Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2, note 43.
Note [43]

Guglielmo Sirleto avait été nommé bibliothécaire de la Vaticane en 1572. À la mort de Pie v, la même année (v. note [3], lettre 61), il avait participé au conclave qui aboutit à l’élection de Grégoire xiii (v. note [2], lettre 430). Toutefois, l’Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou donne une autre chronologie des faits (édition française de Londres, 1734, tome cinquième, livre xxxix, année 1566, pages 127‑128) :

« Le pape Pie iv étant mort à Rome le 13e de décembre de l’année précédente, {a} les cardinaux, après les neuf jours des obsèques, s’enfermèrent dans le conclave pour l’élection d’un nouveau pontife. Il y avait entre eux plusieurs factions. Celle qui avait pour chefs Charles Borromée et Marc Sittico d’Altemps, {b} fils des sœurs du pape défunt, passait avec raison pour la plus forte et la plus puissante. En effet, Pie iv, leur oncle, avait fait pendant son pontificat quarante-six cardinaux en différentes promotions ; et il n’y en avait que cinquante dans le conclave. Il y avait trois autres factions, dont les chefs étaient Alexandre Farnèse, Hippolyte d’Este et Ferdinand de Médicis. {c} Farnèse était à la tête des cardinaux créés par Paul iii, son aïeul. {d} Le cardinal d’Este était pour les Français, le cardinal de Médicis, pour les Espagnols. {e}

D’abord, les cardinaux donnèrent presque unanimement leurs suffrages au cardinal Jean Morone, {f} à cause de son mérite et de sa haute prudence ; mais lorsqu’on demanda à Michel Ghislieri, appelé le cardinal Alexandrin, {g} s’il était de ce sentiment, il pria qu’on lui accordât un peu de temps pour délibérer, jusqu’à ce qu’il eût dit la messe. Après l’avoir dite, il répondit qu’il ne pouvait donner sa voix au cardinal Morone à cause des soupçons qu’il avait fait naître sur sa conduite, et pour lesquels Paul iv l’avait autrefois fait mettre en prison. Le crédit et l’autorité du cardinal Alexandrin suspendirent d’abord, et empêchèrent ensuite l’élection de Morone. Le cardinal Borromée, qui l’avait proposé, voyant qu’on le rejetait, proposa aussitôt le cardinal Guillaume Sirlet, recommandable par sa profonde érudition et par l’intégrité de ses mœurs ; mais la haine secrète que le cardinal d’Altemps avait pour Borromée, qui était son neveu, {h} fut un obstacle invincible à l’élection de Sirlet. Et quoique d’Altemps eût souvent juré qu’il ne consentirait jamais à l’exaltation d’un moine au souverain pontificat, {i} néanmoins, pour faire voir le crédit et le pouvoir qu’il avait dans le conclave, par rapport à l’élection d’un pape, il jeta les yeux (ne pouvant faire autrement) sur le cardinal Alexandrin, dominicain, qui fut aussitôt élu par les suffrages du plus grand nombre des cardinaux, le 7e de janvier, deux heures avant la nuit. Pour faire plaisir aux cardinaux Borromée et d’Altemps, le nouveau pape, suivant le conseil du cardinal Colonne, {j} voulut être appelé Pie v ; et pour leur marquer sa reconnaissance, il fit donner à Annibal d’Altemps, qui avait épousé la sœur du cardinal Borromée, {k} 50 000 écus d’or, à titre de dot, et 10 000 à Frédéric Serbellon, leur parent, à titre de gratification, pour le récompenser de belles actions qu’il avait faites et des grands services qu’il avait rendus dans son gouvernement d’Avignon. » {l}


  1. V. note [5], lettre 965, pour le pape Pie iv, Giovanni Angelo de Medici (sans lien de parenté avec les Médicis de Florence). Le conclave délibéra du 20 décembre 1565 au 7 janvier 1566.

  2. V. note [20], lettre 183, pour Charles Borromée (canonisé en 1610), fils de Margherita de Medici, sœur de Paul iv. Le cardinal Sittico d’Altemps était l’Allemand Mark Sittich von Hohenems (1533-1595), nommé en 1561, fils de Chiara de Medici, autre sœur de Paul iv.

  3. Ces trois cardinaux de la haute noblesse italienne étaient : Alessandro Farnese (1520-1580), nommé dès l’âge de 14 ans (1534), Ippolito (Hippolyte) d’Este (1509-1572), nommé en 1538, et Ferdinando de Medici (1549-1609), nommé en 1563 (lui aussi à 14 ans).

  4. Alessandro Farnese, élu pape en 1534 sous le nom de Paul iii (v. note [45] du Naudæana 3).

  5. V. notes [32] et [33] du Borboniana 6 manuscrit pour le cardinal Hippolyte d’Este, et [9] du Borboniana 9 manuscrit pour le cardinal Ferdinand de Médicis, qui devint grand-duc de Toscane en 1587.

  6. Giovanni Girolamo Morone (1509-1580), nommé en 1542.

  7. Michele Ghislieri (le futur pape Pie v, v. note [3], lettre 61), dominicain natif d’Alessandria en Lombardie, avait été nommé cardinal en 1557.

  8. Charles Borromée était à la fois le cousin germain (par sa mère, v. supra notule {b}) et le neveu (par sa sœur, v. infra notule {k}) de Sittico d’Altemps.

  9. V. note [18] du Naudæana 4, pour la prévention des cardinaux romains contre l’élection d’un moine au pontificat.

  10. Marco Antonio Colonna (1523-1597), nommé en 1565.

  11. Ortensia Borromea avait épousé Jacob Hanibal von Hohenems en janvier 1565.

  12. Erreur de de Thou sur le prénom : en 1561, pour lutter contre l’hérésie protestante dans le Comtat-Venaissin, Pie iv avait confié le gouvernement d’Avignon à son cousin Fabrice Serbelloni ; prolongé dans cette charge par Pie v, il mourut en 1580.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2, note 43.

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(Consulté le 02/12/2024)

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