Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 1 manuscrit, note 55.
Note [55]

Le second tome de l’Histoire généalogique de la Maison de France… des frères Scévole ii et Louis de Sainte-Marthe, {a} livre xxviii, La Descente et postérité des reines et princesses sorties du roi saint Louis, chapitre viii, Catherine de Bourbon, comtesse de Harcourt, section consacrée aux Seigneurs de Clermont, marquis de Galerande, donne la descendance de Charles de Clermont d’Amboise, seigneur de Bussy (second § 25 de la pages 839, et non 838)  :

« a eu un fils de Jeanne de Monluc de Balagny, son épouse, laquelle est remariée avec Henri de Mesmes, chevalier, seigneur d’Irval, conseiller du roi en ses Conseils et président en sa Cour de Parlement de Paris. {b} Elle est fille de Jean de Monluc, seigneur de Balagny, maréchal de France, {c} et de Renée d’Amboise, ci-dessus mentionnée. » {d}


  1. Paris, Sébastien Cramoisy, 1628, in‑4o de 1 089 pages ; v. note [45], lettre 242, pour l’édition de 1647.

  2. Henri ii de Mesmes, premier président du parlement de Paris, v. note [12], lettre 49.

  3. Jean ii de Montluc (ou Monluc, vers 1545-1603), seigneur de Balagny, était bâtard légitimé de Jean i de Montluc, évêque de Valence (v. note [27], lettre 229). Après avoir été grand ligueur à la solde des Espagnols (v. dernière notule {b}, note [10] du Borboniana 10 manuscrit), Balagny s’était si diligemment rallié à la Couronne de France que Henri iv l’avait nommé maréchal et prince-gouverneur de Cambrai en 1594. La suite de la présente note détaille les mésaventures que ce gouvernement valut en 1595 à celui qu’on appelait le prince de Cambrai.

  4. Fille de Jacques de Clermont d’Amboise, marquis de Gallerande, Renée (1546-1595) était devenue princesse-maréchale de Cambrai en épousant Jean ii de Montluc en 1579 ; la suite de son existence, qui en a fait la « généreuse femme » que saluait le Broboniana, est aussi relatée plus bas dans la présente note.

    Renée était sœur de Georges de Clermont d’Amboise, père de Charles. Jeanne de Montluc, fille de Renée, était donc cousine germaine de son premier mari, Charles d’Amboise.

    En 1621, Henri ii de Mesme avait épousé Jeanne de Montluc, dame de Balagny, Pargny, Bohain et Beaurevoir, veuve de Charles de Clermont d’Amboise, marquis de Renel et de Bussy ; morte en 1638 sans enfants, elle était fille de Jean ii de Montluc et de Renée d’Amboise (Popoff, no 121).


Au début du livre cxiii de son Histoire universelle (règne de Henri iv, Thou fr, volume 12, pages 412‑437), Jacques-Auguste i de Thou a détaillé les événements survenus à Cambrai en 1595 : défaite sans gloire de Jean ii de Montluc (ici nommé Balagny), et conduite héroïque et mort de son épouse, Renée de Clermont d’Amboise.

  • Portrait peu flatteur de Balagny, prince-gouverneur de Cambrai, et celui, élogieux, de son épouse Renée (pages 414‑415) :

    « Peu de temps auparavant, Charles de Chambes, comte de Montsoreau, pour venger un affront fait à sa Maison, avait assassiné Louis de Clermont de Bussy-d’Amboise. {a} Renée, sœur de Bussy, femme dont le courage et l’ambition étaient au-dessus de son sexe, au désespoir de voir ses parents, et son propre frère, {b} négliger de venger la mort de Bussy, épousa, malgré sa famille, Balagny, qui lui promit de tirer vengeance du comte de Montsoreau. Cette femme courageuse inspira des sentiments si élevés à son mari qu’il parut digne de sa fortune. L’idée qu’on avait de son mérite fit que le duc d’Alençon {c} lui confia le gouvernement de Cambrai, lorsque les Espagnols eurent levé le siège de cette place. {d} Ce prince donna par son testament, et recommanda à la reine Catherine, sa mère, {e} la ville de Cambrai, qui était le seul fruit des prodigieuses dépenses qu’il avait faites dans les Pays-Bas. Catherine la conserva avec grand soin pendant sa vie, en donnant une forte paye à sa garnison.

    Balagny, non content des sommes que cette princesse lui fournissait, s’était encore emparé des revenus de l’archevêque (sous prétexte qu’il était rebelle), de ceux des abbayes des environs et de plusieurs autres bénéfices. La France entière étant prête à suivre le parti de la Ligue, il offrit aux peuples voisins, qui ne respiraient que la révolte, de se mettre à leur tête. Le duc de Guise {f} voulant donner, dans ces commencements, de la réputation à ses armes et attirant à son parti une ville de l’importance de Cambrai, gagna Balagny à force d’argent. À la mort de ce duc, qui fut suivie quelque temps après de celle de la reine mère, Balagny ne se croyant plus lié par aucun serment, prit ouvertement les armes en faveur de la Ligue. Il répandit la terreur sur toute la frontière aux environs de Cambrai ; et ayant attaqué les seigneurs et la noblesse du pays, qui ne s’attendait à rien moins, il ravagea leurs terres, et mit tout à feu et à sang. Mais le malheureux succès qu’il eut au siège de Senlis diminua beaucoup l’opinion qu’on avait de ses forces et de son habileté. Ses troupes en vinrent même jusqu’à le mépriser. Enfin, il se brouilla ouvertement avec le duc de Parme. {g}

    Ayant eu lieu alors de soupçonner les habitants de Cambrai de conspirer contre lui, il les traita, en général et en particulier, avec plus de dureté qu’auparavant. Ces malheureux citoyens, à qui l’on intentait sans cesse des accusations, se croyant peu en sûreté à l’abri de leur innocence et n’ayant point de juges devant qui ils pussent se justifier, abandonnaient la ville et étaient aussitôt proscrits. Depuis ce temps-là, Balagny ne parut plus dans l’armée des ligueurs et ne leur envoya plus que de faibles secours. également agité de la crainte d’être puni et de l’espérance de faire mieux ses affaires dans le parti du roi, il eut toujours depuis des agents à la suite de Sa Majesté. Il avait lui-même l’année précédente dressé un traité, qui renfermait des conditions, que ce prince ratifia en quelque sorte malgré lui.

    De Rosnes, {h} qui s’était entretenu avec quelques-uns des habitants de Cambrai, sachant que Balagny était extrêmement haï de toute la ville, persuada au comte de Fuentès {i} qu’il ne fallait que former le siège de la place, faire brèche aux murailles et se préparer à donner l’assaut, pour exciter de grands mouvements parmi les bourgeois. »


    1. V. note [17] du Borboniana 4 manuscrit pour les deux protagonistes de cette malheureuse affaire.

    2. Le père de Renée, Jacques de Clermont, et son deuxième fils Georges (devenu aîné de la famille après la mort de Louis).

    3. Autre titre de François d’Anjou, dernier fils du roi Henri ii : de 1580 à sa mort (1584), il avait été protecteur des provinces septentrionales des Pays-Bas, en rébellion contre l’Espagne (v. note [13] du Borboniana 3 manuscrit).

    4. En 1578, le duc d’Anjou avait confié le gouvernement de Cambrai à Balagny, qui avait dès lors combattu du côté de la Ligue, avant de se rallier à Henri iv en 1593 (v. supra première notule {a}).

    5. Catherine de Médicis, morte en 1589.

    6. Henri i er de Lorraine, duc de Guise, meneur de la Ligue, assassiné sur ordre du roi Henri iii à Blois en 1588 (v. note [1], lettre 463).

    7. Alexandre Farnèse, gouverneur des Pays-Bas espagnols et allié des ligueurs français (v. note [12], lettre 152). En mai 1589, les ligueurs avaient échoué devant Senlis, ralliée au parti royaliste.

    8. Chrétien de Savigny, seigneur de Rosnes, l’un des maréchaux de la Ligue.

    9. Pedro-Henriquez d’Azevedo, comte de Fuentès, brillant chef militaire espagnol (v. note [3], lettre 796) : face à lui, Balagny allait payer cher son abandon de la Ligue et son ralliement à la Couronne de France.

  • Siège de Cambrai par les Espagnols (13 août-9 octobre 1595), comportement héroïque de Renée de Clermont d’Amboise, maréchale de Balagny (pages 432‑436) :

    « La maréchale de Balagny, dont les sentiments étaient au-dessus de son sexe, avait durant le siège rempli tous les devoirs d’un soldat intrépide. Elle se trouvait dans les travaux avec les femmes de sa suite, sur les remparts et sur la brèche, au milieu des soldats ; on l’avait souvent vue pointer elle-même l’artillerie, mettre le feu aux canons, et faire la ronde à cheval la nuit et le jour. Elle se rendit à la grand-rue pendant que les députés étaient allés au camp, {a} et se tournant vers le peuple : “ Mes enfants, dit-elle, que faites-vous ? Avez-vous pu vous laisser abattre par de vaines frayeurs, jusqu’à oublier votre sûreté, jusqu’à mettre plutôt votre espérance dans un cruel ennemi altéré de votre sang, et qui, ne respirant que le pillage, nous assiège avec des forces inégales, que dans votre courage et dans ces armes que nous avons prises pour le salut commun ? Avez-vous donc quelque chose de plus à craindre de la part de l’ennemi que le bruit de ses canons ? La brèche est si escarpée, si étroite et si raide que le soldat ne pourra jamais y monter : croyez-vous qu’il soit assez hardi pour marcher à l’assaut, tandis que la batterie du bastion Robert lui fermera l’entrée du fossé ? Mais je veux qu’ils le franchissent, ces Espagnols, l’objet de votre haine : n’auront-ils pas à combattre, en montant à l’assaut, contre cinq cents hommes couverts de tous côtés, qui défendront le poste avec vigueur ? L’avantage est si grand de notre côté que les troupes françaises qui sont ici peuvent repousser une armée de cinquante mille hommes des meilleures troupes : voyez donc quel succès peut attendre cette poignée d’Espagnols qui vient nous attaquer ! Le succès fait tout leur courage : ce n’est point leur valeur, c’est notre frayeur qui les enhardit. Rassurez-vous donc et prenez courage, à l’exemple de ces braves Français que vous voyez les armes à la main. Songez que vous êtes sûrs de tout avec vos amis ; songez que vous ne pouvez espérer de faire une paix durable avec des ennemis réconciliés, et surtout avec des Espagnols. Ne soyez point en peine de la rareté de l’argent : j’engage ma parole de vous faire changer, après le siège, cette monnaie de cuivre qu’on ne vous donne que pour servir de gage ; je m’oblige à récompenser les efforts que vous ferez pour vous défendre. Je ne vous trompe point ”, ajouta-t-elle, et tirant de son sein des pièces d’or et d’argent, elle les jeta au peuple. “ Vous voyez, continua-t-elle, que je fais ce que je puis. ” En même temps, cette héroïne se saisit d’une pique et, se mettant en devoir de marcher : “ Suivez-moi ! dit-elle, venez combattre avec moi sur la brèche ! Venez, nous allons à la victoire ! ” Mais s’apercevant que la haine qu’on avait pour son mari l’emportait sur tout ce qu’elle pouvait dire, elle se tourna vers les chefs de la garnison : “ Braves Français, dit-elle, je me repose sur vous pour la conservation de ma dignité et pour la défense de la ville, que ses habitants abandonnent lâchement. Je vous donnerai l’exemple avant qu’il le sera possible. J’aime mieux mourir souveraine que de vivre sujette. ” […] {b}

    Il sortit environ mille hommes de pied et quatre cents hommes de cavalerie de la citadelle, dans le jour dont on était convenu. Le général espagnol fit de grands honneurs au duc de Rethelois […] {c} La femme de Balagny, au désespoir de la perte qu’elle venait de faire, lui fit des reproches sanglants de ce qu’il survivait à sa fortune, et mourut dans les soupirs et les sanglots, avant de sortir de la citadelle. » {d}


    1. La population de Cambrai s’était insurgée contre Balagny et avait envoyé des députés négocier une trêve avec les assaillants espagnols. des troupes françaises étaient néanmoins venues renforcer la garnison de Cambrai.

    2. En dépit de ce discours mémorable, la ville se rendit aux assaillants espagnols.

    3. Louis de Gonzague-Nevers, duc de Rethel et de Nevers, dirigeait les troupes royales françaises venues au secours de Cambrai.

    4. Renée périt ainsi sans que la mort de son frère Louis eût jamais été vengée. Une dysenterie emporta Rethel le 23 octobre suivant, âgé de 56 ans.

      Balagny se remaria en 1599 avec Diane d’Estrées (v. note [16] du Borboniana 5 manuscrit), sœur de Gabrielle (célèbre maîtresse de Henri iv, v. note [7], lettre 957). Cambrai demeura espagnole jusqu’en 1678.


Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 1 manuscrit, note 55.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8202&cln=55

(Consulté le 19/04/2024)

Licence Creative Commons