Autres écrits : Leçons de Guy Patin au Collège de France (1) : sur le Laudanum et l’opium, note 8.
Note [8]

Le passage du livre iv du traité « sur les Facultés des médicaments simples » qui s’approche le plus du propos que Guy Patin attribuait à Galien se trouve au chapitre xii (Kühn, volume 11, pages 657‑658, traduit du grec) :

Nam si uva acerba acida est, uva vero dulcis, ac fructibus omnibus maturatio a solari provenit calore, planum est imperfectius et frigidius esse quod acidum, perfectius vero et calidius quod dulce fuerit. Quum ergo vinum perfrictione rursum acescat, manifestum est in eum illud humorem converti, ex quo provenerat. Diversis tamen hactenus viribus uvæ acerbæ succus acetumque constant, quod aceto accedat ex putrido calore acrimonia quædam, proinde Aristoteles recte dixit, acetum proprio quidem vini calore esse frigidum, adscititio calidum. At uvæ acerbæ succus calorem adscititium non habet, ac proinde nec acrimoniam. Accedit vero et in substantiæ tenuitate diversitas. Siquidem uvæ acerbæ succo acetum tenuius est, cui rei et sensus adstipulatur, excellit enim quæ ab aceto infligitur frigiditas eam quæ ab uvæ acerbæ succo vehementia et mixtione. Imbecillior enim est quæ ab uva acerba fit refrigeratio, quum etiam alienæ in se caliditatis ne minimum quidem contineat. At quæ ab aceto proficiscitur, tanto est validior quanto et tenuior, inest vero et illi acrimonia quædam excalefaciens, quæ tamen satis non sit ad superandam ab aciditate provenientem frigiditatem, verum quæ ad transitus celeritatem subserviat. Nam quanto calidum frigido facilius penetrat, tanto acris succus aptior est, qui sensibilium corporum meatus transeat, quam acidus.

[Puisque le raisin vert {a} est acide, mais que le raisin est doux, et que tous les fruits tirent leur maturation de la chaleur du soleil, il est clair que ce qui est acide est très froid et loin d’être mûr, mais que ce qui est doux est bien chaud et bien mûr. Comme le vin devient aigre en refroidissant, il est manifeste que le suc qu’il contient et d’où il provient s’est transformé. Toutefois, le verjus et le vinaigre dérivent de qualités distinctes : le vinaigre tire son amertume d’une chaleur corrompue, ce qui a justement fait dire à Aristote que le vinaigre est certes froid, par contraste avec la chaleur propre du vin, mais qu’il lui a emprunté une part de chaleur ; le verjus, quant à lui, ne tient du vin ni sa chaleur ni son âcreté. Leur différence réside, en vérité et surtout, dans la subtilité de leur substance. Le vinaigre est plus subtil que le verjus, comme l’établit le bon sens, car, quand on les mélange, la froideur du vinaigre l’emporte sur la saveur du verjus. De fait, le rafraîchissement que produit le verjus est très faible, bien qu’il ne contienne même pas la moindre parcelle de la chaleur qu’il aurait empruntée au vin ; mais la chaleur que recèle le vinaigre est d’autant plus ferme qu’elle est plus subtile : il contient une âcreté échauffante ; elle n’est toutefois pas suffisante pour surpasser la froideur qui provient de l’acidité, bien qu’il conserve la faculté d’accélérer le passage intestinal. Ce qui est chaud pénètre en effet plus facilement que ce qui est froid, tout autant qu’un suc amer est plus apte qu’un suc acide à traverser les orifices des corps sensibles]. {b}


  1. Le raisin vert ou âpre est le raisin non mûr, dont on tire le verjus (v. note [11], lettre 15).

  2. Patin se servait de ce tortueux passage de Galien pour illustrer le fait qu’une même source, le raisin, procure deux substances que leurs propriétés, acides, froides et amères, rapprochent, mais avec des différences liées à leur provenance : le verjus, directement tiré du raisin vert, ne possède absolument aucune chaleur ; en revanche, le vinaigre, qu’une fermentation acide fait indirectement venir du vin (et donc du raisin mûr, chaud et doux), conserve une part de chaleur. Sans s’attarder sur des détails aujourd’hui devenus futiles ou incompréhensibles, tout cela donne une bonne idée des anciennes arguties sur les qualités (tempéraments) des substances végétales employées comme médicaments.

    La leçon à en tirer (mais elle reste approximative) est que les qualités qu’on donnait aux substances (dont on déduisait leur tempérament) venaient principalement des sensations qu’elles provoquent dans la bouche : chaud (épicé), froid (fade), amer, acide, doux, sec, humide ; mais sans mention ordinaire du salé ou du sucré.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Leçons de Guy Patin au Collège de France (1) : sur le Laudanum et l’opium, note 8.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8129&cln=8

(Consulté le 24/04/2024)

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