À André Falconet, le 24 octobre 1662, note 7.
Note [7]

Hannibal Sehested (Arensbourg, Estonie 1609-Paris 1666, v. note [3], lettre latine 407), homme d’État danois et comte français, a assuré deux ambassades à Paris, l’une officielle en 1662-1663 et l’autre officieuse en 1666. Guy Patin était son médecin à Paris, il a souvent parlé de lui dans ses correspondances danoises.

Les Portraits historiques des hommes illustres du Danemark, remarquables par leur mérite, leurs charges et leur noblesse, avec leurs tables généalogiques. Première partie de Tycho de Hofman (sans lieu ni nom d’imprimeur, 1746, in‑4o, pages 39‑56) fournissent des détails sur sa vie et sur son ambassade française.

  • « Le roi Chrétien iv lui conféra la dignité de gentilhomme de sa Chambre ; et comme il avait toutes les qualités qui pouvaient lui gagner l’affection de Sa Majesté qui, ayant remarqué en lui un esprit transcendant, le regarda comme un sujet qui ferait honneur à sa nation (ses talents et sa ferveur en étaient de bons garants) et le roi l’employa aussi dans la suite en bien des affaires importantes. Par exemple, dans le procès de l’année 1632 avec la fameuse Christine Munk, {a} le roi eut tant de confiance en lui, que Sa Majesté le choisit pour son avocat, quoiqu’il fût promis à une fille de cette dame. {b} Sa confiance était si grande que, malgré cette considération il prit la défense du roi avec tant d’éloquence que tous les auditeurs en furent étonnés et l’écoutèrent avec admiration. Il avait pour antagoniste le fameux Corfitz Ulfeldt. {c} Ils furent si animés l’un contre l’autre qu’au sortir de la justice, Ulfeldt attaqua Sehested l’épée à la main. L’autre se mit en défense et la vivacité de cette conversation, dont Ulfeldt faisait tous les frais, rassembla une foule curieuse de voir ces deux seigneurs de près. Comme tout cela se passa dans la rue devant la porte de la Maison-de-ville, l’endroit était assez commode pour y amasser bien du monde. Ulfeldt, extrêmement piqué et croyant pouvoir profiter d’une occasion qui ne se rencontrerait peut-être jamais, continuait d’attaquer l’autre avec toute la force que son habileté lui fournissait, et avec un feu qui surabondait en lui naturellement. Sehested répondant à ses attaques avec adresse, modérant ses passions et faisant < en sorte > que le nombre des spectateurs ne se multipliât, alléguait à l’autre des raisons d’autant plus pressantes qu’elles étaient l’expression de la vérité. Mais les hommes l’entendent-ils quand elle ne leur plaît pas ? Ulfeldt fut blessé ; et l’autre voyant bien bien qu’il ne fallait pas le retenir plus longtemps, se retira, priant Ulfeldt de lui permettre de le voir dans un endroit plus commode, où il espérait lui rendre justice. Le roi qui voyait le vacarme et la brouillerie que causait cette affaire tâcha de réconcilier ces deux sujets. Et comme ils s’étaient signalés également envers Sa Majesté, elle voulait aussi garder l’égalité qu’elle avait commencé d’observer à leurs fortunes, et envoya Sehested avec des commissions à plusieurs cours. »


    1. En 1615, Kristen ou Christina Munck (1598-1658), comtesse de Schleswig-Holstein (en 1627), était devenue la seconde épouse du roi Christian iv (qui régna de 1588 à 1648, v. note [16], lettre 61) et avait donné naissance à 12 enfants, dont tous n’avaient pas eu le roi pour père. Les adultères de Kristen indignèrent le roi qui la menaça d’un procès en divorce et l’exila en 1629.

    2. En 1642, Hanibal Sehested épousa Christiane de Schleswig-Holstein (v. note [6], lettre latine 233).

    3. V. note [11], lettre 263.

  • « Il alla au mois de juillet 1661 en Norvège avec Son Altesse Royale le prince Chrétien, {a} […] pour faire prêter serment de fidélité dans ce royaume. Il accompagna ensuite le même prince en Hollande, d’où le roi l’envoya comme ambassadeur extraordinaire en Angleterre. Là ayant traité d’affaires qui concernaient ce pays et la Hollande, il se trouva heureusement médiateur. Il en partit ensuite pour France en qualité d’ambassadeur extraordinaire, avec une suite de cent personnes ; et après s’être arrêté à St. Denis 17 jours pour y faire les préparatifs de son entrée dans Paris, fixée au 9 octobre, les maréchaux d’Étampes et de Berlixe {b} le complimentèrent à Rambouillet, et il reçut tous les honneurs qu’on rend à cette cour polie aux personnes revêtues de son caractère. La cérémonie d’entrée fut terminée à l’hôtel des ambassadeurs extraordinaires, où il fut défrayé {c} trois jours. Il reçut ensuite des compliments de la part de la Maison royale, et la visite des premiers seigneurs. Il fut ensuite introduit auprès de Sa Majesté, {d} où ayant été reçu avec tous les honneurs ordinaires, j’ose dire même extraordinaires, il fit de la part de son Maître à Sa Majesté très-chrétienne des remerciements de sa médiation dans la paix conclue avec la Suède, le félicita sur la paix que le roi venait de faire avec l’Espagne, et le complimenta sur son mariage et sur la naissance du Dauphin. {e} Il fut ensuite conduit chez la reine et chez la famille royale. Sa Majesté le chargea de négocier avec MM. de Brienne, Le Tellier, de Lionne et de Colbert un traité de commerce et de navigation, avec une alliance et confédération. Il fit aussi un traité avec la France qui s’engagea à fournir au roi de Danemark des secours d’hommes ou d’argent. Il eut l’honneur de voir Son Altesse Royale le prince Christian v qui l’invita à prendre logement dans son hôtel à Paris, où tous les princes du sang lui firent visite. Après que Sehested eut fait un voyage en Hollande pour quelques affaires intéressantes, il revint en France où il conclut encore à Paris un traité de commerce et de navigation le 14 février, et un autre le 3 août 1663, avec confirmation de celui que M. de La Thuillerie, ambassadeur de France en Danemark y avait fait en 1645. Outre qu’il était fort estimé pour sa capacité à négocier, il était encore aimé pour ses manières nobles, son esprit et sa bonne mine. Il avait un certain air supérieur qui gagnait le cœur de tous ceux avec qui il avait affaire. Il était magnifique, libéral, galant auprès des dames, ce qui convenait bien à une cour galante. Enfin, rien ne peut mieux faire connaître avec quel honneur il fit son ambassade que les lettres patentes par lesquelles Louis xiv le fit comte. {f} […]
    À la fin de cette année, {g} le comte retourna en Angleterre où, trois jours après son arrivée, il conféra avec Sa Majesté Britannique sur quelques affaires de la dernière conséquence ; et il se rendit ensuite en Danemark. »


    1. Le futur roi du Danemark Christian v (v. note [13], lettre 748) .

    2. V. note [30], lettre 255, pour le maréchal d’Étampes, Jacques de La Ferté-Imbault. Je n’ai pas identifié le maréchal de Berlixe.

    3. Reçu et traité aux frais de la Couronne de France.

    4. Louis xiv lui accorda cette première audience le 12 octobre (Levantal).

    5. Traité de Copenhague (5 juin 1660, v. note [14], lettre 615), paix des Pyrénées (7 novembre 1659, v. note [17], lettre 573), mariage de Louis xiv (7 juin 1660, v. note [20], lettre 603) et naissance du dauphin Louis (1er novembre 1661, v. note [12], lettre 715).

    6. Suit la transcription des Lettres patentes données par Louis xiv au Sieur Hannibal de Sehested, ambassadeur extraordinaire du roi de Danemark à la cour de France, de décorer ses armoiries d’un chef d’azur à trois fleurs de lis d’or posées en face, et de porter le nom et titre de comte. Données à Paris au mois d’avril l’an 1663.

    7. 1663.

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 24 octobre 1662, note 7.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0735&cln=7

(Consulté le 19/03/2024)

Licence Creative Commons