À Hugues II de Salins, le 13 juillet 1655, note 6.
Note [6]

Charles Du Moulin (Du Molin de Paris son véritable nom, Paris 1500-1566) descendait d’une famille noble et était parent par alliance d’Ann Boleyn (v. note [32] du Faux Patiniana II‑7), mère d’Élisabeth ire d’Angleterre. D’abord avocat, Du Moulin devint un des plus savants jurisconsultes de son temps et s’épuisa toute sa vie dans d’infinies querelles, dont les plus retentissantes touchèrent la religion : d’abord catholique converti au calvinisme, il opta pour le luthéranisme puis revint à la religion romaine, ce qui lui valut tour à tour la haine des trois partis.

De la masse des livres qu’il a laissés, Guy Patin citait ici son :

Commentarius ad edictum Henrici Secundi contra parvas datas et abusus curiæ Romanæ, et in antiqua edicta et Senatusconsulta Franciæ contra Annatarum et id genus abusus, multas novas decisiones iuris et praxis continens…

[Commentaire touchant à l’édit de Henri ii contre les petites dates {a} et abus de la curie romaine, et sur les anciens édits et arrêts de France contre les annates {b} et ce genre d’abus, contenant maintes nouvelles décisions de droit et de pratique…] {c}


  1. « date retenue en cour de Rome sans envoyer la procuration pour résigner : ou la rétention de plusieurs dates inutiles, dont les provisions ne sont point levées. […] Il y a un grand traité de Du Moulin contre les abus des petites dates. Il y a un édit du roi Henri ii, de 1550, qu’on appelle des petites dates, qui règle plusieurs choses touchant les prises de possession pour empêcher qu’on ne rende les bénéfices héréditaires » (Trévoux).

  2. Taxes perçues par Rome sur les bénéfices ecclésiastiques.

  3. Lyon, Antoine Vincent, 1552, in‑8o de 335 pages) ; traduit en français (Lyon, Jean Robichon, 1554, in‑4o de 196 pages) sous le titre de :

    Commentaire sur l’édit du roi Henri second contre les petites dates et abus de la cour de Rome. Ensemble sur les anciens édits et arrêt de France contre les annates et telles autres manières d’abus…

Ce livre portait sur les longues querelles qui divisèrent la Cour de Rome et le royaume de France. Enivrés par le pouvoir, remuants et ambitieux, les papes n’avaient pas longtemps conservé la modération que leur imposait leur double titre de prêtre et de souverain. Les finances des pays européens, toujours en assez mauvais état, étaient encore affaiblies par les singulières exigences des papes. Quand un souverain refusait les subsides réclamés par Rome, le pape s’adressait aux sujets et, levant sur eux au moyen du Clergé de lourdes impositions qui se payaient toujours intégralement, il ne laissait plus rien à prendre au roi. Un tel état de choses suscitait de constantes difficultés, et ne fut pas étranger à l’empressement que mirent certains princes à protéger et à propager la Réforme.

Comme firent après lui Étienne Pasquier (v. note [16], lettre 151) ou Pierre Pithou (v. note [4], lettre 45), Du Moulin intervenait dans cette querelle entre le roi de France, Henri ii, et le pape Jules iii. Conservant pour le chef de la chrétienté un respect sincère, Du Moulin conclut que les plus simples notions de justice étaient blessées par les prétentions de la cour de Rome. Le pape lui-même ne put se défendre de louer ce mémoire et de reconnaître sa vérité, il se montra plus raisonnable et consentit à un arrangement : « Sire, disait le connétable Anne de Montmorency en présentant Du Moulin au roi, ce que Votre Majesté n’a pu faire avec 30 000 hommes, ce petit homme (Du Moulin était très petit de taille) l’a achevé avec un petit livre » ; mais si le pape avait cédé devant le langage de la vérité, ses conseillers conservèrent toujours à Du Moulin une rancune profonde de leur échec. Ses livres furent condamnés à être brûlés, leur lecture fut déclarée criminelle et on ne l’appela plus que l’impie Du Moulin, comme on disait l’infâme Machiavel. Des émissaires de Rome pillèrent sa maison et il ne dut la vie qu’au dévouement d’un ami (G.D.U. xixe s.).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 13 juillet 1655, note 6.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0407&cln=6

(Consulté le 20/04/2024)

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