Triades 98-100.
- Ce propos du maréchal de Bouillon {a} sur les secrets n’a pas de source que j’aie su identifier. Le commentaire qu’en donne le Borboniana ne surprendrait en rien sous la plume de Guy Patin.
Henri de la Tour d’Auvergne, duc et maréchal de Bouillon, mort en 1623 (v. note [2], lettre 187).
- « Pour celui à qui il faudrait confier la juste administration des finances royales, Mamertinus déclare, dans son Panégyrique à Julianus Augustus, que ce doit être un homme ayant l’esprit désintéressé par l’argent, indifférent aux insultes, inaccessible à la jalousie. »
Claudius Mamertinus (Mamertin) est un consul romain du ive s. dont l’abbé Louis-Sébastien Le Nain de Tillemont (1637-1698) a résumé l’existence dans sa monumentale :
Histoire des empereurs et des autres princes qui ont régné durant les six premiers siècles de l’Église, des persécutions qu’ils ont faites aux chrétiens, de leurs guerres contre les juifs, des écrivains profanes, et des personnes les plus illustres de leur temps. Justifiée par les citations des auteurs originaux, avec des notes pour éclaircir les principales difficultés de l’histoire. Tome quatrième. Qui comprend depuis Dioclétien jusqu’à Jovien. Par le sieur D.T. {a}
Article xiv, sur l’empereur Julien, {b} « Du Consul Mamertin : Julien prend Aquilée, embellit Constantinople. L’an de Jésus-Christ 362 » (volume quatrième, pages 515‑516) :
« Julien avait désigné Mamertin et Nevitte pour consuls dès devant la mort de Constance. {c} […] Mamertin était fort âgé lorsque Julien le fit consul. [Nous ne voyons rien de sa naissance.] {d} Il dit lui-même qu’il n’était pas riche. Il avait exercé divers emplois quand on l’y avait appelé, ne les ayant, dit-il, jamais désirés par ambition, ni refusés par lâcheté ou par paresse. Il avait toujours néanmoins désiré le consulat, qui n’était alors qu’un honneur sans peine, [et sans presque aucune fonction. Il se pique fort de probité, d’honneur, de générosité et d’intégrité.] {d} Il dit que c’était pour cela que Julien l’avait élevé ; et qu’après lui avoir donné le soin de garder et de distribuer les finances, il l’avait fait préfet du prétoire [d’Illyrie,] {d} et enfin consul. Cependant, Ammien, {e} païen comme lui, nous apprend qu’il fut mis en justice sur la fin de 367, comme coupable de péculat, [et ne dit point qu’il s’en soit justifié.] {d} Il dit même qu’il fut déposé sur cela de la préfecture que Valentinien {f} lui avait conservée. »
- Paris, Charles Robustel, 1697, in‑4o de 726 pages ; ensemble composé de 6 tomes. Un portrait de l’auteur orne le premier d’entre eux, paru en 1690.
- Julianus Augustus, que les chrétiens ont surnommé l’Apostat, v. note [15], lettre 300.
- L’empereur Constance ii (337-361), prédécesseur de Julien (361-363). Nevitta était un militaire barbare (goth) que Julien avait promu au consulat en même temps que Mamertin, en 361.
- Les passages entre crochets marquent les additions de l’abbé de Tillemont. Le reste est tiré des sources qu’il référence dans la marge de son texte.
- L’historien latin Ammien Marcellin, v. note [51] du Faux Patiniana II‑2.
- Valentinien ii, empereur de 375 à 392.
Parmi quelques autres écrits, Mamertin a laissé un panégyrique pro Consulatu gratiarum actio Iuliano Augusto [pour remercier l’empereur Julien de lui avoir attribué le consulat]. Il était alors imprimé (entre autres) dans les :
xii. Panegyrici veteres, ad antiquam, qua editionem qua scripturam, infinitis locis emendati, aucti, nuper quidem ope Ioh. Livineii, nunc vero opera Iani Gruteri ; præter quorum notas accedunt etima coniecturas Valentis Acidalii, et Conradi Rittershusii.
[Douze Panégyriques anciens, augmentés et corrigés en conformité avec l’édition et l’écriture antiques, naguère par Johannes Liveneius, {a} et maintenant par Janus Grüter. {b} Outre leurs annotations, on y a ajouté les conjectures de Valens Acidalius {c} et de Conradus Rittershusius] {d}.
- Jan Lievens, 1546-1599.
- V. note [9], lettre 117.
- Valentin Havekenthal, 1567-1595.
- Francfort, Nicolaus Hoffmannus, 1607, in‑8o de 615 pages.
V. notule {b}, note [9], lettre latine 229, pour Rittershusius (Conrad Rittershausen, 1560-1613).
Le passage cité par le Borboniana s’y lit à la page 209, qui est la première du panégyrique de Mamertin, et forme un plaisant contraste avec le récit de l’abbé de Tillemont :
Et sane in his honoribus quibus me prius honestaras minor esse causa ad agendas gratias videbatur ; nam cum me ærarium publicum curare voluisti, cum quæreres virum animi magni adversus pecuniam, liberi adversus offensas, constantis adverusu invidiam, me (qui tibi viderer ejusmodi) dilegisti, idque eo tempore quo exhaustæ provinciæ partim deprædatione barbarica, partim non minus exitiabilibus quam pudendis præsidentium rapinis, ultro opem Imperatoris exposcerent, milites sæpe anteactis temporibus ludo habiti, præsens stipendium flagitarent ; quoquo modo videbat honorem onere pensare.
[Pour les charges dont tu m’avais précédemment honoré, il ne me semblait vraiment pas y avoir de motif à t’en rendre grâces ; mais quand tu as voulu me confier les finances publiques, recherchant un homme ayant l’esprit désintéressé par l’argent, indifférent aux insultes, inaccessible à la jalousie, c’est moi que tu as choisi (car je te paraissais correspondre). Cela m’échoit pourtant au moment où, d’un côté, les provinces sont ruinées, pour partie à cause des pillards étrangers, et pour partie à cause des rapines, non moins funestes que honteuses, perpétrées par les gouverneurs, et elles réclament à hauts cris des aides qui dépassent les richesses de l’empereur ; et de l’autre, les soldats, dont l’humeur était naguère souvent joyeuse, exigent le paiement sans délai de leur solde. À tout point de vue, cette charge semblait plus un boulet qu’un honneur].
- Cette ultime triade rabâche une oiseuse raillerie contre les Méridionaux, Provençaux et Languedociens du « pays d’Ousias » (v. note [5], lettre 260) ou « d’Adieusias » (v. note [2], lettre 397). Patin l’a proférée trois fois dans ses écrits :
- lettre à Charles Spon du 16 janvier 1652 (fin du premier des deux passages datés du 12 janvier), où elle est attribuée à « un de nos docteurs » ;
- lettre à André Falconet du 19 décembre 1660, où Honoré d’Urfé en est déclaré auteur (dans L’Astrée, v. sa note [7]) ;
- le Patiniana I‑1, où elle est mise sur le compte du même d’Urfé (v. sa note [46]).
La paternité de cette moquerie est ici conférée à « M. A. », initiales qui ont été biffées dans le manuscrit (mises entre accolades dans ma transcription), mais que je ne suis pas parvenu à sûrement déchiffrer : dans le roman, la boutade est prononcée par le berger Silvandre (qui représente d’Urfé lui-même) ; mais parmi les docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris, Martin iv Akakia (v. note [30], lettre 392) pourrait correspondre.
Quoi qu’il en soit, je ne pouvais rêver invective plus parlante pour y lire une signature de Patin, le désignant comme auteur des cent triades, au-delà de tout doute raisonnable. Je ne pense guère me tromper non plus en croyant qu’elles traduisent ses intimes convictions morales, sociales, politiques et religieuses ; mais sans la moindre trace d’inclination pour le scepticisme athée que d’aucuns lui attribuent. En me fondant sur les dates des références imprimées les plus tardives (1649, v. supra note [45] et [46]), j’estime que les triades du Borboniana ont dû être rédigées, au moins en partie, vers 1650.
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