Le 2 septembre, l’archiduc Lépold, gouverneur des Pays-Bas, avait envoyé un trompette au duc d’Orléans, lui disant qu’il avait tout pouvoir du roi d’Espagne pour négocier la paix avec lui. Le 4, Monsieur chargea le baron de Verderonne d’aller répondre qu’il fallait discuter du lieu des négociations. Le 12, à Paris dans son palais de Luxembourg, Monsieur reçut Don Gabriel de Tolède, émissaire de l’archiduc, en présence de MM. de Beaufort, le garde des sceaux, Le Tellier, d’Avaux, de Maisons, et les maréchaux d’Estrées et de l’Hospital. Don Gabriel remit une lettre de l’archiduc au duc d’Orléans, sans autre échange que de grandes amabilités de part et d’autre.
Journal de la Fronde (volume i, fo 294 ro) :
« la lettre fut lue dans le Conseil {a} et avec une autre que l’archiduc avait donnée à M. de Verderonne. Celle-ci ne contenait que des grandes civilités à Son Altesse Royale, à laquelle il proposait seulement que le traité de paix fût fait par eux deux afin d’avoir plus tôt fait. Par l’autre, l’archiduc lui mandait qu’après lui avoir proposé un abouchement pour la paix, comme il croyait que c’est le meilleur moyen d’avancer cet ouvrage après lequel toute la chrétienté respire, il souhaiterait que le lieu du traité fût en quelque endroit entre Reims et Rethel, qu’il espérait que Son Altesse Royale s’y pourrait trouver pour le commencer au 20 de ce mois, et que leurs paroles serviraient de sûreté pour l’un et pour l’autre ; dont on envoya avertir la cour par un exprès qui partit en poste deux heures après. On remarqua d’abord que Son Altesse Royale témoigna grand désir d’aller trouver l’archiduc, mais on lui représenta que sa personne ne serait pas en sûreté dans le poste que celui-ci avait choisi ; qu’outre que les ennemis y étaient les plus forts, l’archiduc n’y pourrait pas être le maître absolu des déportements de M. de Turenne ; et qu’ainsi, il était à propos de trouver moyen de faire changer le lieu. Pour cet effet, le lendemain 13, M. le nonce {b} fut avec M. d’Avaux trouver Don Gabriel de Tolède pour pressentir si l’archiduc voulait changer le lieu du traité et consentir que ce fût entre Laon et Soissons, ou bien en quelque autre lieu qui ne fût pas si avantageux aux ennemis et dans lequel Son Altesse Royale y pût être en sûreté ; sur quoi Don Gabriel témoigna que l’archiduc ne le refuserait pas afin de faciliter cette entrevue. Don Gabriel revint le 14 au palais d’Orléans pour avoir son audience de congé et Son Altesse Royale lui bailla la réponse qu’elle avait faite aux lettres de l’archiduc ; après quoi, il prit aussi congé de Madame et s’en alla par le jardin de ce palais où on le fit boire ; et il partit hier {c} d’Issy pour s’en retourner au camp de l’archiduc d’où il doit envoyer aujourd’hui des passeports pour M. le nonce, M. l’agent de Venise {d} et M. d’Avaux qui doivent partir demain pour aller conclure avec l’archiduc le lieu du traité et conférer sur les moyens les plus difficiles, afin que Son Altesse Royale n’y soit pas retenue si longtemps. La réponse qu’elle a faite à ces deux lettres contient en substance que, quoique dans tous les traités on envoie des plénipotentiaires pour résoudre toutes les difficultés, que néanmoins, la sincérité avec laquelle l’archiduc procède dans cette conjoncture l’a fait résoudre à s’aller aboucher avec lui, et qu’elle connaît déjà de ses bonnes intentions et des siennes < pour > le repos de toute la chrétienté ; que cependant, elle lui envoie M. d’Avaux pour résoudre avec lui le lieu du traité et commencer à l’ébaucher ; après quoi elle s’y rendra. On croit que le garde des sceaux et le premier président l’y accompagneront. »
- Le 12 septembre 1650.
- Bagni.
- Le 15 septembre.
- Ludovico Contarini, v. note [14], lettre 234.
Après bien des échanges de messages et bien des atermoiements, on s’accorda sur un rendez-vous à Picquigny, sur la rive gauche de la Somme à 13 kilomètres en aval d’Amiens. |