Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2, note 67.
Note [67]

Érasme convenait lui-même de sa bâtardise (v. note [3], lettre 44). Celle de Jérôme Cardan n’est qu’alléguée (v. note [96] du Faux Patiniana II‑7), tout comme celle d’Antonius Campanus (Giovanni Antonio Campani ; Cavelli, Campanie 1429-Sienne 1477) : prélat humaniste et écrivain latin, il jouit d’un grand renom sous les papes Pie ii (1458-1464, v. note [3], lettre 344) et Paul ii (1464-1471, v. note [15] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii), puis tomba en disgrâce.

La toute première édition de ses œuvres complètes par Michael Fernus {a} (Rome, Eucharius Silber alias Franck, 1495) est dite in‑fo, mais son format n’est pas identifiable car ses pages n’ont ni numéros ni signatures. Elle ne porte pas le titre d’Opera omnia : la cloche (campana en latin) de son frontispice lui sert de signature. Elle est entourée par le sommaire complet qui se conclut sur cette épigramme qui fait parler ladite cloche :

Pulsabar solida et toti notissima mundo
Per cœlum et terras fama vagata mea est.
Turbida tempestas rupit me sola Tyferni
Nubila dum sonitu rumpere posse puto.
Me miseram fulul rapiebant frustra metalli
Et qui curaret reddere nemo fuit.
Sed me iterum Fernus vigili sudore Michael
Iam tandem fudit præ pietate meus.
sint gratiæ domino
.

[Solide, je sonnais et j’étais la plus célèbre du monde entier ; ma réputation s’est étendue par le ciel et par les terres. Une furieuse tempête m’a brisée quand je croyais mon tintement capable à lui seul de rompre les nuées du Tifernus. {b} Les écailles de métal qu’elles m’ont arrachées m’ont laissée misérable et ébréchée, {c} et nul n’a pris soin de me réparer. Mais voici qu’enfin mon cher Fernus, {a} m’a pieusement refondue par son inlassable labeur. Grâces soient rendues au Seigneur].


  1. La vie de Michael Fernus Mediolanensis (Michele Ferno, natif de Milan, vers 1465-1513), juriste et ecclésiastique érudit, est mal connue. Il doit l’essentiel de son renom à son édition des œuvres de Campanus.

  2. Tifernus est le nom antique d’une montagne du Samnium (sud des Apennins), aujourd’hui appelée les monts (ou massif) du Matese, dans la province de Bénévent, qui culminent à 2 000 mètres.

  3. Traduction libre et contextuelle où j’ai été dérouté par le mot fulul : je n’ai su lui trouver qu’une origine arabe, dérivée du verbe falla « ébrécher la lame d’un sabre ».


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 200‑204 :

« À peine y a-t-il un mot de vrai dans tout cet article de < Naudé sur > Campanus. Ces prétendues circonstances de sa naissance illégitime ne sont point rapportées par Michel Fernus qui a écrit sa vie. {a} Il nous apprend seulement que Campanus était né de parents fort pauvres, qu’il perdit son père n’ayant encore que trois ans, et que cette perte fut bientôt suivie de celle de sa mère. Ses parents < adoptifs >, que la pitié avait obligés de prendre soin de cet enfant, l’employèrent de bonne heure aux emplois les plus vils de la vie rustique ; mais, remarquant en lui une envie extraordinaire d’apprendre, ils crurent ne pas devoir laisser perdre cette heureuse inclination. Ils le firent entrer au service d’un prêtre de Galluzzo qui le prit en affection et qui, après lui avoir montré le peu de latin qu’il savait, l’envoya à Naples pour y achever ses études. {b} Campanus eut le bonheur de profiter en cette ville des leçons du célèbre Laurent Valle. {c} Après y avoir demeuré six ans, il passa à Pérouse où il enseigna la grammaire. S’y étant acquis l’amitié du cardinal de Pavie, ce prélat l’engagea à suivre et le fit entrer, en qualité d’intendant ou de majordome, chez le cardinal Saxoferrato. {d} Son mérite le fit bientôt connaître de Pie ii, qui lui donna l’évêché de Crotone, et le lui changea quelque temps après pour celui de Teramo dont les revenus étaient plus considérables. Paul ii, qui succéda à ce pape lui fit aussi quelques biens et l’envoya en Allemagne avec le cardinal de Sienne qui y allait en qualité de légat pour exhorter les princes de ce pays à s’unir contre les Turcs. {e} Nous avons parmi les œuvres de Campanus la harangue qu’il fit pour les y engager. Revenu en Italie, Sixte iv le chargea du gouvernement de Todi, puis de celui de Foligno, et enfin, de celui de Molise ; mais Campanus ayant écrit une lettre un peu forte à ce pape en faveur des habitants de cette dernière ville, qui y étaient menacés de guerre par les troupes de Sa Sainteté, il eut ordre de se retirer. Quelque soumission qu’il voulût faire, il ne put le fléchir. Il se retira à Naples auprès du roi Ferdinand qui le fit son secrétaire. {f} La jalousie que quelques seigneurs de cette cour conçurent contre lui ne lui permit pas d’y faire un long séjour. Il s’en vint à Florence où il fit encore parler au Saint Père en sa faveur, mais inutilement ; ce qui le porta à un tel désespoir, ut cum Turcis vivere præstare contenderet. Quo si quando se contulisset futurum ut reliquis mortalibus sensa adaperiret. Multorumque perfidiam, libidinem, Christianorumque nequitiam, quando id inter eos non posset, et pietas tanta immanitate plecteretur passa, et reliquæ posteritati cognita faceret. {g} Mais son âge et sa dignité l’empêchèrent d’exécuter ce dessein indigne de lui. Il resta quelque temps à Teramo, qu’il quitta pour s’en venir à Sienne qu’il avait toujours aimée, en mémoire de son cher patron Pie ii. Ce fut dans cette ville qu’il mourut en 1477, le 15 juillet, âgé de plus de 50 ans. Son historien ne fait point entendre qu’il soit mort du haut mal. {h} Ce que nous venons de dire de Campanus est tiré de sa vie qui se trouve parmi ses œuvres, que Michel Fernus de Milan recueillit et fit imprimer à ses dépens, à Rome en 1495, in‑fo. {a} Ce volume contient des traités de morale, des oraisons, des lettres, la vie de Pie ii, l’histoire d’André Braccius, grand capitaine de Pérouse, {i} et huit livres d’épigrammes, entre lesquelles il y en a qui se ressentent de la licence du siècle. » {j}


  1. Dans la seconde édition (moins belle que la première de 1495, « à la cloche », mais foliotée) des Omina Campani Opera [Œuvres complètes de Campanus] (Venise, Bernardinus Vercellensis, 1502, in‑8o, dont la page de titre fournit le sommaire détaillé), la Io. Ant. Campani viri illustris Poetæ et oratoris clarissimi, per Michaelem Fernum Mediolanen. Vita [Vie de Giovanni Antonio Campani, homme illustre pour sa vertu, très brillant poète et orateur, par Michel Ferno, Milanais (v. première notule {a} supra)] y occupe les pages viiixvi.

  2. En latin, Campanus signifie originaire de Campanie. Galluzzo est le nom d’un château proche de Capoue.

    Peut-être Gabriel Naudé avait-il recueilli d’autres détails auprès des nombreux lettrés avec qui il avait conversé pendant son long séjour en Italie. Au moins son article mène-t-il à s’interroger sur le lien possible entre « naître dans les choux » et ne pas connaître ses parents.

    Se fondant sur les Éloges de Paul Jove et sur la Biblioteca Napoletana de Nicolo Toppi (Naples, 1678, v. notule {b}, note [68] du Naudæana 1), Bayle commence ainsi son article sur Campanus :

    « l’un des plus doctes prélats qui fussent en Italie au xve siècle, était fils d’une paysanne qui, se trouvant surprise du mal d’enfant tandis qu’elle travaillait à la campagne, accoucha de lui sous un laurier proche de Capoue. Il fut destiné à la garde des brebis ; mais comme il fit paraître beaucoup de génie, on le mit valet chez un curé de village qui lui enseigna un peu de latin. D’autres disent qu’il ne fut valet que du marguillier. »

  3. Lorenzo Valla (Laurentius Vallensis, Rome vers 1405-ibid. 1457), philosophe, philologue et littérateur humaniste.

  4. Le cardinal de Pavie était Giacomo Ammannati-Piccolomini (dit Jacopo di Pavia, 1422-1479), nommé en 1461 ; et le cardinal Sassoferrato était Alessandro Oliva (Sassoferrato, Marches 1407-1463), nommé en 1460.

  5. Crotone est en Calabre et Teramo, dans les Abruzzes. Le cardinal de Sienne était Francesco Todeschini-Piccolomini (Sienne 1439-Rome 1503), nommé en 1460, élu pape en 1503 sous le nom de Pie iii.

  6. V. supra note [39] pour le pape Sixte iv (1471-1484). Todi et Foligno (Fulginia dans la Vita Campani, incorrectement transcrit en Foliano par Lancelot) sont en Ombrie, et Molise est une ville des Abruzzes. Ferdinand ier d’Aragon (1423-1494) a été roi de Naples de 1458 à sa mort.

  7. Fo xii ro‑vo de la Vita Campani, où j’ai restauré la ponctuation originelle, moins ambiguë que celle de Vitry :

    « qu’il affirma préférer vivre chez les Turcs. Une fois qu’il s’y serait rendu, il découvrirait ses sentiments au reste des mortels : et la perfidie, et la perversité, et la débauche de nombreux chrétiens, quand cela ne pourrait exister chez eux ; et il ferait à tout jamais connaître combien sa piété a souffert d’avoir été châtiée avec tant de barbarie. »

  8. Épilepsie.

  9. Andrea Fortebracci, dit Braccio da Montone (Pérouse 1368-L’Aquila 1424), fut un fameux condottiere italien. Les De vita et gestis Brachii libri vi [Six livres sur la vie et les actions de Braccio] sont aux fos i rolvii ro des Opera omnia de Campanus (Rome, 1502), avec une pagination séparée.

  10. Les huit livres d’épigrammes latines de Campanus occupent la fin de ses Opera omnia, avec eux aussi une pagination séparée (fos i roxxvi vo).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2, note 67.

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(Consulté le 28/03/2024)

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