Annexe : Avis critiques sur les Lettres de Guy Patin : Voltaire, Sainte-Beuve, Nisard, Pic, Mondor, Jestaz, Capron, note 62.
Note [62]

  • Pierre Bayle (v. supra note [45]) a rédigé une critique des Lettres de Patin lors de leur première parution, dans les Nouvelles de la République des lettres (Amsterdam, Henry Desbordes, avril 1684, in‑12, pages 107‑117), avec une fin accidentellement tronquée par l’imprimeur, mais avec cette introduction, qui en dit, à mon avis, mieux et plus long que tout le reste. En voici l’essentiel, pour appendice au point final de mon analyse :

    « Quoiqu’on puisse dire avec raison qu’un auteur se peint dans ses livres, il est certain néanmoins qu’il s’y déguise, pour l’ordinaire, bien mieux qu’il ne s’y représente naïvement. J’avoue qu’il lui échappe certains traits qui peuvent faire juger de son caractère ; mais il se masque de telle sorte en cent autres lieux qu’on le prendra toujours pour ce qu’il n’est pas, si l’on juge de lui par ses ouvrages. Les lettres qu’il écrit par toute la terre ne sont pas exemptes de cette dissimulation : il est bien vrai qu’elles sont une plus fidèle image de son cœur et de son génie que les livres qu’il fait imprimer ; mais après tout, on n’écrit pas aux gens tout ce que l’on pense, on aurait trop de honte de se montrer à eux tel qu’on est, et trop peur de se faire des ennemis par son ingénuité. On écrit différemment selon les personnes avec qui on entretient commerce de lettres. […] En un mot, les lettres d’un homme ne sont pas de bons témoins de ses pensées. Mais il faut excepter de cette règle celles de M. Patin. Pour celles-là, on le garantit purgées d’hypocrisie. L’auteur s’y est peint au naturel, et c’est ce qui en rend la lecture plus agréable. {a} Il serait à souhaiter qu’on nous donnât de temps et temps de pareilles productions ; et on le ferait sans doute si on en trouvait, car les libraires ne demanderaient pas mieux que de rencontrer de cette sorte d’ouvrages ; mais tout le monde n’a pas l’esprit fait comme celui de M. Patin, tout le monde n’écrit pas, sans art ni préparation, d’une manière vive et agréable. Ainsi, on aime mieux lire ce que les gens se persuadent qu’il devraient penser que ce qu’ils pensent en effet. »


    1. Au fil du temps et de mes recherches j’ai ajouté de nombreux textes de Patin à sa correspondance : ces écrits médicaux divers et ces cinq copieux ana ne sont toujours pas parvenus à fixer mon jugement sur qui il était et ce qu’il croyait vraiment. De lui, on peut penser à peu près tout et son contraire. Le long débat contradictoire que j’ai eu en 2020 avec Gianluca Mori au sujet de son athéisme libertin en fournit un éloquent témoignage : v. note [38], lettre 477.

  • Le Grand Dictionnaire historique de Moréri (Paris, 1759, tome 8, page 119) a consacré trois articles aux Patin : à Guy, à Charles, et à ses deux filles, Gabrielle-Charlotte et Charlotte-Catherine. Voici ce qu’il écrit de Guy :

    « Quelque réputation qu’il se soit acquise par sa connaissance dans la médecine, elle est encore moindre que celle dont il est redevable aux lettres satiriques de sa façon que l’on a données au public. Patin les écrivait à ses amis, et il n’y donnait pas sans doute toute l’attention qu’il eût pu prendre, s’il eût prévu qu’elles dussent un jour être exposées au grand jour. Il ne les faut lire qu’avec défiance, sur la plupart des faits qui y sont rapportés, et y observer en passant le caractère de Guy Patin, lequel, outre le penchant qu’il avait à médire, n’avait pas des sentiments fort exacts sur la religion. […]

    Les querelles de l’antimoine, qui s’élevèrent de son temps dans la Faculté de médecine à Paris donnèrent de l’exercice à Patin, qui mourut l’an 1672. […]

    On dit que Patin avait dans le visage quelque air de ressemblance avec les médailles antiques qui nous restent de Cicéron. C’est M. Hagudfau, {a} avocat de Lyon, ami de Patin, qui a fait le premier cette découverte. Patin eut deux fils, Robert Patin, docteur en médecine et professeur royal, mort avant son père en 1671 ; {b} et Charles Patin, dont nous allons parler. On prétend qu’il avait été correcteur d’imprimerie. » {b}


    1. Corruption du nom de Jean Huguetan (v. note [21], lettre 72).

    2. Robert Patin mourut le 1er juin 1670 (et non 1671).

    3. V. deuxième notule {a}, note [11], lettre 57, pour les rares preuves de cette assertion.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Annexe : Avis critiques sur les Lettres de Guy Patin : Voltaire, Sainte-Beuve, Nisard, Pic, Mondor, Jestaz, Capron, note 62.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8037&cln=62

(Consulté le 29/03/2024)

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