre 8) ; il avait certes publié son Traité de la Conservation de santé (1632), mais sa fameuse querelle contre Théophraste Renaudot n’allait ouvertement s’engager qu’en 1638. Il jouissait pourtant d’un tel prestige qu’il avait déjà fait graver son portrait en grande tenue de docteur régent (1631-1632, v. note [4], lettre latine 234), orné de ses armoiries et de sa devise, et qu’il pouvait s’enorgueillir d’une dédicace fort flatteuse en tête d’une thèse disputée à Reims.

L’explication la plus plausible, à mes yeux, tient à la présence de La Framboisière, professeur de Reims, dans le jury de la thèse. Dans sa lettre du 10 février 1633 Patin écrivait à Johann Caspar i Bauhin (v. sa note [4]) : adhuc vivit Frambesarius, etsi plusquam septuaginarius, in urbe Rhemensis, a quo frequenter accipio literas [même s’il est plus que septuagénaire, La Framboisière est toujours en vie à Reims, d’où je reçois fréquemment de ses lettres] ; mais aucun échantillon de cette correspondance ne nous est parvenu.

Mon hypothèse est que : 1. Marius avait eu Guy Patin comme régent d’anatomie à Paris avant d’aller à Reims pour y obtenir son baccalauréat puis y disputer ses thèses ; 2. Patin avait dû recommander Marius à son ami La Framboisière, qui l’avait encouragé à dédicacer sa cardinale à son jeune maître parisien ; 3. le bachelier poussa le zèle jusqu’à orner sa thèse du blason de Patin ; daté de 1633, il est ici beaucoup plus finement gravé que celui du portrait exécuté l’année précédente, et en diffère par de nombreux détails (disposition des feuillages, dessin des deux étoiles, addition d’un soleil, etc.). Si tout cela était vrai, on pourrait en déduire que le goût de sa propre gloire a été fort précoce chez Patin et que la modestie ne l’étouffa jamais.

La seule certitude est qu’en sa 32e année d’âge, Patin était déjà solidement ancré dans ses certitudes dogmatiques, contre la médecine des Arabes et contre les audaces de Paracelse.

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Sebastian Scheffer, le 19 mars 1663, note 4.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1267&cln=4

(Consulté le 19/04/2024)

Licence Creative Commons