Note [57] | |
L’Esprit de Guy Patin abrège maladroitement la fin de l’article du Moréri sur Aristote {a} qui commente un point intéressant de l’histoire philosophique, sur la manière dont ses œuvres ont été reçues par l’Église et l’Université {b} au fil des siècles : « Les premiers docteurs de l’Église improuvèrent {c} d’abord Aristote, comme un philosophe qui donnait trop au raisonnement et aux sens ; mais Anatolius, évêque de Laodicée, le célèbre Didyme d’Alexandrie, saint Jérôme, saint Augustin {d} et divers autres écrivirent et parlèrent en sa faveur. Dans le vie siècle, Boëce fit entièrement connaître dans l’Occident ce philosophe, dont il mit quelques ouvrages en latin ; mais depuis Boëce {e} jusqu’à la fin du viiie siècle, il n’y eut que le seul saint Jean de Damas {f} qui fit un abrégé de la philosophie d’Aristote. Les Grecs, {g} qui firent fleurir les sciences dans le xie siècle et dans les suivants, s’attachèrent à l’étude de ce philosophe, sur qui plusieurs des plus doctes travaillèrent. Sa réputation était déjà répandue dans l’Afrique, parmi les Arabes et les Maures. Alfarabius, Algazel, Avicenne, Averroès {h} et divers autres firent honneur par leurs commentaires à la doctrine d’Aristote. Ils l’enseignèrent en Afrique, et depuis à Cordoue, où ils établirent un Collège depuis qu’ils eurent conquis l’Espagne ; {i} et les Espagnols apportèrent en France les commentaires d’Averroès et d’Avicenne sur Aristote. Ses livres y étaient déjà connus. On enseigna sa doctrine dans l’Université de Paris, mais Amaury, voulant soutenir des opinions particulières sur les principes de ce philosophe, fut condamné d’hérésie par un concile tenu en la même ville l’an 1210. {j} Les livres d’Aristote y furent brûlés et la lecture en fut défendue sous peine d’excommunication. Depuis, sa Métaphysique fut condamnée par une Assemblée d’évêques, sous Philippe Auguste. {k} L’an 1215, le cardinal du titre de Saint-Étienne, légat du Saint-Siège apostolique, {l} confirma les mêmes défenses ; mais il permit d’enseigner la Dialectique ou la Logique de ce philosophe, au lieu de celle de saint Augustin que l’on expliquait auparavant dans les Écoles de l’Université. L’an 1231, le pape Grégoire ix {m} défendit encore d’enseigner la Physique et la Métaphysique d’Aristote jusques à ce que ces livres eussent été revus et corrigés dans les endroits qui contenaient quelques erreurs. Néanmoins, peu de temps après, Albert le Grand et saint Thomas d’Aquin {n} firent des commentaires sur Aristote ; Campanella {o} croit qu’ils avaient eu quelque permission particulière du pape pour travailler à ces ouvrages. L’an 1265, Simon, cardinal du titre de Sainte-Cécile, {p} légat du Saint-Siège, défendit absolument la lecture de la Métaphysique et de la Physique d’Aristote. Toutes ces défenses cessèrent en 1366 car alors les cardinaux du titre de Saint-Marc et de Saint-Martin, commissaires députés par le pape Urbain v {q} pour réformer l’Université de Paris, permirent l’explication des livres dont la lecture avait été interdite auparavant. L’an 1448, le pape Nicolas v {r} approuva les ouvrages d’Aristote et en fit faire une nouvelle traduction latine. Enfin, l’an 1452, le cardinal d’Estouteville, {s} qui avait été nommé par le roi Charles vii pour rétablir l’Université de Paris, ordonna que les professeurs expliqueraient la Morale de ce philosophe, aussi bien que sa Logique, sa Physique, sa Métaphysique et ses autres traités de philosophie. L’an 1543, Ramus, voulant établir une autre philosophie, composa deux livres intitulés, l’un, Dialecticæ Institutiones, et l’autre, Aristotelicæ Animadversiones ; {t} mais le roi François ier fit supprimer ces livres et autorisa ceux d’Aristote, que l’on a continué de lire publiquement dans l’Université de Paris ; et lorsqu’en 1624, Antoine Villon, Étienne de Claves et Bitault voulurent publier et soutenir des thèses contre la doctrine d’Aristote, ils furent condamnés par l’Université et par le Parlement de Paris. {u} < Gassendi et Descartes ayant dans le siècle passé mis en vogue de nouveaux principes de philosophie, celle d’Aristote n’a plus le même crédit dans le monde et s’est à peine soutenue dans les Écoles >. » {v} |
Imprimer cette note |
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
Autres écrits : Ana de Guy Patin : L’Esprit de Guy Patin (1709), Faux Patiniana II-7, note 57. Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8220&cln=57 (Consulté le 08/10/2024) |