À Claude II Belin, le 31 janvier 1651, note 7.
Note [7]

« mais froidement. »

Deux événements politiques marquèrent l’union des deux Frondes, celle du Parlement et celle des princes : le ralliement ouvert de Gaston d’Orléans aux frondeurs (30 janvier), et le vote du Parlement (4 février, par 140 voix contre 47) pour la libération des princes et l’éloignement de Mazarin.

Le cardinal quitta Paris dans la nuit du 6 au 7 février (La Rochefoucauld, Mémoires, pages 183‑184). :

« Il se représentait sans cesse qu’étant au milieu de Paris, il devait tout appréhender de la fureur d’un peuple qui avait osé prendre les armes pour empêcher la sortie du roi. […] Il sortit le soir de Paris à cheval sans trouver d’obstacle et suivi de quelques-uns des siens, il s’en alla à Saint-Germain. Cette retraite n’adoucit point les esprits des Parisiens ni du Parlement. On craignait même qu’il ne fût allé au Havre pour enlever les princes et que la reine n’eût dessein en même temps d’emmener le roi autour de Paris. Cette pensée fit prendre de nouvelles précautions. On redoubla toutes les gardes des portes et des rues proches du Palais-Royal, et il y eut encore toutes les nuits non seulement des partis de cavalerie pour s’opposer à la sortie du roi, mais un soir {a} que la reine avait effectivement dessein de l’emmener, un des principaux officiers de la Maison en donna avis à M. le duc d’Orléans qui envoya Des Ouches à l’heure même supplier la reine de ne persister pas davantage dans un dessein si périlleux et que tout le monde était résolu d’empêcher ; mais quelque protestation que la reine pût faire, on n’y voulut ajouter aucune foi. Il fallut que Des Ouches visitât le Palais-Royal pour voir si les choses paraissaient disposées à une sortie et qu’il entrât même dans la chambre du roi afin de pouvoir rapporter qu’il l’avait vu couché dans son lit. »


  1. 9 février.

S’engagèrent ensuite les démarches qui menèrent à la libération des princes (ibid. pages 184‑186) :

« Les affaires étant en ces termes, le Parlement de son côté donnait tous les jours des arrêts et faisait de nouvelles instances à la reine pour la liberté des princes ; mais les réponses qu’elle faisait étaient toujours ambiguës et aigrissaient les esprits au lieu de les apaiser. Elle avait cru éblouir le monde en envoyant le maréchal de Gramont au Havre amuser Messieurs les princes d’une fausse négociation, et lui-même l’avait été des belles apparences de ce voyage ; mais comme il ne devait rien produire pour leur liberté, on connut bientôt que tout ce que la reine avait fait jusqu’alors n’était que pour gagner du temps. Enfin, se voyant pressée de toutes parts et ne sachant pas encore certainement si le cardinal prendrait le parti de délivrer les princes ou de les emmener avec lui, elle résolut de promettre solennellement au Parlement la liberté des princes sans plus différer ; et le duc de La Rochefoucauld fut choisi pour aller porter au Havre au sieur de Bar, qui les gardait, cet ordre si positif et qui détruisait tous ceux qu’il aurait pu recevoir au contraire. MM. de La Vrillière, secrétaire d’État, et Comminges, capitaine des gardes de la reine, eurent charge de l’accompagner pour rendre la chose plus solennelle et laisser moins de lieu de douter de la sincérité de la reine. Mais tant de belles apparences n’éblouirent pas le duc de La Rochefoucauld : il dit en partant à M. le duc d’Orléans que la sûreté de tant d’écrits et de tant de paroles si solennellement données dépendait du soin qu’on apporterait à garder le Palais-Royal, et que la reine se croirait dégagée de tout du moment qu’elle serait hors de Paris. En effet, on a su depuis qu’elle envoya en diligence donner avis de ce voyage au cardinal qui était près d’arriver au Havre, et lui dire que, sans avoir égard à ses promesses et à l’écrit signé du roi, d’elle et des secrétaires d’État, dont le duc de La Rochefoucauld et M. de La Vrillière étaient chargés, il pouvait disposer à son gré de la destinée des princes pendant qu’elle chercherait toutes sortes de voies pour tirer le roi hors de Paris. Cet avis ne fit pas changer de dessein au cardinal, il résolut au contraire de voir lui-même M. le Prince et de lui parler en présence de M. le prince de Conti, du duc de Longueville et du maréchal de Gramont. Il commença d’abord à justifier sa conduite sur les choses générales. Il lui dit ensuite, sans paraître embarrassé et avec assez de fierté, les divers sujets qu’il avait eus de se plaindre de lui et les raisons qui l’avaient porté à le faire arrêter. Il lui demanda néanmoins son amitié, mais il l’assura en même temps qu’il était libre de la lui accorder ou de la lui refuser, et que le parti qu’il prendrait n’empêcherait pas qu’il ne pût sortir du Havre à l’heure même pour aller où il lui plairait. Apparemment, M. le Prince fut facile à promettre ce qu’on désirait de lui. Ils dînèrent ensemble avec toutes les démonstrations d’une grande réconciliation et incontinent après, le cardinal prit congé de lui et le vit monter en carrosse avec M. le prince de Conti, le duc de Longueville et le maréchal de Gramont. Ils vinrent coucher à trois lieues du Havre, dans une maison nommée Grosmesnil, sur le chemin de Rouen, où le duc de La Rochefoucauld, M. de La Vrillière, Comminges et le président Viole arrivèrent presque en même temps et furent témoins des premiers moments de leur joie. Ils recouvrèrent ainsi leur liberté 13 mois après l’avoir perdue. M. le Prince supporta cette disgrâce avec beaucoup de résolution et de constance, et ne perdit aucune occasion de faire cesser son malheur. Il fut abandonné de plusieurs de ses amis, mais on peut dire avec vérité que nul autre n’en a jamais trouvé de plus fermes et de plus fidèles que ceux qui lui restèrent. Jamais personne de sa qualité n’a été accusée de moindres crimes, ni arrêtée avec moins de sujet ; mais sa naissance, son mérite et son innocence même, qui devaient avec justice empêcher sa prison, étaient de grands sujets de la faire durer si la crainte et l’irrésolution du cardinal, et tout ce qui s’éleva en même temps contre lui ne lui eussent fait prendre de fausses mesures dans le commencement et dans la fin de cette affaire. »

Le 16 février les princes rentraient triomphalement à Paris tandis que Mazarin s’enfuyait à Brühl, pour un exil d’une année.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 31 janvier 1651, note 7.

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(Consulté le 24/04/2024)

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