Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 7 manuscrit, note 60.
Note [60]

« […] Voyez la préface d’Érasme à More dans la Folie ; avec le commentaire de Listrius. »

  • V. infra notule {d} pour les points de suspension que j’ai mis entre crochets.

  • Gerardus Listrius (Gérard Listre, Gerard Lijster), natif de Rhenen dans la Province d’Utrecht, fut contemporain et disciple d’Érasme, mais sa biographie est mal connue. Le Borboniana se référait ici à son principal ouvrage :

    Des. Erasmi Rot. Moriæ Encomium. Cum G. Listrii comment. Epistolæ aliquot in fine additæ.

    [L’Éloge de la Folie de Désiré Érasme, natif de Rotterdam. Avec les commentaires de G. Listrius. Quelques lettres ont été ajoutées à la fin]. {a}


    1. Amsterdam, Guilielmus Blauw, 1629, in‑8o de 475 pages ; première édition en 1524, nombreuses rééditions, dont la très belle que Charles Patin a procurée en 1676, avec les dessins de Hans Holbein (v. note [32], lettre 146), et traductions en français, dont celle de Nicolas Gueudeville (Amsterdam, François L’Honoré, 1728, in‑8o de 234 pages).

  • La citation est extraite de la célèbre préface de ce livre, Erasmus Roterodamus Thomæ Moro suo S.D. [Érasme de Rotterdam salue son cher Thomas More] {a} (Amsterdam, 1629, pages 15‑16) :

    Quo magis admiror his temporibus aurium delicias, quæ nihil jam fere nisi solennes titulos ferre possunt. Porro nonnullos adeo præpostere religiosos videas ut vel gravissima in Christum convicia ferant citius, quam Pontificem aut Principem levissimo joc aspergi, præsertim si quid προς τα αλφιτα attinet. At etiam qui vitas hominum ita taxant ut neminem omnino perstringat nominatim, quæso utrum is mordere videtur, an docere potius, ac monere ? Alioqui quot obsecro nominibus ipse me taxo ? Præterea qui nullum hominum genus prætermittit, is nulli homini, vitiis omnibus, iratus videtur. Ergo si qui extiterit, qui sese clamabit, is aut conscientiam prodet suam, aut certe metum.

    Traduction de Gueudeville (1728, pages ** 4 vo‑** 5 ro), que j’ai agrémentée des sagaces commentaires philologiques de Listrius (1629) :

    « J’admire combien les oreilles sont délicates de nos jours : on ne veut que des titres flatteurs et magnifiques ; {b} on en voit {c} même qui ont un si grand travers de religion qu’ils supporteraient plutôt les plus horribles blasphèmes contre Jésus-Christ que de passer {d} la moindre raillerie contre le pape ou contre le prince, et surtout quand il y va de l’intérêt. {e} Mais je voudrais qu’on répondît à une question : celui qui critique le genre humain sans attaquer aucun particulier, dites-moi, je vous prie, peut-on, avec une ombre de justice, le nommer satirique ? N’est-il pas vrai, plutôt, que ce censeur ne fait que montrer le bon chemin ? Autrement, combien me satirisai-je moi-même ? {f} De plus, celui qui déclame généralement contre toutes les différentes conditions fait bien voir qu’il n’en veut point aux hommes, mais uniquement à leurs défauts. Si quelqu’un donc se trouve offensé dans ce badinage, s’il s’en plaint, qu’y gagnera-t-il ? Il fera voir qu’il est coupable, ou qu’il craint de passer pour tel. »


    1. V. supra note [16].

    2. Note de Listrius :

      Solennes titulos. Solennes vocat jam veluti consuetudines receptos, qua reges vocamus invictissimos et serenissimos, cardinales reverendissimos, pontifices sanctissimos, episcopos reverendos, abbates venerabiles, atque item de cæteris.

      [Solennes titulos. Il appelle titres « solennels » {i} ceux qu’on confère désormais par habitude, qui nous font dire les rois « parfaitement invincibles et sérénissimes », les cardinaux « révérendissimes », les papes « sanctissimes », les évêques « vénérables », les abbés « révérends », et ainsi de suite].

      1. Au sens premier de « coutumiers », ou « consacrés », ce que Gueudeville a improprement traduit par « flatteurs et magnifiques ».

    3. Note de Listrius :

      Videas. Υπαλλαγη aut ετερωσις : ponitur enim secunda persona pro quavis personna, et est modus potentialis.

      [Videas. Hypallage ou changement {i} car il emploie la deuxième personne pour s’adresser à tout lecteur, et le mode conditionnel]. {ii}

      1. « Figure par laquelle on paraît attribuer à certains mots d’une phrase ce qui appartient à d’autres mots de cette phrase, sans qu’il soit possible de se méprendre au sens » (Littré DLF).

      2. « Tu verrais » pour « on verrait » : Gueudeville a supprimé la nuance avec « on voit » (indicatif au lieu du conditionnel).

    4. Note de Listrius :

      Aspergi. Id est, leviter contaminari.

      [Aspergi. C’est-à-dire « être légèrement souillé »]. {i}

      1. Aspergi est l’infinitif passif du verbe aspergere, « asperger » : « être aspergé ». La traduction passe légitimement du mode passif au mode actif, mais le verbe « passer » (« se permettre ») choisi par Gueudeville en atténue sensiblement la force.

    5. Note de Listrius sur le latin et le grec cités par le Borboniana, pour dire « à ce qui regarde la farine » :

      Hoc loco verba Latina, quæ in limine marginali fuerant ascripta, nescio quis retulerat in contextum. Est autem dictum hoc apud Aristophanem in Nebulis : τι δε μ’ ωφελησουσ’ οι ρυθμοι προς τ’ αλφιτα ; id est, quid autem mihi proderunt numeri ad farinas ? Farina vivimus : unde quod ad cibum ac victum attinet, ad farinas pertinere dicitur ; quod vulgo dicunt pane lucrando.

      [Si quid προς τα αλφιτα. J’ignore qui a traduit ce passage en latin dans la marge, mais on lit ces mots dans Les Nuées d’Aristophane : Τι δε μ’ ωφελησουσ’ οι ρυθμοι προς τ’ αλφιτα, « Mais à quoi les vers me serviront-ils pour la farine ? » {i} Nous vivons de farine et, dit-on, ce qui touche à la nourriture et aux vivres a rapport avec les farines ; c’est ce qu’on appelle communément « gagner son pain »].

      1. Vers 648 des Nuées, à la question posée par le rustre et ignorant Strepsiade, « À quoi me serviront les rythmes poétiques pour la farine d’orge ? », Socrate répond : « D’abord à gagner ton pain. »

    6. Satiriser c’est « railler quelqu’un d’une manière piquante et satirique » (Académie, 1762) : audace de Gueudeville pour une interrogation d’Érasme qui se traduit plus fidèlement par « Du reste, au nom du ciel, ne me blâmé-je pas moi-même de tenir souvent de tels propos ? »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 7 manuscrit, note 60.

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(Consulté le 29/03/2024)

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