Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-6, note 56.
Note [56]

Cet article peu clairvoyant, car il ne distingue pas les prétextes des causes véritables, concernait l’insurrection ou sédition Nika ou Niké, en 532, qui fit vaciller le trône de l’empereur Justinien le Grand et de son épouse Theodora. {a} Les Anecdota (ou Histoire secrète) de Procope en ont parlé en plusieurs endroits. {b}

  • Chapitre xii, § 3, pages 147‑149 :

    « Il ne serait pas possible d’énumérer les noms de tous les autres citoyens dont (Justinien et Theodora) se constituèrent eux-mêmes héritiers. Jusqu’à l’époque qui vit éclater l’émeute appelée du nom de Niké (victoire), ils ne procédaient que par individu à la spoliation des fortunes des riches ; mais, au temps dont je parle, confisquant pour ainsi dire en masse les biens des membres du haut Sénat, ils mirent la main sur toutes les valeurs mobilières, et sur les plus belles de leurs terres qui étaient à leur convenance. »

  • Chapitre xviii, § 7, pages 223‑225 :

    « Le règne de ce prince inonda donc la terre entière de sang humain, soit celui des Romains, soit celui des Barbares, et pour ainsi dire de tous. La guerre sévit en quelque sorte sur toutes les parties de l’Empire, pendant cette époque ; mais les émeutes qui surgirent à Byzance et dans chaque cité firent verser, je pense, non moins de sang, si l’on en fait bien le calcul.

    Comme on n’avait égard ni à l’équité ni à la proportion des peines dans la répression des délits, et comme chacun des partis n’était jaloux que de plaire à l’empereur, jamais de part ni d’autre, ils ne restaient en repos.

    Ils tombaient alternativement, les uns dans la fureur du désespoir parce qu’ils avaient échoué, les autres, dans une exaltation présomptueuse parce qu’ils avaient conquis sa faveur : tantôt ils marchaient les uns contre les autres en masse ; tantôt, ils engageaient des combats isolés, et même d’homme à homme. Ils se dressaient réciproquement des embûches quand l’occasion s’en présentait. Pendant trente-deux ans, on ne laissa passer aucune circonstance favorable sans se faire le plus de mal possible ; et le plus souvent, le préfet du peuple condamnait les séditieux au supplice. Toutefois, le châtiment des délits retomba principalement sur les Prasiniens. » {c}

  • Chapitre xix, § 5, pages 231‑233 :

    « On incriminait les uns comme adhérents au polythéisme ou comme hérétiques, parce que leur foi au christianisme n’était pas orthodoxe ; les autres comme se livrant à la pédérastie ; d’autres, comme ayant abusé des saintes femmes, ou ayant eu un commerce charnel prohibé par les lois ; d’autres, de tentatives de sédition ou d’affiliation au parti présinien, ou d’outrage à la personne du souverain.

    En un mot, on inventait toute espèce d’accusation contre eux. (Justinien) se portait héritier personnel des morts, de même que, selon l’occasion, il se disait donataire des vivants ; et c’est en ce point surtout qu’il montrait la supériorité de sa tactique. J’ai déjà rapporté ci-dessus comment il profita de la sédition dirigée contre lui sous le nom de Niké ; comment il devint immédiatement l’héritier de tous les membres du Sénat, et comme, bien avant cette émeute, il s’était emparé de la fortune des particuliers. » {d}


    1. V. note [22], lettre 224.

    2. J’ai emprunté les trois citations à l’édition bilingue, grecque et française, de Paris, 1856 (v. notes [59] et [60] du Patiniana I‑2).

    3. Les deux principaux partis rivaux étaient les Prasiniens (ou Verts, comme la prasine, qui est une terre de cette couleur) et les Vénètes (Venettes ou Bleus).

    4. L’émeute éclata, sur une provocation des Verts, lors des courses de char (carrousel, v. note [5], lettre 727) qui avaient lieu chaque année en janvier. Elle se propagea très rapidement jusqu’à devenir une révolution, unissant Bleus et Verts contre le pouvoir impérial. Justinien sauva sa couronne de justesse. On estime à trente mille le nombre des personnes tuées au cours des combats et de la répression qui les suivit dans tout l’Empire.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-6, note 56.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8219&cln=56

(Consulté le 19/04/2024)

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