À Charles Spon, le 24 mai 1650, note 7.
Note [7]

Guy Patin venait sans doute de lire l’extraordinaire de la Gazette daté du 10 mai 1650 (no 68, pages 605‑610), relatant Le Combat naval donné aux mers du Levant entre l’amiral de France et cinq vaisseaux espagnols.

Le 13 avril, escortant à bord du navire amiral, La Reine (mille tonneaux, 600 hommes d’équipage, 52 pièces de canon), un convoi pour ravitailler Porto Longone (île d’Elbe, vinfra note [48]) assiégée par les Espagnols, le chevalier Paul avait rencontré cinq vaisseaux ennemis qui engagèrent le combat contre lui sans parvenir à l’arraisonner malgré leur supériorité numérique ; pages 608‑609 :

« Et pour ce que la nuit du 13 au 14e finit l’action, afin qu’ils {a} ne doutassent point de la victoire entière que ce chevalier avait remportée sur eux, au lieu que la coutume de la mer est d’ôter aux ennemis la connaissance de la route que l’on veut prendre en éteignant les fanaux, il les redoubla sur son vaisseau afin qu’ils ne pussent s’excuser que sur leur lâcheté ou sur la juste appréhension d’un pareil traitement à celui qu’ils venaient de recevoir s’ils ne continuaient leur combat ; mais les ennemis ayant trouvé si mal leur compte, lui laissèrent continuer sa route et lui donnèrent temps de faire entrer le lendemain 14e à Porto Longone le secours d’hommes, de vivres et de munitions qu’il y avait mené. […] Environ le même temps, le sieur d’Alméras, capitaine d’un des vaisseaux du roi dit Le Dragon, du port de 600 tonneaux, en a pris un autre de la flotte d’Espagne, chargé de munitions pour l’armée navale qui doit aller assiéger la même place de Porto Longone ; sur lequel navire était le trésorier et le contrôleur général de ladite armée avec des dépêches très importantes de la cour de Madrid à Don Juan d’Autriche ; ce qui n’avancera pas la sortie de cette armée et n’aidera pas beaucoup à faire réussir leurs ordres éventés par l’interception de ces lettres. »


  1. Les Espagnols.

La plus grande figure de la Marine royale du xviie s., le chevalier Paul (ou Pol, Jean-Paul de Saumur, Marseille 1597-Toulon 20 décembre 1667) était le fils naturel d’une lavandière qui le mit au monde sur un bateau faisant le trajet de Marseille au château d’If. Il tenait son nom de son parrain (et probable père), Paul Fortia de Pilles, gouverneur de cette île fortifiée. D’autres recherches l’ont dit fils légitime d’un bourgeois catholique dauphinois, Elzias Samuel. À neuf ans, poussé par le goût des aventures, Paul s’était glissé dans un navire en partance ; le capitaine s’était aperçu en pleine mer de sa présence et avait dû le garder. Après avoir navigué pendant plusieurs années, il s’était engagé comme matelot sur une galère de l’Ordre de Malte. Ayant tué en duel un de ses supérieurs, il avait été condamné à mort ; mais la rare intrépidité dont il avait fait preuve en toute occasion lui valut sa grâce, et bientôt il devint capitaine d’un brigantin. Avec ce navire, Paul avait fait la chasse aux galères turques dont il devint la terreur, et il amena à Malte des prises si nombreuses que le grand maître de l’Ordre le nomma frère servant d’armes et chevalier de grâce. Sa renommée était parvenue jusqu’au cardinal de Richelieu qui l’avait appelé en France et nommé capitaine de vaisseau. Par la suite, il était devenu chef d’escadre (1647), lieutenant général et vice-amiral. En avril 1647, il avait combattu pendant cinq jours de suite, avec des forces de beaucoup inférieures, contre une flotte espagnole qu’il eût anéantie si elle n’avait reçu tout à coup six vaisseaux de renfort. Le chevalier avait été anobli en 1649 sous le nom de Jean-Paul de Saumur (Saumeur ou Semeur). En cette année 1650, avec deux vaisseaux, il remportait une victoire complète au large du Cap Corse sur cinq vaisseaux de guerre espagnols. Le grand maître de l’Ordre de Malte l’ayant nommé chevalier de justice en 1651, il lui fit présent d’un navire armé estimé à 400 000 livres. En 1663, le chevalier détruisit un grand nombre de corsaires et fit une campagne aux côtés du duc de Beaufort. Il ne rentra à Toulon qu’en 1667 et reçut alors le commandement général de la marine de cette ville. Il mourut la même année, laissant un nom redouté des ennemis de la France et béni des innombrables chrétiens qui lui devaient leur liberté. Pour parachever sa noble vie d’aventures, le chevalier Paul laissa par son testament tout son bien aux pauvres. (G.D.U. xixe s.).

Guillaume d’Alméras, marquis de Mirevaux, fils d’un conseiller à la Cour des aides de Montpellier, « capitaine entretenu dans la marine » en 1640, avait servi sous les ordres de l’amiral-duc de Brézé. Nommé capitaine de vaisseau en 1645, il avait combattu sur les côtes de Toscane (1646) puis de Naples (1647). En 1650, par brevet du duc de Vendôme il devint chef d’escadre, mais les troubles de la Fronde le ramenèrent sur terre où il combattit comme mestre de camp d’un régiment de cavalerie. Il rejoignit la marine en 1660 pour y reprendre son grade et ses fonctions. Bien que suspect d’avoir été une des créatures de Fouquet, Louis xiv le nomma lieutenant général des armées navales en 1673 (Dictionnaire de biographie française, 1933). Comme l’amiral hollandais Michiel Ruyter (v. note [1], lettre 876), Alméras périt lors du combat naval d’Agosta (près de Syracuse en Sicile), le 22 avril 1676.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 24 mai 1650, note 7.

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(Consulté le 28/03/2024)

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