V. notule {e‑ix}, note [51] du Borboniana 7 manuscrit, pour Caton d’Utique. L’étrange prêt de son épouse, la vertueuse Marcia, est tiré de Lucain (La Pharsale, livre ii, vers 337‑348) :
Pulsatæ sonuere fores, quas sancta relicto
Hortensi mærens inrupit Marcia busto.
Quondam virgo toris melioris iuncta mariti
mox, ubi conubii pretium mercesque soluta est
tertia iam suboles, alios fecunda penates
inpletura datur geminas et sanguine matris
permixtura domos; sed, postquam condidit urna
supremos cineres, miserando concita voltu,
effusas laniata comas contusaque pectus
verberibus crebris cineresque ingesta sepulchri,
non aliter placitura uiro, sic mæsta profatur :
“ Dum sanguis inerat, dum uis materna, peregi
iussa, Cato, et geminos excepi feta maritos :
visceribus lassis partuque exhausta revertor
iam nulli tradenda viro. Da fœdera prisci
inlibata tori, da tantum nomen inane
conubii ; liceat tumulo scripsisse ‘ Catonis
Marcia ’, nec dubium longo quæratur in ævo
mutarim primas expulsa an tradita tædas. ”
Non me lætorum sociam rebusque secundis
accipis : in curas venio partemque laborum.
Da mihi castra sequi : cur tuta in pace relinquar ?
[On frappa à la porte : la pieuse Marcia entra ; elle venait de rendre à Hortensius, {a} son époux, les devoirs de la sépulture. Vierge, elle avait jadis été unie à un plus noble mari ; mais bientôt, Caton, après avoir eu d’elle trois enfants, l’avait cédée à son ami, afin qu’elle portât dans une maison nouvelle les fruits de sa fécondité, et que son sang maternel fût le lien de deux familles. Mais à peine l’urne funèbre a-t-elle recueilli les cendres d’Hortensius, qu’elle revient, la pâleur sur le visage, les joues déchirées, les cheveux épars, le sein meurtri, la tête couverte de la poussière du tombeau. Elle eût vainement employé d’autres charmes pour plaire à Caton. Dans sa douleur elle lui tient ce discours : « Ô Caton, tant que mon âge et mes forces m’ont permis d’être mère, j’ai fait ce que tu as voulu, j’ai subi la loi d’un double lit. À présent que mes entrailles épuisées ne sauraient plus enfanter, je reviens à toi, dans l’espoir de n’être plus livrée à personne. Rends-moi les chastes nœuds de mon premier hymen, rends-moi le nom, le seul nom de ton épouse ! Qu’on puisse écrire sur mon tombeau “ Marcia, femme de Caton ”, et que l’avenir n’ait pas lieu de se demander si tu m’avais cédée ou bannie ! Je ne viens pas m’associer à tes prospérités, je veux partager les soucis de tes peines. Laisse-moi te suivre dans les camps ! Pourquoi donc resterais-je paisiblement en sûreté ? »]
Le propos de Jules César est tiré de Plutarque, Vie de Caton d’Utique, § 52‑53 (traduction d’Alexis Pierron, 1843) :
« C’est là surtout ce que César reproche à Caton dans le libelle qu’il a composé contre lui : il l’accuse d’avoir aimé l’argent et trafiqué de ses mariages par intérêt, “ Car, dit-il, s’il avait besoin d’une femme, pourquoi la céder à un autre ? Et s’il n’en avait pas besoin, pourquoi la reprendre ? Ne l’avait-il donnée à Hortensius que comme un appât, en la lui prêtant jeune, pour la retirer riche ? ” Mais sur ces sortes d’imputations, il faut dire, avec la modération d’Euripide, “ Ce sont de vains propos ; et quel plus grand outrage que dire qu’Alcide {b} a manqué de courage ? ” Car n’est-ce pas une aussi grande injure d’accuser Hercule de lâcheté que Caton d’avarice ? Si, sous d’autres rapports, il a commis une faute dans ce mariage, c’est une question à examiner. Après qu’il eut repris Marcia et qu’il lui eut confié le soin de sa maison, il suivit Pompée ; et depuis ce jour-là, dit-on, il ne se rasa plus ni les cheveux ni la barbe, il ne mit plus de couronne sur sa tète et persévéra jusqu’à sa mort dans le deuil, l’abattement et la tristesse, gémissant sur les calamités de sa patrie et ne changeant rien à son extérieur, que son parti fût vainqueur ou vaincu. » {c}
- Comme son ami Cicéron, Quintus Hortensius Hortalus, était un avocat et politique romain du ier s. av. J.‑C. (mort en 50).
- Alcide est un autre nom d’Hercule (v. note [3], lettre de Reiner von Neuhaus, datée du 21 octobre 1630).
- V. note [1], lettre 101, pour Pompée et la bataille de Pharsale qu’il perdit contre Jules César. Modèle du stoïcisme romain, Caton avait choisi le mauvais parti, il poursuivit sans succès la guerre civile, s’enferma dans Utique (Tunisie) et s’y donna la mort deux ans plus tard (46 av. J.‑C.).
Le commentaire final de l’article, en forme de vaudeville, appartient aux rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin. |