À Christiaen Utenbogard, le 20 mars 1659, note 6.
Note [6]

Francisci Ulmi, Pictaviensis doctoris medici, de Liene libellus ad Jo. Memetellum consiliarum regium in suprema Curia Parisiensis.

[Opuscule de François Umeau, {a} docteur en médecine de Poitiers, sur la Rate ; dédié à Jean Méméteau, {b} conseiller au Parlement de Paris]. {c}


  1. François i Umeau (ou Humeau, 1530-1594) était le grand-père de François ii (v. note [10], lettre 560). Docteur en médecine de la Faculté de Poitiers, il en mourut doyen d’âge, après avoir pratiqué et professé toute sa vie dans cette ville. Il a aussi publié un Traité des signes, causes, préservation et guérison du pourpre (Poitiers, Bouchet frères, 1575, in‑12).

  2. Personnage sur lequel je n’ai rien trouvé d’autre que ce qu’en a écrit Umeau à la fin de son épître :

    Tantulum autem hunc laborem meum tibi defero (vir ornatissime) ut quoniam mihi iam inde a multo tempore quo te primum nosse contigit, pro ea qua soles litterarum cupidis omnibus et virtutis amantibus benevolentia et humanitate favisti, eidem quoque nunc faveas : et si qui sint qui illum arrodere tentent, illorum maledicentiam pro tua prudentia compescas. Tu semel captivum me et latronibus obsessum, ignotum etiam tunc (quæ tua est humanitas et in bonos viros pietas) iam olim fortiter liberasti : et nuper a perditissimi nebulonis calumniis, technis et sycophantiis liberaliter admodum vindicasti.

    [C’est à vous (très distingué Monsieur) que je dédie modestement le fruit de mon labeur car, depuis tout ce temps où j’ai eu le bonheur de faire votre connaissance, vous avez favorisé de votre bienveillance et de votre amabilité coutumières, comme vous faites encore aujourd’hui, tous ceux qui cultivent les lettres et qui aiment la vertu ; et s’il en vient qui tentent d’éroder la vôtre, votre sagesse coupe court à leurs médisances. Jadis, un jour que des larrons m’avaient tenu captif, vous m’avez libéré, mais sans que je sache alors vous le devoir (preuve de votre gentillesse et de votre respect envers les honnêtes gens) ; et voilà peu, vous m’avez fort généreusement défendu contre les calomnies, les fourberies et les impostures du plus indigne des fripons].

  3. Paris, Mamert Patisson, 1578, in‑8o.

Une copie manuscrite de ce traité forme l’article vi du ms BIU Santé no 2007 (fo 401 ro‑424 ro) :

Francisci
Ulmi, Pictaviensis do-
ctoris med.

de Liene libellus Lute-
tiæ excusus 1578.
Denuo editus e bibliotheca
Casp. Hofmanni.

Noribergæ.
m dc xliii.

[Opuscule sur la Rate de François Umeau, docteur en médecine natif du Poitou. Imprimé à Paris en 1578, de nouveau publié, tiré de la bibliothèque de Caspar Hofmann.

À Nuremberg, 1643
].

Cette transcription fidèle du libellus d’Umeau (en omettant son épître dédicatoire) est assortie de trois épigrammes : l’une au début, qui a été imprimée ailleurs, et les deux autres à la fin, qui sont inédites.

  1. Celle qui suit le titre (fo 401 vo) est accompagnée de sa traduction latine (Idem latine). Elle figure aussi en tête de l’édition originale du livre d’Umeau :

    Perplexos Medicos doctissimus Ulmus, ut illis
    Cœperat a cæca mente tumere lien,
    Aspexit, morbi purgavitque illius. Ergo
    Antiqua ut mentis febre levavit eos,
    Hippocratem divinum, intacta et laude Galenum,
    Atque Asclepiadum sæcla vetusta virum,
    Arte salutifera victor supereminet omnes.
    Omnes et medica præterit Ulmus ope.
    Namque aliorum illi sanandis artubus ægris
    Sunt Medici. His medicas attulit ipse manus

    Ios. Scaliger Ivl. Cæs. F.

    [Le très docte Umeau vit les médecins perplexes car la rate avait entrepris de leur obscurcir la pensée, et il les purgea de cette maladie. Vainqueur grâce à son art salutaire, il les a soulagés de leur ancienne fièvre d’esprit ; il les surpasse donc tous, sans avoir attenté à la gloire de l’Antiquité, celle du divin Hippocrate, de Galien et des Asclépiades. {a} Le génie médical d’Umeau le place au premier rang. Ses mains secourables ont guéri les médecins, à qui il incombe de soigner les parties malades de leurs semblables.

    Jos. Scaliger, fils de Jules-César]. {b}


    1. Fils d’Esculape, v. note [5], lettre 551.

    2. Iosephi Scaligeri Iul. Cæs. F. Poemata omnia [Poésies complètes de Joseph Scaliger, fils de Jules-César] (Leyde, 1615, v. note [6], lettre 261), Schedia encomiastica seu Encomia librorum [Improvisations encomiastes, ou Éloges de livres], In Fr. Vlmi Medici libellum De Liene [Du petit livre sur la rate du médecin Fr. Umeau] (xxv, pages 56‑57).

  2. Un poème grec, suivi de sa traduction latine (fo 423 vo), est signé Casp. Hofman, rei bene gestæ ergo [Caspar Hofmann, plaidant donc pour la bonne cause] :

    Splene laborantes Medicos præviderat Ulmus,
    Indigus ipse omnis prorsus opis Medicæ :
    Cum circumspiciens, furiata mente volutans
    Multa, Oratorum fors venit ad puteal,
    Queis non hippocrates, non inclutus arte galenus,
    Multo etiam minus est notus aristoteles,
    naturæ ignotum cœpit describere dogma,
    Quale olim prima nocte Sabinus habet.
    Hinc nec philosophum posthac, nec nomine præstat
    Se Medicum : vates sit sibi fortuitus
    .

    [Manquant de tout appui médical, Umeau avait présumé que les médecins souffraient de la rate. En examinant bien des choses et les faisant tourner dans son esprit égaré, le hasard le mena à la barre des orateurs, et sans guère être célèbre en son métier, il entreprit d’établir un dogme inconnu de la nature, comme fit Sabinus un beau soir, {a} mais en ignorant ce qu’ont étudié et hippocrate et galien, et plus encore aristote. Depuis lors, il ne peut se targuer du nom de philosophe ou de médecin : qu’il se dise donc devin de fortune]. {b}


    1. Sabinus ou Sabus, ancien roi légendaire d’Italie, a accédé au rang de divinité pour avoir inventé la culture de la vigne.

    2. Hofmann rudoyait sérieusement Umeau, dont il n’admettait pas la théorie comme il l’a développé dans son livre publié à Leyde en 1639 (v. infra). Ses vers paraphrasaient ironiquement ceux de Scaliger (v. supra).

  3. Le dernier est latin (fo 424 ro), intitulé In recusum libellum de Usu lienis Cl. Hofmanni, Leida, 1639 [Sur le traité de l’Utilité de la rate, du très distingué Hofmann, qu’on a réédité à Leyde en 1639]. Il et signé Joa.-Georg. Volcamerus, Med. Cand. [Johann Georg Volckamer, étudiant en médecine], élève d’Hofmann qu’on peut raisonnablement identifier comme le transcripteur de la copie insérée dans le ms BIU Santé no 2007 :

  4. Tricennali fuit stagiram et pergamon inter
    Dissidium, splenis quivis foret usus atri.
    stagiræ causam defendit turba bonorum,
    Auxilio constans entheo adrasteïas,
    pergameos ventosa tulit sed opinio fratres,
    Annorum longa prætumidos serie.
    Hei mihi, nil cani præscriptio Temporis obstat,
    Aetates veri gloria non numerat !
    Quin a principio est, primaque ab origine Mundi,
    Cum res hæ fierent verum erat, inque deo.

    Hinc adeo exsultat, niveo redivivus amictu
    Hic liber, et medium porrigit bis digitum !
    I nunc, Livor edax, urtica tempora cincte,
    hofmanni libris non eget Orbis, ia<m> !
    Sed cur nunc Ulmum profert in luminis oras ?
    Ut visum doctis denique persolvat
    .

    [Pendant trente ans, {a} il y a eu désaccord entre stagire et pergame {b} sur ce à quoi sert la noire rate. Une foule d’honnêtes gens défend la cause de stagire, ferme dans l’idée que c’est une adrastée vouée à assister la divinité ; mais une opinion frivole a dirigé les frères de pergame, qui s’en sont enflés pendant une longue suite d’années. {c} Hélas pour moi, rien ne fait obstacle à la prescription des tempes blanchies, mais la splendeur du vrai ne se mesure pas au nombre des ans ! Comment croire que ce qui existe initialement, et depuis la première origine du monde, quand les choses se créaient, ne serait pas vrai, et conforme à la volonté de dieu !

    Voilà pourquoi ce livre, ressorti de la neige qui l’enveloppait, réjouit tant, et te fait un double doigt d’honneur : {d} va-t’en vorace jalousie, ceins ton front d’une couronne d’orties, car désormais {e} le monde ne manque pas de livres de hofmann ! Mais pourquoi ressusciter maintenant Umeau ? Pour qu’il s’acquitte entièrement enfin envers les savants de ce qu’il a compris]. {f}


    1. Une annotation marginale rend compte de cette assertion : Ratione θ. de Us. lie. editarum 1613 [En me référant aux thèses sur l’utilité de la rate publiées en 1613].

    2. Aristote et Galien désignés par le nom de leur ville natale.

    3. Pour Aristote, la rate était un organe auxiliaire du foie, préparant le chyle qu’il utilisait pour fabriquer le sang (opinion que défendait Hofmann et qu’Umeau entendait faire évoluer) : dans le mythe, Adrastée reçut, avec sa sœur Ida, la charge d’élever Jupiter enfant (désignant ici le foie sustenté par la rate). Pour Galien et ses adeptes (frères de pensée), la rate purifiait le corps de l’atrabile, dont l’excès était néfaste.

    4. Littéralement « il pointe deux fois le médius » : la portée de cette obscènité (v. notule {a}, note [63] du Faux Patiniana II‑5) m’a échappé.

    5. J’ai interprété le ia du manuscrit comme un lapsus, pour iam.

    6. Volckamer (alors âgé de 23 ans) était plus indulgent que son maître envers Umeau. Son latin n’est pas de la meilleure eau : je n’ose garantir la fidélité absolue de ma traduction, mais j’ai fait de mon mieux pour éviter les contresens.

Ce manuscrit a un rapport indubitable avec le traité De Usu lienis, cerebri, et de Ichoribus [Sur l’Utilité de la rate et du cerveau, et sur les ichors] qu’Hofmann a publié à Leyde en 1639 (v. note [9], lettre 270) : ni les poèmes (avec leurs quelques bizarreries) ni l’opuscule d’Umeau n’y sont transcrits, mais Ulmus y est cité (et blâmé) page 17 :

Erasistratei quidam, ut autor est Gal. de Atrab. 7. emendare (credo) volentes stultitiam præceptoris, statuerunt, Lienem accipere omnem chylum, eumque pro hepate ruditer informare.

Hoc commentum paullo aliter pinxit superiori seculo Fr. Vlmus, Gallus, qui, edito super ea re tractatu singulari, probare voluit, Lienem in informando sanguine laborare, non quidem pro hepate, sed pro core. Cum enim in confesso sit, in corde fieri sanguinem arteriosum dictum ; et fieri quidem ex venoso : lubuit illi credere. Non ex hepate, sed ex Liene sursum ferri sanguinem venosum ad cor.

[Comme en atteste Galien au chapitre vii sur l’Atrabile, certains disciples d’Érasistrate, {a} qui voulaient (je crois) corriger la sottise de leur maître, ont déclaré que « La rate reçoit tout le chyle », et le prépare grossièrement pour le foie.

Au siècle dernier, l’auteur français Fr. Umeau a repris un peu différemment ce commentaire, dans le traité particulier qu’il a publié sur ce sujet, en voulant prouver que « La rate n’œuvre pas à élaborer le sang pour le foie, mais pour le cœur. » Bien qu’il le sous-entende, {b} il a pris la liberté de croire que le sang dit artériel est fabriqué dans le cœur, et donc à partir du sang veineux ; et que ce sang veineux est transporté vers le cœur depuis la rate]. {c}


  1. V. note [23], lettre 324, pour Érasistrate et son idée que la rate ne sert à rien. Le passage de Galien correspond dans Kühn, au volume 5, pages 131‑132.

  2. Umeau ne l’a pas « sous-entendu », mais déclaré très clairement aux pages 22 ro‑vo de son livre.

  3. Umeau s’était donc engagé dès 1578, non sans une certaine clairvoyance, dans la discussion sur la formation du sang à partir du chyle, que les découvertes de Jean Pecquet firent éclater au milieu du xviie s. (v. note [15], lettre 280).

    Hofmann a développé sa critique dans le chapitre xxiv, intitulé De libello de liene Franc. Vlmi, Pictaviensis Galli [L’opuscule sur la rate de François Umeau, Français du Poitou] (pages 161‑168). Il est probable qu’il souhaitait insérer dans son livre le libellus entier d’Umeau dont il avait fait préparer une copie par Volckamer ; mais il dut changer d’avis, ou se heurter au refus des imprimeurs (Franciscus Hegerus et Franciscus Hackius).

    V. note [2], lettre latine 121, pour les opinions d’André i Du Laurens et de Jean ii Riolan sur l’hypothèse d’Umeau.


V. notes [77] à [79] de l’annexe sur le ms BIU Santé no 2007 pour le commentaire, entaché d’inexactitudes, que Pierre Suë a donné des traités d’Umeau et d’Hofmann sur la rate. Ma supposition est que Guy Patin avait obtenu la copie de celui d’Umeau dans le lot de manuscrits d’Hofmann qu’il avait achetés, après sa mort, à sa veuve et à leur fille. Il s’agirait ainsi des reliques du projet avorté d’Hofmann.

Cette copie aurait aussi pu rappeler Volckamer au bon souvenir de Patin et être à l’origine de leur correspondance : ils s’étaient probablement rencontrés au début des années 1640 pendant un voyage de Volckamer en France ; la première lettre de notre édition que lui a écrite Patin est datée du 24 décembre 1649.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Christiaen Utenbogard, le 20 mars 1659, note 6.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1152&cln=6

(Consulté le 25/04/2024)

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