À François Citois, le 7 juin 1639, note 5.
Note [5]

L’épître dédicatoire des Opuscula medica (Paris, 1639, v. supra note [2]) de Citois et adressée Eminentissimo Domino meo cardinal Duci de Richelieu [À mon maître, l’éminentissime cardinal duc de Richelieu] :

Eminentissime Domine,

Numquam satis mirari possum humanitatem illam animi magnitudini coniunctam qua V. Eminentia pari studio pauperum et ægrotantium curam suscipit, atque Regnorum et Principatum. Medicos adesse iubet, qui morbis profligandis apta præscribant : Chirurgicos et Pharmacopœos, qui manum et medicamenta admoveant : Patres πτωκοτροφους {a} qui victum ministrent, et quæstores qui sumptibus necessarijs operam dent. Atque hæc tum in castris tum extra castra. Sed amplius et diutius permansura extruit E.V. Nosocomia convenienti ad id opus supellectile instructa, cum frequentissima Confessorum, Medicorum et cæterorum salutis humanæ curatorum familia. Quo negotio honorem occupat cœlestibus proximum, cum ad eos nulla re proprius homines accedant, quam salutem ægris dando. Propterea cum succisivis horis E.V. muneris mei nuper rationem redderem, et ex ægrotantibus quos perambulabam, plærique morbis acutis conflictarentur, quibus sola fere venæ sectione, tandiu repetita quamdiu vis morbi suaderet et vires ferrent, opem allaturum me sponderem post multa de phlebotomiæ et epaphæreseos necessitate in morbis acutis in medium prolata, illa mihi quæ ea de re viderentur in usum et commodum publicum scribere, et scripta typis mandare iussit, ut hinc discant hæmophobi sanguinis missionem tempore et loco non aversari : Et si forte medicus aliquis ex Erasistrati hæmophoborum principis secta non omnino pertinax rationibus nostris aurem commodare non recuset, easdem esse agnoscat quas habent Hippocrates et Galen. cum Lutetiana schola qua in acutorum morborum curatione nulla in tota Europa peritior et felicior est. Parere mandatis V.E. et sic publicæ saluti consulere ut æquum sic gloriosum duxi, et augustum vestrum nomen, faustum omen præferens, huic opellæ inscripsi, quo apud omnes constet E.V. nihil antiquius habere quam ut omnibus prosit et Rempubl. sartam tectamque conservet. Et quia non minus arte quam marte hoc opus perficitur, ego inter artifices medicos alicuius nominis, quia vostra autoritas est mihi instar alicuius numinis, libellum hunc tanquam certissimum obsequij mei pignus adfero et offero, et quæ ante triginta sex annos scripsi de abstinentia puellæ Confluentanæ apud Lemovices, quæ ante viginti duos annos de Colico dolore bilioso apud Pictones Endemio, quæque de Epidemico morbo apud Parisienses ante sexdecim annos grassante vernacula lingua publici iuris feci etiam addo, atque sub vestris auspicijs in lucem revoco, ut sint meæ erga beneficentissimum Dominum meum observantiæ monumenta, quibus quandiu vixero gloriari mihi liceat honorificentissimo nomine a triginta annis quæsito Medici
V. Eminentiæ
,
Fidissimi et servi obsequentissimi
Fr. Citesii.

[Éminentissime Maître,

Je ne pourrai jamais trop admirer ce mélange de bonté et de grandeur d’âme par lequel Votre Éminence s’occupe des pauvres et des malades, et avec la même application, de la famille royale et des princes. Elle ordonne l’assistance de médecins pour remédier aux maladies qui accablent, de chirurgiens et de pharmaciens pour appliquer la main et les remèdes, de Pères charitables pour procurer la nourriture, {a} et de trésoriers pour pourvoir aux dépenses requises ; et ce, à la ville comme à la campagne. Qui plus est, Votre Éminence construit des hôpitaux qui demeureront à tout jamais, dotés des équipements qui conviennent à ce dessein, avec abondance de confesseurs, de médecins et d’autres auxiliaires du salut humain. Ce faisant, Elle s’acquiert un honneur qui avoisine celui des êtres divins, car les hommes ne peuvent mieux s’approcher d’eux qu’en procurant le salut aux malades. Voilà pourquoi, à mes heures de loisir, j’ai voulu rendre compte de mon office. En visitant mes malades, dont quantité souffraient de maladies aiguës, pour qui on ne fait que répéter les saignées, aussi longtemps que la gravité de la maladie le justifie et que leurs forces le permettent, je me suis promis, après bien des lectures sur la nécessité de la phlébotomie et de la purgation dans les maladies aiguës, d’en écrire mon opinion pour l’usage et le profit du public. Votre Éminence a jugé bon de le faire imprimer pour que les hémophobes y apprennent à ne pas refuser la phlébotomie quand elle est prescrite au bon moment et dans la bonne indication. Et peut-être quelque médecin de la secte d’Érasistrate, le prince des hémophobes, {b} ne s’obstinera-t-il pas dans son entêtement et ne refusera-t-il pas de prêter l’oreille à nos arguments, reconnaissant que ce sont les mêmes qu’Hippocrate et Galien ont soutenus, tout comme fait l’École de Paris que nulle en Europe n’égale en habileté et en heureux succès dans le traitement des maladies aiguës. J’ai estimé devoir obéir aux ordres de Votre Éminence, et trouvé juste et glorieux de placer ce petit ouvrage sous l’heureux augure de son auguste nom ; il apparaîtra à tous que Votre Éminence n’a rien de plus impérieux que de rendre service à tous, et de conserver l’État sain et sauf. Et parce que ce petit livre n’est pas moins l’aboutissement de mon art que de mon combat, comme praticien de quelque renom, comme votre autorité équivaut pour moi à celle de quelque divinité, je le présente et offre en gage très certain de ma soumission. J’y ajoute ce que j’avais écrit voici trente-six ans sur l’abstinence d’une jeune fille de Confolens en Limousin, voici vingt-deux ans sur la douleur colique endémique du Poitou et, voici seize ans, sur l’épidémie qui a sévi à Paris. J’avais fait le tout dans la langue vernaculaire du droit public, {c} et je l’augmente et le publie à nouveau sous vos auspices, pour en faire les témoins de ma soumission envers mon très bienveillant Maître. Qu’il me soit permis d’en tirer gloire aussi longtemps que je vivrai, moi qui ai eu l’immense honneur de porter durant trente années le titre de médecin
de Votre Éminence, et qui suis
votre très fidèle et très dévoué
Fr. Citois
].


  1. Sic pour πτωχοτροφους, du verbe ptôchotrophein, nourrir les pauvres, les mendiants.

    Cette introduction conduit immanquablement aux bonnes œuvres médicales et sociales de Théophraste Renaudot, que le cardinal épaulait avec ardeur depuis 1612 et qui atteignaient le zénith de leur épanouissement en 1639, avec la création des consultations charitables (v. note [6], lettre 57). Je n’ai pas trouvé de preuve que Citois y participât pas, mais il a défendu la cause des fils Renaudot contre l’obstination de la Faculté de médecine de Paris à refuser de les graduer (en 1641, v. note [68] de l’Ultime procès de Renaudot contre la Faculté en 1644).

  2. V. note [3], lettre 124, pour le livre de Galien sur la saignée, contre Érasistrate (v. note [23], lettre 324). Tout ce passage concerne la dissertation sur la saignée et la purge que Citois a ajoutée à ses Opuscula.

  3. La « langue vernaculaire du droit public » est à prendre pour une manière pédante de désigner le français, seule langue autorisée dans les cours de justice du royaume, tandis que le latin était la langue des érudits, lisible dans toute l’Europe.

    Citois trichait néanmoins un peu en disant toutes françaises les premières éditions de trois des traités qu’il remettait alors en latin dans ses Opuscula, recueil dont le sommaire est détaillé dans la note [6] de la lettre 47 ; v. ses alinéas :

    • 2 et 3 (et leurs notules {a}‑{d}), pour l’Histoire merveilleuse de l’abstinence triennale d’une fille de Confolens en Poitou… (Paris, 1602), effectivement en français ;

    • 4, pour la Diatriba sur la colique bilieuse du Poitou (Poitiers, 1616), en latin et non pas en français ;

    • 5, pour l’Avis sur la peste (Paris, 1623), en français, comme dans sa réédition de 1639.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À François Citois, le 7 juin 1639, note 5.

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(Consulté le 19/04/2024)

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