À Charles Spon, le 2 juin 1657, note 6.
Note [6]

Toute la lettre de Joseph Scaliger (mort en 1609) à Jacques-Auguste i de Thou (v. note [4], lettre 13), datée du 2 août 1600 (Ép. fr. pages 328‑331 ; Correspondence, volume 3, pages 470‑472), est consacrée à ce dessein :

« Monsieur,

J’ai été souvent prié de mettre la main au Josèphe. Mais j’ai toujours renvoyé ces Messieurs, m’excusant sur les fautes et défauts qu’il y a en cet auteur, lequel il est impossible remettre en son entier sans l’aide des livres manuscrits. Car Gelenius, {a} qui l’a le dernier traduit, ne va qu’à tâtons, ne pouvant mieux faire, étant destitué de meilleur texte. Nous n’en avons que celui qui a été imprimé à Bâle ; et encore a-t-il été composé de deux divers exemplaires imparfaits, si que le premier finissait là où l’autre commençait. C’est merveille qu’il y a des fautes si évidentes et aisées à corriger, lesquelles toutefois l’ancien interprète Ruffin a retenues, et les retient comme n’étant point fautes. {b} De même en fait Eusèbe, {c} qui a les mêmes fautes que l’exemplaire imprimé à Bâle.

Or, Monsieur, encore que je sois fort importuné de plusieurs de mettre la main à cet excellent auteur, si est-ce que je ne le ferai point {d} si je ne suis secouru d’anciens exemplaires. J’ai vu qu’il y en avait quatre dans la Bibliothèque du roi, d’entre lesquels le plus beau avait été à feu mon père, qu’un certain maître des requêtes lui emporta, lequel mon père avait pansé {e} d’une grave maladie. Il lui rendit ce grand merci que de lui emporter son livre, sans lui dire adieu. Depuis lui mort à Paris, les beaux livres qu’il laissa furent mis en la librairie du roi.

Si donc quelqu’un avait conféré un exemplaire de Bâle sur ces quatre manuscrits, et nous aidait d’icelui, nous lui rendrons dans deux mois. Car j’y travaillerai si bien que je ne ferai autre chose que conférer le texte, pour après m’acheminer aux annotations et castigations. Que si personne ne l’a conféré, ou ne nous le veut communiquer, pour le moins, Monsieur, je vous supplie très humblement de faire regarder à quelqu’un dans les manuscrits si ce qui défault secundo in Apionem, pag. 942, {f} se trouve dans lesdits manuscrits. Car il y manque plus d’une page entière, laquelle se trouve en la version latine de Ruffinus. Je vous supplie très humblement de nous faire cette aumône, et vous nous obligerez beaucoup, et la postérité avec. Je ne vous en importunerai point davantage, ains prierai Dieu vous maintenir en sa garde.
De Leyde en Hollande, ce 2 août 1600.

Votre très humble et très obéissant serviteur,
Joseph de la Scala. »


  1. Sigismundus Gelenius (Zikmund Hruby z Jeleni, humaniste tchèque, 1497-1554) est l’éditeur des Flavii Josephi Opera quæ extant [Œuvres de Flavius Josèphe qui existent] (Bâle, Froben, 1534, in‑fo, pour la première de nombreuses rééditions).

  2. Rufin d’Aquilée (mort vers 411) a traduit de nombreux textes grecs en latin, dont les œuvres de Flavius Josèphe.

  3. Eusèbe Pamphile de Césarée (v. note [23], lettre 535) a souvent cité Josèphe dans ses chroniques. V. notes [2], lettre latine 116, pour l’Eusèbe de Scaliger paru à Leyde en 1606, et [23], lettre 535, pour sa réédition à Amsterdam en 1658.

  4. « il est certain que je ne le ferai pas ».

  5. Soigné.

  6. « au second livre contre Apion » ; In Apionem est un ouvrage en deux livres que Flavius Josèphe a écrit contre un polygraphe de son siècle qui contestait l’antiquité du peuple juif. Défault est l’ancienne manière de conjuguer défaillir (manquer) à la troisième personne de l’indicatif présent. La page indiquée se réfère à l’édition de Bâle citée dans la notule {a}.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 2 juin 1657, note 6.

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(Consulté le 25/04/2024)

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