À Charles Spon, le 18 novembre 1650, note 5.
Note [5]

Journal de la Fronde (volume i, fos 316 vo, 4 novembre 1650, et 321 ro) :

« Les lettres de Champagne portent que les ennemis ont donné deux assauts à Mouzon, {a} étant maintenant attachés au corps de la place, mais qu’ils ont été repoussés avec perte de plus de 400 hommes ; que les bourgeois, qui sont autant de bons soldats, se montrent si résolus qu’il ne s’est jamais vu de plus belle défense que la leur, ne voulant point de composition et ayant fait des bons retranchements au delà de leurs murailles. Le comte de Fuelsaldagne commande à ce siège, l’archiduc étant à Bruxelles où il a mené quatre régiments, deux de cavalerie et deux d’infanterie, pour empêcher les courses que nos garnisons font en Flandres. Il doit aller delà à Anvers pour en tirer quelque argent afin d’en payer deux ou trois mille chevaux qui lui sont nouvellement venus d’Allemagne. Le maréchal de Turenne est toujours dans Stenay, où l’on croit qu’il n’est pas en fort bonne intelligence {b} avec les ennemis. {c} […]

Les ennemis ayant donné deux assauts à Mouzon le 5, furent repoussés au premier avec grande perte de part et d’autre ; mais à ce second, les ennemis ayant eu l’avantage déclarèrent aux habitants et à la garnison qu’il n’y avait point de quartier pour eux s’ils différaient davantage à capituler ; à quoi ceux-ci furent contraints de condescendre, n’ayant plus de poudre ni d’espérance d’un prompt secours, et firent une composition honorable suivant laquelle la garnison en sortit le même jour à quatre heures du soir, tambour battant, enseignes déployées, etc., avec deux pièces de canon, et fut escortée à Sedan par eux sur la Meuse. Les ennemis ont ruiné la moitié de leur armée au siège qui a duré près de six semaines et n’ayant presque plus d’infanterie, ont été obligés de faire mettre pied à terre à leur cavalerie pour donner ces assauts. Les bourgeois de Mouzon ont trois mois de temps pour aviser s’ils doivent demeurer dans la ville en prêtant serment au roi d’Espagne, ou vendre leurs biens pour se retirer où bon leur semblera. »


  1. V. note [27], lettre 246.

  2. Entente.

  3. Espagnols.

Vallier (Journal, tome ii, page 215‑216) :

« Le 5e novembre, le gouverneur de Mouzon, nommé Mazon, {a} se voyant abandonné et sans espoir d’aucun secours, fut réduit à capituler et de sortir le lendemain avec deux pièces de canon, armes et bagages. Il fut conduit à Sedan avec 670 hommes sous les armes et y fut reçu avec tout l’honneur et l’estime que l’on doit à une personne qui a tenu dans une très méchante place plus de semaines qu’il ne fallait de jours pour la prendre, car il avait occupé toutes les forces des ennemis 33 jours entiers depuis l’ouverture de la tranchée et six semaines depuis le siège formé. L’on peut dire pourtant avec vérité, et sans lui faire de tort, que, s’il eût voulu croire les habitants, il eût encore encore tenu huit jours et soutenu quelque assaut avant de se rendre. La perte de cette place ne toucha pas si fortement l’esprit des gens de bien par le dommage qu’en recevait toute la Champagne, que par la compassion et le regret qu’ils eurent que l’on eut ainsi abandonné tant de généreux habitants, qui méritaient bien d’être mieux secourus. M. le maréchal du Plessis {b} vit beaucoup de plaintes et de murmures s’élever contre lui de n’avoir pas seulement donné une alarme aux assiégenats durant un si long temps et de s’être toujours tenu posté dans son camp de la Neuville-au-Pont, près de Sainte-Menehould, {c} sans rien entreprendre contre eux. »


  1. « M. de Mazon avait levé un régiment d’infanterie cette année même pour la défense de la place » (note de Courteault).

  2. Du Plessis-Praslin.

  3. V. note [60], lettre 297.


En titrant, La perte de 3 000 fantassins et autant de cavaliers espagnols en la prise de Mouzon : avec le journal de son siège et sa glorieuse capitulation, la Gazette (extraordinaire no 171 du 16 novembre 1650, pages 1495‑1503) tournait la défaite à l’avantage de la France, avec cette extravagante conclusion :

« La résolution généreuse et la valeur du sieur de Mazon, autant glorieux de cette défense tant opiniâtrée que la ville de Mouzon s’est acquis de réputation par sa conduite, éclate assez par la longueur du siège, par ses soins, par ses veilles, ses bons avis, ses rondes, ses libéralités, et par la perte que les ennemis ont faite de 3 000 hommes d’infanterie et autant de cavalerie, comme lui ont déclaré Don Gabriel de Tolède {a} et beaucoup d’autres des ennemis. Le courage des soldats a grandement paru dans les gardes des forts, sorties, décharges, {b} fatigues et prodigalités de leur sang pour l’honneur du roi, la défense de leur patrie ; et la confiance et fidélité des bourgeois s’est particulièrement fait remarquer dans leurs veilles et travaux, et dans la ruine qu’ils ont soufferte si constamment de 150 maisons et la dissipation de leurs autres biens, qu’ils semblaient s’enrichir par leur perte. »


  1. Commandant l’armée espagnole.

  2. Travaux de déchargement.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 18 novembre 1650, note 5.

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(Consulté le 25/04/2024)

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