Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-5, note 4.
Note [4]

Les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont brodé un commentaire sur le récit qu’ils ont emprunté à l’écrivain et orientaliste français Antoine Galland (1646-1715), immortalisé par sa traduction des Mille et Une Nuits (1704-1717). On lit cette anecdote aux pages 70‑71 de son ouvrage moins célèbre, intitulé Les Paroles remarquables, les bons mots et les maximes des Orientaux. Traduction de leurs ouvrages en arabe, en persan et en turc, avec des remarques : {a}

« Le médecin Bacht-Ieschoua alla un jour faire sa cour au calife Mutevekkel-ala-llah et le trouva seul. Il s’assit près de lui comme il avait coutume de le faire ; et comme sa veste était un peu décousue par le bas, le calife, en discourant, acheva insensiblement de la découdre jusqu’à la ceinture ; et dans ce moment, suivant le sujet dont ils s’entretenaient, il demanda au médecin à quoi l’on connaissait qu’il était temps de lier un fou. Bacht-Ieschoua répondit : “ Nous le lions lorsqu’il est venu au point de découdre la veste de son médecin jusqu’à la ceinture. ”

Remarques. Au rapport d’Aboulfarage, {b} le calife rit si fort de la réponse du médecin qu’il se laissa aller à la renverse sur le tapis où il était assis. En même temps, il lui fit apporter une autre veste fort riche, avec une somme d’argent très considérable qu’il lui donna.

Ce Bacht-Ieschoua était fils de Gabriel, de qui il est parlé ci-dessus ; {c} mais nonobstant cette grande familiarité, il lui arriva mal d’avoir fait un grand festin au même calife, qui fut choqué de sa magnificence et de la grande opulence avec laquelle il l’avait régalé ; car peu de temps après, il le disgracia et exigea de lui des sommes très considérables. Il est remarqué que de la vente seule du bois, du vin, du charbon et d’autres provisions de sa maison, on fit une somme d’environ trente-six mille livres. » {d}


  1. Paris, Simon Benard et Michel Brunet, 1694, in‑8o de 356 pages.

  2. Autrement appelé Bar Hebræus, Aboulfarage (Aboul Faradj) est un historien, médecin et philosophe syriaque chrétien du xiiie s.

  3. Page 67 du même ouvrage : « Gabriel était petit-fils de Georges, fils de Bacht-Ieschoua […], et médecin à la cour d’Haroun-er-reschid. »

    Ces précisions de Galland permettent d’identifier le souverain de son récit comme étant un des califes abbassides qui gouvernèrent le monde musulman après Haroun ar-Rachid (mort en 809). La proximité des noms mène à Al-Mutawakkil, petit-fils d’Haroun, qui a régné sur le Califat abbasside de 847 à 861.

    La folie du calife était une Manie : « emportement et dérèglement de l’esprit ; “ Il ne fait pas bon auprès de cet homme-là, quand il est dans sa manie ” » (Furetière).

    Ma transcription de L’Esprit de Guy Patin en a respecté (mais harmonisé) les altérations patronymiques.

  4. L’ascension et la chute de ce courtisan médecin ne vont pas sans rappeler celles de Nicolas Fouquet sous le règne de Louis xiv, en 1661 (v. note [11], lettre 712).

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-5, note 4.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8218&cln=4

(Consulté le 12/10/2024)

Licence Creative Commons