Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 1, note 72.
Note [72]

La Cyclopædia Anticlaudiani seu de Officio viri boni, Heroico carmine conscripti [Cyclopédie anticlaudienne, ou neuf livres sur le devoir de l’honnête homme, écrits en forme de poème héroïque] (Anvers, Joach. Trognæsius, 1611, in‑8o) est un ouvrage que les historiens attribuent au moine cistercien (v. note [23], lettre 992) Alain de Lille (ou de L’Isle, Alanus ab Insulis), savant théologien et philosophe du xiie s. La Cyclopædia est considérée comme une paraphrase critique du poème politique de Claudien (v. note [10], lettre 138, In Rufinum libri ii [Deux livres d’invectives contre Rufin (v. note [6], lettre 23)]. Sa Præfatio auctoris [Préface de l’auteur], sans signature ni allusion à Claudien ou à Rufin, annonce un ouvrage de morale de quatuor artificibus, Deo, Natura Fortuna, Vitio [sur les quatre artisans, Dieu, la Nature, la Fortune, le Vice].

Comme certains autres critiques, Gabriel Naudé pensait que ce livre n’était pas d’Alain de Lille, mais qu’on l’avait confondu avec un de ses contemporains, Alan, abbé de Tewkesbury, qui avait aussi écrit une vie de Thomas Becket, saint archevêque de Canterbury, mort en 1170.

Le manuscrit « sur la Plainte de la nature, contre les sodomites » a été publié pour la première fois en langue moderne sous le titre de The Complaint of nature by Alain de Lille, translated from the latin by Douglas M. Moffat [La Plainte de la nature d’Alain de Lille, traduit du latin par Douglas M. Moffat] (New York, Henry Holt and Company, 1908) ; le texte latin est disponible en ligne dans la Latin Library. L’auteur s’y attaque habilement, en vers et en prose, aux vices humains, incluant « l’extension généralisée de l’homosexualité, thème traité dans un jeu étourdissant de figures grammaticales », selon Françoise Hudry, dans la présentation de sa traduction française (Paris, Les Belles Lettres, 2013).

Tout au long du Naudæana planent l’ambiguïté et les sous-entendus sur le lien entre célibat des laïcs et homosexualité masculine (v. supra note [23]) : le libertinage d’esprit n’allait pas jusqu’à écrire ouvertement sur ces mœurs interdites, alors passibles du bûcher.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 206‑208 :

« Cet Anti-Claudien avait déjà été imprimé à Bâle en 1536 et à Venise en 1582. L’auteur de ce livre n’était point anglais : c’est un Flamand ; on croit même communément qu’il était de Lille et que de là est venu son surnom de Insulis. Il était de l’Ordre de Cîteaux et mourut, selon Albéric, en 1202 : voyez Baillet, Satyr. personn., t. i, p. 49. {a} Le livre en question, de Planctu naturæ, etc., est mêlé de prose et de vers, à l’imitation de celui de Boece, de consolatione Philosophiæ. {b} Il commence par ce vers :

In lachrymas risus, in luctus gaudia verto. {c}

Alanus n’est pas le seul des Anciens qui ait écrit sur cette matière. Avant lui, Pierre Damien avait fait un Liber Gomorrhianus, imprimé dans le 3e volume de ses œuvres, de l’édition de l’abbé Cajetan ; {d} et on trouve parmi les poésies de Marbodus, évêque de Rennes, imprimées dans cette même ville en 1524, plusieurs pièces de ce saint évêque dans lesquelles il s’emporte fort contre ce crime détestable. {e} Au reste, Alain de Lille a fait plusieurs ouvrages qui furent recueillis par les soins de D. Charles de Visch, prieur de Sainte-Marie-des-Dunes en Flandres, et imprimés à Anvers en 1654, in‑fo, {f} si vous en exceptez le commentaire qu’on lui attribue sur les prophéties de Merlin. » {g}


  1. Adrien Baillet (v. note [35], lettre 347) : Satires personnelles : Traité historique et critique de celles qui portent le titre d’Anti [Anti-Baillet de Gilles Ménage (La Haye, 1688, v. note [31], lettre 97)]. Tome premier (Paris, Antoine Dezallier, 1689, in‑12), chapitre iv, Anti-Claudien, pages 49‑61. Le renvoi de Vitry porte sur ce passage (pages 53‑54) :

    « Sur ma parole, vous pouvez oublier ces difficultés, et adopter, si vous le jugez plus à propos, l’opinion d’Albéric ou Aubry, moine de Cîteaux dans l’abbaye de Trois-Fontaines, au diocèse de Châlons-en-Champagne. Cet auteur, qui a poussé sa chronique jusqu’en 1241 seulement (circonstance essentielle à notre remarque), met la mort d’Alain de l’Isle en 1202, en ces termes : Apud Cistercium mortuus est in hoc anno (mccii.) Magister Alanus de Insulis Doctor famosus, et scriptor ille Anti-Claudiani, etc. » {i}

    1. « À Cîteaux mourut cette année [1202] Maître Alain de Lille, fameux docteur et qui est auteur de l’Anticlaudianus, etc. »
  2. V. note [3], lettre latine 198.

  3. « Je tourne les rires en larmes, et les joies en chagrins. »

  4. Dans les B. Petri Damiani S.R.E. cardinalis Episcopi Ostiensis Opera omnia. Primum quidem studio et labore Domini Constantini Caetani Syracusani, Monachi Cassinensis collecta, et argumentis ac notationes illustrata. Nunc autem novo studio ac labore, recognita et aucta… [Œuvres complètes de saint Pierre Damien (v. notule {a}, note [46] du Faux Patiniana II‑2), cardinal de la sainte Église romaine et évêque d’Ostie. Le labeur et les soins de Dom Constantin Cajetan (v. note [28] du Naudæana 3), moine du Mont Cassin, les ont rassemblées, et éclairées de commentaires et d’annotations. Nouvelle édition revue et augmentée…] (Lyon, Claude Landry, 1623, trois tomes en un volume in‑fo), le Liber Gomorrhianus, ad Leonem ix. Rom. Pont. [Livre de Gomorrhe (cité biblique que Dieu a détruite, avec Sodome, pour la dissolution de ses mœurs), adressé au pape Léon ix (1048-1054)] se trouve dans le tome troisième, pages 449‑463, avec cet Argumentum [Argument] :

    Nefandum, et detestabile crimen, in quod Deo dicati sui temporis prolabebantur, deplorat : eosque utpote indignos a sacris ordinibus removendos esse contendit : Leonemque Pontificem Romanum implorat, ut tam fœde peccantes sua auctoritate coerceat.

    [Il (Damien) déplore le crime abominable et impie où, de son temps, étaient tombés les élus de Dieu ; il demande donc avec force que soient exclus des ordres sacrés ceux que ce crime a rendus indignes ; et il implore le pape Léon de sévir de toute son autorité contre ceux qui ont commis un si répugnant péché].

  5. Marbodus (Marbode ou Marbœuf), évêque de Rennes de 1096 à 1123 : Incipit Liber Marbodi… [Ici commence le livre de Marbodus…] (Rennes, Johannes Baudouyn, 1524, in‑4o), avec condamnation de certaines pratiques contre nature, dont une Objurgatio turpis amatoris puerorum [Objurgation d’un honteux amoureux des enfants] (page B.ii).

  6. Alani Magni de Insulis, Sacræ Theologiæ Doctoris cognomento Universalis, ex glorioso Scholæ Ecclesiasticæ Parisiensis Moderatore, humiilis Cisterciensis conversi, Opera moralia, parænetica et polemica, quæ reperiri potuerunt. Quorum pleraque nunc primum ex antiquis manuscriptis Codicibus eruta, luci dantur ; alia typis olim edita (collatione facta cum exemplaribus m. ss.) correctiora, varieque illustrata proferuntur. Opere et studio R.D. Caroli de Visch, Prioris Cænobii B. Mariæ de Dunis, S. Theol. Professoris.

    [Œuvres morales, parénétiques {i} et polémiques qu’on a pu trouver du grand Alain de Lille, surnommé le Docteur universel de sainte théologie, jadis glorieux recteur de l’École ecclésiastique de Paris, humble frère convers cistercien. Nombre d’entre elles ont été exhumées d’anciens manuscrits et sont mises au jour pour la première fois ; les autres ont déjà été publiées, mais sont plus correctement présentées (après collation avec les exemplaires manuscrits) et accompagnées de commentaires variés. Par le labeur et l’édude du R.P. Charles de Visch, prieur de l’abbaye de Sainte-Marie-des-Dunes, {ii} professeur de théologie sacrée]. {iii}

    1. Exhortant à la vertu.

    2. Près de Furnes en Belgique.

    3. Anvers, Guilielmus Lesteenius et Engelbertus Gymnicus, 1654, in‑4o de 436 pages.
  7. Prophetia anglicana Merlini Ambrosii Britanni, ex incubo olim (ut hominum fama est) ante annos mille ducentos circiter in Anglia nati, Vaticinia et prædictiones : a Galfredo Monumetensi latine conversæ : una cum septem libris explicationum in eandem Prophetiam, excellentissimi sui temporis Oratoris, Polyhistoris et Theologi, Alani de Insulis, Germani, Doctoris (ob admirabilem et omnigenam eruditionem, cognomento) Universalis, et Parisiensis Academiæ, ante annos 300, Rectoris amplissimi. Opus nunc primum publici iuris factum, et lectoribus ad historiarum, præcipe vero Britannicæ, cognitionem, non parum luci allatum.

    [La Prophétie, ou les Oracles et prédictions de l’Anglais Ambroise Merlin {i}, né (comme racontent les hommes) d’un incube, {ii} en Angleterre il y a environ mille deux cents ans : traduits en latin par Geoffroy de Monmouth, {iii} avec les sept livres de commentaires sur ladite Prophétie, rédigés par le Flamand Alain de Lille, le plus éminent orateur, érudit et théologien de son temps, Docteur universel (ainsi surnommé en raison de son admirable connaissance de toutes les sciences) qui fut très puissant recteur de l’Université de Paris il y a 300 ans. Ouvrage qui est publié pour la première fois et qui n’apportera pas de faibles lumières aux lecteurs sur la connaissance de l’histoire, principalement britannique]. {iv}

    1. Plus connu sous le nom du légendaire Merlin l’Enchanteur, mais confondu ici (comme bien ailleurs) avec Ambroise Aurélien, mythique prophète et guerrier breton.

    2. Démon nocturne, v. note [42] deL’homme n’est que maladie.

    3. Geoffrey of Monmouth, chroniqueur gallois et évêque de Saint-Asaph au xiie s.

    4. Francfort, Joachimus Bratheringius, 1603, in‑8o de 269 pages.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 1, note 72.

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(Consulté le 28/03/2024)

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