Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 1 manuscrit, note 48.
Note [48]

« Le monde s’éteindra-t-il un jour ? Sur cette question, {a} voyez Balth. de Vias, Sylvæ Regiæ, page 395, {b} et les Quæstiones physologicæ de Campanella, page 8. » {c}


  1. L’ancienneté du monde et de l’humanité était alors au cœur d’âpres discussions, aujourd’hui éludées par la plupart des croyants (mais rénovées par les astronomes et le Big Bang), car elles menaient les plus audacieux à mettre en doute la vérité de la Genèse biblique. Exposée ailleurs dans notre édition (v. note [3], lettre 93), l’existence des préadamites contestait frontalement les Saintes Écritures en supposant que des humains avaient existé avant Adam et Ève.

  2. Balthazar de Vias (Marseille 1587-ibid. 1667), docteur en droit et poète latin, gentilhomme de la Chambre du roi et conseiller d’État sous Louis xiii, est auteur des :

    Sylvæ Regiæ Balthasaris de Vias Nobilis Massiliensis ad Ludovicum Iustum Galliarum et Navarræ Regem Christianissimum. Quibus selecti Francorum Annalium et politioris literaturae flores inseruntur.

    [Silves {i} royales de Balthazar de Vias, gentilhomme de Marseille, dédiées à Louis le Juste, roi très-chrétien de France et de Navarre, où ont été greffés les parfums tirés des annales et des lettres françaises les plus élégantes]. {ii}

    La page 395 appartient aux annotations sur la dernière silve intitulée Uranie, sive Æternitas Imperii Gallici [À Uranus, {iii} ou l’Éternité de la souveraineté française] et porte sur ses vers 6‑8 (page 375) :

    Nam quamvis elementa ruant, cœlisque minetur
    Ignis edax finem, flammaque fluentibus astris
    Communi moriens iaceat natura ruinæ […]
    .

    [Même si les éléments se disloquent, si, aux cieux, le feu dévorant annonce la fin, et si, par la flamme et par les étoiles fondantes, la nature mourante s’écroule en une ruine générale (…)]

    La note 4 de Vias les commente longuement (pages 395‑399) en commençant sur ce propos :

    Extitere de ortu Mundi variæ philosophorum sententiæ, diversæ quoque de interitu ; nec mirum ; fuit enim ante homines ortus, nec videre interitum ; de quo non conveniunt Philosophi quorum præcipuas sententias sic complectitur Arnobius : Mundum quidam ex sapientibus existimant neque esse natum, neque asserant esse periturum ; immortalem nonnulli, quamvis asserant esse natum et genitum, et ordinaria necessitate periturum.

    [Les philosophes ont prononcé des jugements variés sur la naissance du monde, et tout aussi divers sur sa fin ; et il n’y a pas là de quoi s’étonner, car il a commencé avant les hommes et ils ne l’ont pas vu s’achever. Arnobe {iv} résume ainsi les principales sentences sur lesquelles les philosophes ne s’accordent pas : « Parmi les sages, certains pensent que le monde n’a pas été créé et n’aura pas de fin ; d’autres, qu’il est immortel, mais en disant qu’il a eu une naissance et une gestation, et qu’il périra selon l’ordinaire nécessité. »]

    1. V. note [40], lettre Borboniana 6 manuscrit.

    2. Paris, Nicolas Buon, 1623, in‑4o de 424 pages : 12 poèmes latins suivis d’appendices en prose.

    3. Père de Saturne (v. note [31] des Deux Vies latines de Jean Héroard) et grand-père de Jupiter.

    4. Arnobe (v. note [2], lettre 126), Contre les païens, livre ii, chapitre 56, § 3 (dans une transcription abrégée).

  3. Les « Questions physiologiques » figurent à la fin de la section Physiologia cum Quæstionibus [La Physiologie et les questions qu’elle pose], qui est le deuxième des :

    Thomæ Campanellæ Ord. Præd. Disputationum in quatuor partes suæ Philosophiæ realis libri quatuor. Pro Rep. literaria ac christiana, id est vere Rationali, stabilienda contra sectarios. Una cum textu instaurato auctoque post editionem Tobianam. Suorum Operum tomus ii. Ad Illustrissimum et Excellentissimum D. Petrum Seguierum, Franciæ M. Cancellarium.

    [Quatre livres des Disputations de Tommaso Campanella {i} sur les quatre parties de sa Philosophie réelle. Pour la défense de la république littéraire et chrétienne, c’est-à-dire véritablement rationnelle, qu’il faut maintenir solidement contre les sectaires. Avec un texte établi et augmenté après l’édition de Tobias. {ii} Tome ii de ses Œuvres. Dédiés à l’illustrissime et excellentissime M. Pierre iv Séguier, {iii} grand chancelier de France]. {iv}

    1. V. note [12], lettre 467.

    2. Le philosophe et juriste allemand Tobias Adami (1581-1643) avait précédemment édité plusieurs traités de Campanella.

    3. V. note [2], lettre 16.

    4. Paris, Denis Houssaye, 1637, in‑4o.

    Leur page 8 appartient à l’article ii, Utrum Mundus incœperit, et quomodo ; et a quo [Le monde a-t-il eu un commencement, et comment, et par l’opération de qui ?]. On y lit, entre autres conjectures, que :

    Videmus enim cuncta ex aliquo ente materiali fieri : neque Deus immaterialis materiam facere potuisset. Vel factus est sæpe ex ruinis alterius Mundi, ut generata ex corruptis videmus fieri : sicut Empedocles docet. Et hoc falsum est. Nam vel casu ita sit ; et hoc impossibile, ut probatum est ; vel a Deo, ut videtur Origenes sentire, et hoc irrationnabile, quoniam quæ bona Deus facit, non destruit, nisi seipsum emendet. Vel ob fines alios ignotos nobis, fingamus hæc ita evenire, ut fingit opinando Origenes propter Angelorum variabilitatem : et Valentinus secula triginta fingit ; et hæc, cum a Deo non sint revelata, opinione stulta finguntur. Vel factus est ex Chaos, ut Anaxagoras opinatur, et tunc quæro, cur in Chaos tempore infinito torpescebant entia ? Et cur Deus accessit ad rerum productionem tunc, et non prius ? et quid movit Deum immobilem ad hoc ? Et utrum prius nesciebat, ut fingunt stulti Talmudistæ, exque multis formis a se factis didicit tandem rectam mundi formam ; quod impium est, falsumque ? vel non poterat ? et hoc falsius : non enim datur ratio cur nunc potuit, et non prius. Vel nolebat, et invidebat rebus entitatem ? et hoc irrationabilius de Deo dicitur. Item cur nunc, et non prius ? Et cur Deus otiosus ? Et Chaos otiosum ?

    [Nous voyons en effet que tout ce qui existe provient de quelque entité matérielle : un Dieu immatériel ne pourrait fabriquer la matière. Le monde, dit-on souvent, s’est fait à partir des ruines d’un autre monde, comme nous voyons la pourriture engendrer des choses : c’est ce qu’enseigne Empédocle, {i} mais c’est faux. Alternativement, il s’agirait d’un accident, mais cela est impossible, comme il a été prouvé ; ou encore d’une intervention divine, comme Origène {ii} semble le penser, mais cela est déraisonnable, car ce que fait Dieu est bien, et il ne le détruit pas, sauf à vouloir se corriger lui-même. Nous pouvons aussi imaginer que, pour des raisons que nous ignorons, les choses aient été créées, ainsi qu’Origène affecte de le penser, en raison de la versatilité des anges, et Valentin {iii} se figure qu’il y aurait fallu trente siècles ; mais tout cela ne se fonde que sur une sotte opinion, puisqu’elle n’a pas été révélée par Dieu. Ou encore, le monde serait né du chaos, comme le pense Anaxagore, {iv} mais je demande alors : pourquoi les entités étaient-elles demeurées engourdies pendant un temps infini ? et pourquoi Dieu s’est-il mis à produire les choses à ce moment, et pas avant ? et pourquoi Lui, qui est immobile, s’est-il mobilisé pour ce faire ? Et ignorait-il auparavant la manière de faire, comme d’insensés talmudistes {v} le pensent, disant qu’à partir des nombreux modèles qu’il avait conçus, il aurait enfin trouvé la bonne forme du monde, ce qui est impie et faux, ou qu’il ne le pouvait pas, ce qui est encore plus faux, car rien n’explique pourquoi il l’aurait pu alors, et pas avant ? Ou bien ne le voulait-il pas et refusait-il une existence aux choses ? mais il est fort déraisonnable de dire pareille chose de Dieu. Une fois encore : pourquoi maintenant et pas avant ? Et pourquoi Dieu a-t-il été oisif ? et le chaos oisif ?]

    1. V. première notule {b}, note [32] du Faux Patiniana II‑3.

    2. V. note [16] du Patiniana I‑2.

    3. Théologien chrétien gnostique du iie s.

    4. V. notule {c}, note [51] du Faux Patiniana II‑2, pour Anaxagore.

      Chaos est un mot grec, χαος, qui signifie « abîme, gouffre, espace immense et ténébreux qui existait avant l’origine des choses » (Bailly).

    5. V. note [2], lettre latine 223.

Les notes [49] infra et [37] à [44] du Borboniana 2 manuscrit reviennent longuement sur les dilemmes de l’ancienneté du monde.

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 1 manuscrit, note 48.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8202&cln=48

(Consulté le 16/04/2024)

Licence Creative Commons