Louis Voisin, était le troisième fils de Daniel i, frère de Charles et de Daniel ii (v. note [17], lettre 604) (Popoff, no 2498). Longtemps redoutable prédicateur jésuite, il s’était défroqué sur la fin de sa vie.
Théophile de Viau (Clairac 1590-Paris 1626), archétype de l’épicurien et du libertin de l’époque dite baroque, eut une vie tourmentée. Jugé licencieux, son Parnasse satirique déclencha les foudres de l’Église et lui valut d’être brûlé en effigie en 1623. Ami de Guez de Balzac et amant de Jacques iii Vallée des Barreaux (v. note [13], lettre 868), il termina sa vie à Chantilly sous la protection du duc de Montmorency.
Parmi une multitude d’autres, il fut l’auteur de deux vers (Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé, 1621) qu’Edmond Rostand a rendus célèbres par son Cyrano de Bergerac (Tirade des nez, acte 1, scène 4) :
« Ah ! voici le poignard qui du sang de son maître
S’est souillé lâchement. Il en rougit, le traître ! »
Sa riche et sulfureuse production poétique faisait, comme on le voit ici, l’un des délices libertins de Charles Spon et de Guy Patin. L’Apologie au roi (Paris, sans nom, 1626, in‑8o ; reprise dans les nombreuses éditions des œuvres complètes) est un texte en prose écrit pendant la longue incarcération de Théophile, victime du scandale que son Parnasse satirique avait provoqué ; il y réfute les calomnies qui l’ont fait condamner :
« Ce qui a longtemps entretenu ces bruits infâmes dont on a déguisé ma réputation n’est autre chose qu’une grande facilité que mes ennemis ont trouvée à me persécuter. Le peu de nom que les lettres m’ont acquis et le peu de rang que ma condition me donne dans la fortune ont exposé mon esprit et mon honneur sans défense au pouvoir insolent de ceux qui l’ont attaqué. Mon impuissance leur a continué cette impunité et poussé leur hardiesse si avant que, perdant le respect de l’Église et profanant la chair de vérité, ils en ont fait un théâtre de diffamation. On a vu mes accusateurs en leurs sermons faire de longues digressions et quitter la prédication de l’Évangile pour prêcher au peuple leurs méditations frénétiques, et par des injures d’athée, d’impie et d’abominable, imprimer dans l’âme de leurs auditeurs l’aigreur et l’animosité particulières qu’ils avaient contre moi. »
Spécifiquement, on lit plus loin au sujet du P. Voisin :
« Un homme qui fait profession de religieux, et qui a fait le dernier vœu, s’avisa de corriger votre clémence et n’étant hardi que de ma timidité, s’aventura de me tendre les pièges dont il se trouve encore enveloppé. Il avait à sa dévotion un lieutenant du prévôt de la connétablerie nommé Le Blanc, son confident particulier ; celui-là prit un tel soin de lui rendre cette complaisance et se trouva si puissant dans cette commission qu’une place qui peut soutenir des sièges royaux se trouva faible pour ma protection. Ce religieux qui disposa si absolument de cet officier de justice et qui trouva le gouverneur de votre citadelle si facile, c’est, Sire, le Père Voisin, jésuite qui, par une fantaisie déréglée et par un caprice très scandaleux, s’est jeté dans la vengeance d’un tort qu’il n’a point reçu et s’est forgé des sujets d’offense pour avoir prétexte de me haïr. Je dirais à Votre Majesté les secrètes maladies de cet esprit si ce n’était une incivilité criminelle que de vous entretenir : cet homme-là, égaré de son sens, très ignorant du mien, a fait glisser dans des âmes faibles une fausse opinion de mes mœurs et de ma conscience ; et prostituant l’autorité de sa robe à l’extravagance de sa passion, il a fait éclat de toutes ses infâmes accusations, dont il fait aujourd’hui pénitence. Il a pénétré tous les lieux de ses connaissances et des miennes pour y répandre la mauvaise odeur qui avait rendu ma réputation si odieuse. Il a suborné le zèle d’un père étourdi qui a vomi tout un volume pour décharger la bile de son compagnon : c’est l’auteur de la Doctrine curieuse {a} et de quelques autres livres outrageux, à qui ma seule disgrâce semble avoir donné des privilèges et dont les crimes n’ont trouvé de l’impunité qu’en la faveur de cette animosité publique qui autorise tout ce qui peut injurier. »
- De François Garasse (Paris, 1624, v. note [1], lettre 58).
L’Apologie se termine par ces phrases :
« Je laisserai cependant mes ennemis sans réplique et ne tâcherai point, par ma vengeance, ni d’empêcher, ni d’irriter l’humeur ou le plaisir qu’ils ont à médire de moi. Si leur fureur leur fait faire des injustices, je ne veux point faillir à leur exemple. J’ai l’esprit froid à la médisance, je n’aime point les affronts, c’est pourquoi je n’en fais point. S’ils ont fait des méchants livres, qu’ils les défassent eux-mêmes. Leurs folies m’apprennent d’être sage. Et pour les assurer que je ne prendrai jamais la peine de leur en faire, je leur promets de ne commencer jamais à les reprendre qu’après que j’aurai assez loué Votre Majesté. »
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