Autres écrits : Leçons de Guy Patin au Collège de France (1) : sur le Laudanum et l’opium, note 50.
Note [50]

Francisci Baronis de Verulamio, vice-comitis Sancti Albani, Historia vitæ et mortis. Sive, titulus secundus in Historia naturali et experimentali ad condendam Philosophiam : Quæ est Instaurationis magnæ pars tertia,

[Histoire de la vie et de la mort par le baron Francis de Verulam, {a} vicomte de Saint-Alban ; ou second titre dans l’Histoire naturelle et expérimentale pour établir la philosophie, qui est la troisième partie de la grande Instauration] ; {b}

histoire intitulée Operatio super Spiritus, ut maneant juveniles, et revirescant [Opération sur les esprits, pour qu’ils restent jeunes et reprennent vigueur], composée de 99 paragraphes (pages 211‑262), où se lisent huit avis sur l’opium.

  • § 14. Ad Condensationem Spirituum per Fugam, longe potentissimum, et efficacissimum, est Opium ; et deinde Opiata, atque generaliter Soporifera.

    [Pour la condensation des esprits par la fuite, {c} l’opium est de loin le plus puissant et le plus efficace ; comme sont, en conséquence, les opiats et les soporifiques en général].

  • § 15. Efficacia Opii ad Condensationem Spirituum admodum insignis est ; cum tria fortasse Grana ejus, Spiritus paulo post, ita coagulent, ut non redeant, sed extinguantur, et reddantur immobiles.

    [L’efficacité de l’opium dans la condensation des esprits est fort remarquable, puisque peu après en avoir pris à peine trois grains, les esprits se figent à tel point qu’ils ne reviennent pas, mais s’éteignent et sont rendus immobiles].

  • § 16. Opium, et Similia non fugant Spiritus propter Frigus suum ; (habent enim partes manifesto calidas ;) Sed e converso refrigerant, propter Fugam Spirituum.

    [L’opium et ses apparentés ne mettent pas en fuite les esprits en raison de leur tempérament froid (certaines de leurs parties sont manifestement chaudes) ; au contraire, ils refroidissent en faisant fuir les esprits].

  • § 17. Fuga Spirituum ex Opio, et Opiatis, optime cernitur, in illis exterius Applicatis ; quia subinde Spiritus statim se subducunt, nec amplius accedere volunt, sed mortificatur Pars, et vergit ad Gangrænam.

    [La fuite des esprits provoquée par l’opium et les opiacés se discerne très bien quand on les applique sur les parties externes du corps : les esprits s’en échappent aussitôt et ne veulent plus y revenir ; mais la partie se mortifie et tend vers la gangrène].

  • § 18. Opiata in magnis Doloribus, veluti Calculi, aut Abscissione Membrorum, Dolores mitigant ; maxime per Fugam Spirituum.

    [Les opiacés adoucissent la souffrance dans les grandes douleurs, comme en provoquent les calculs et l’incision des membres, surtout en provoquant la fuite des esprits].

  • § 19. Opiata sortiuntur bonum Effectum, ex mala Causa : Fuga enim Spirituum, mala ; Condensatio autem eorum à Fuga, bona.

    [Les opiacés tirent un bon effet d’une mauvaise cause : la fuite des esprits est en effet mauvaise ; mais leur densification par la fuite est bonne].

  • § 20. Græci multum posuerunt, et ad Sanitatem, et ad Prolongationem Vitæ, in Opiatis : Arabes vero adhuc magis ; in tantum ut Medicinæ suæ Grandiores (quas Deorum manus vocant) pro Basi sua, et Ingrediente principali habeant Opium ; reliquis admistis ad eius noxias Qualitates retundendas, et corrigendas ; quales sunt Theriaca, Mithridatium, et cætera. […]

    [Les Grecs se sont beaucoup reposés sur les opiacés pour conserver la santé et prolonger la vie ; et les Arabes plus encore, à tel point que leurs plus éminents remèdes (qu’ils appellent les mains des dieux) ont l’opium pour base et principal ingrédient ; les autres composants qu’on y mêle servant à émousser et corriger ses qualités nocives ; tels sont la thériaque, le mithridate, etc. (…)]

  • § 38. […] Proprium enim Opus Frigoris est Densatio, atque perficitur absque Malignitate aliqua, aut Qualitate inimica : ideoque tutior est Operatio, quam per Opiata ; licet paulo minus potens, si per vices tantum, quemadmodum Opiata, usurparetur : At rursus, quia familiariter, et in Victu quotidiano moderate adhiberi potest, etiam longe potentior ad prolongationem vitæ est, quam per Opiata.

    [(…) L’action propre du froid est en effet la densification, et elle s’obtient sans aucune malignité, ni qualité adverse : c’est donc une opération plus sûre que celle qu’on obtient à l’aide des opiacés. Bien qu’elle agisse moins puissamment, si on l’emploie seule, à la place des opiacés, l’alimentation quotidienne peut la procurer simplement et avec modération, en allongeant la vie bien plus efficacement que les opiacés].


    1. Francis Bacon, v. note [21], lettre 352.

    2. Londres, Io. Haviland, 1623, in‑8o de 454 pages.

    3. La condensation est à entendre comme l’action de rendre plus pesant et plus compact, et la fuite, comme l’évaporation.

La sentence finale de Bacon était défavorable aux opiacés, mais tout de même plus nuancée que ce qu’en disait Guy Patin.

L’emploi topique des opiacés (application externe sur la peau, sur les yeux ou dans le conduit auditif externe), plusieurs fois mentionné dans cette leçon, n’est plus employé de nos jours. Celui des anesthésiques locaux (dits de contact) s’y est avantageusement substitué.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Leçons de Guy Patin au Collège de France (1) : sur le Laudanum et l’opium, note 50.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8129&cln=50

(Consulté le 25/04/2024)

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