À Charles Spon, le 7 février 1648, note 49.
Note [49]

Mme de Motteville (Mémoires, page 145) :

« Le premier président, {a} quoique habile homme et pour l’ordinaire fort éloquent, voulant flatter la cour, fit une harangue qui parut faible à sa Compagnie et qui ne fut pas même louée dans le Cabinet. Celle de l’avocat général Talon fut forte et vigoureuse. Il représenta la misère du peuple et supplia la reine de s’en souvenir dans son oratoire, lui disant qu’elle devait considérer qu’elle commandait à des peuples libres et non pas à des esclaves ; et que néanmoins, ces mêmes peuples se trouvaient si accablés de subsides et d’impôts qu’ils pouvaient dire n’avoir plus rien à eux que leurs âmes parce qu’elles ne se pouvaient vendre à l’encan ; que les lauriers et les victoires qu’on remportait sur les ennemis, et dont on payait toutes leurs nécessités, n’étaient point des viandes qui les puissent nourrir ni vêtir. Il dit, outre cela, quelques paroles qui marquaient les plaintes universelles de tous les Français sur la longueur {b} de la paix. Cette hardiesse ne fut pas approuvée du ministre. »


  1. Mathieu i Molé.

  2. Lenteur.

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, pages 417‑418) :

« J’appris à midi de mon père, qui y avait été […], que le roi y était venu accompagné de la reine, de M. le duc d’Orléans, de M. le Prince et du prince de Conti ; que M. le Chancelier, {a} sans que le roi eût parlé, {b} avait harangué sans parler d’édits, et ensuite le premier président ; que les sept édits avaient été lus ensuite ; celui des douze maîtres des requêtes le second, et que, pendant la lecture de celui-là, la reine avait ri, témoignant une satisfaction d’être vengée ; que M. Talon avait ensuite parlé fort hardiment, et en telle sorte que la reine et M. le cardinal en étaient tout interdits ; qu’ensuite M. le Chancelier avait prononcé à l’ordinaire ; qu’il n’y avait pas eu un seul maître des requêtes ; que Messieurs des Enquêtes murmuraient et disaient qu’ils reverraient tous ces édits ; que l’on avait remarqué que personne, en allant ni en revenant, n’avait crié Vive le roi, non plus lorsque le roi alla entendre la messe à Notre-Dame en action de grâces de sa santé. » {c}


  1. Pierre iv Séguier.

  2. « Il avait oublié ce qu’on lui avait appris pour dire, et il en pleura de honte » (Dubuisson-Aubenay, Journal des guerres civiles, tome i, page 4).

  3. Une fièvre l’avait affligé à la fin de novembre 1647.

Un extrait du discours d’Omer ii Talon (Mémoires, page 211) donne une belle idée de sa hardiesse :

« Il y a, Sire, dix ans que la campagne est ruinée, les paysans réduits à coucher sur la paille, leurs meubles vendus pour le paiement des impositions, auxquelles ils ne peuvent satisfaire ; et que pour entretenir le luxe de Paris, des millions d’âmes innocentes sont obligées de vivre de pain, de son et d’avoine, et n’espérer aucune protection que celle de leur impuissance. Ces malheureux ne possèdent aucun bien en propriété que leurs âmes, parce qu’elles n’ont pu être vendues à l’encan ; les habitants des villes, après avoir payé la subsistance et le quartier d’hiver, les étapes et les emprunts, acquitté le droit royal et de confirmation, {a} sont encore imposés aux aisés. {b}
Ce qui reste de sûreté dans les Compagnies souveraines reçoit atteinte dans cette journée par la création de nouveaux offices, qui sont une charge perpétuelle à l’État ; car lorsqu’ils sont établis, il faut que le peuple les nourrisse et les défraie.
Faites, Madame, s’il vous plaît, quelque sorte de réflexion sur cette misère publique dans la retraite de votre cœur ! Ce soir, dans la solitude de votre oratoire, considérez quelle peut être la douleur, l’amertume et la consternation de tous les officiers du royaume, qui peuvent voir aujourd’hui confisquer tout leur bien sans avoir commis aucun crime ; ajoutez à cette pensée, Madame, la calamité des provinces, dans lesquelles l’espérance de la paix, l’honneur des batailles gagnées, la gloire des provinces conquise, ne peut nourrir ceux qui n’ont point de pain, lesquels ne peuvent compter les myrtes, les palmes et les lauriers entre les fruits ordinaires de la terre.
Ce que nous expliquons à Votre Majesté avec d’autant plus de confiance qu’elle nous écoute avec d’autant plus de confiance qu’elle nous écoute avec une bonté si royale, avec tant de patience et de vertu qu’elle attire sur elle toutes les grâces du Ciel et les bénédictions de la terre. Cette liberté que Votre Majesté nous donne de parler selon les sentiments de notre cœur, d’examiner ses volontés et les contredire en sa présence, est une marque que sa puissance vient du Ciel, et que la droite de Dieu tout-puissant vous assiste. La sagesse, dit l’Écriture, habite la maison du conseil ; {c} l’honneur du roi aime le jugement ; et Jupiter, dans Homère, fait plus cas de Minerve que de son foudre. » {d}


  1. « Droit royal qui est dû à l’avènement joyeux de chaque roi à la couronne ; c’est un hommage que chaque ville et chaque sujet de son royaume lui doit » (Dictionnaire universel, chronologique et historique, de justice, police et finances… Par Me François-Jacques Chasle, avocat au Parlement (Paris, Claude Robustel, 1725, in‑fo, tome premier, page 854) .

  2. « Les rois de France dans des nécessités pressantes ont établi des taxes sur les aisés », c’est-à-dire les riches (ibid. page 100).

  3. « Moi qui suis la sagesse, j’habite dans le conseil, et je me trouve présente parmi les pensées judicieuses » (Proverbes 8:12).

  4. Allégorie, dont je n’ai pas trouvé la source exacte dans Homère, pour dire qu’il convient de préférer la sagesse (Minerve) à la force (foudre de Jupiter).


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 7 février 1648, note 49.

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(Consulté le 25/04/2024)

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