À Claude II Belin, le 18 janvier 1637, note 9.
Note [9]

« on lit le troupeau loyolitique parfaitement dépeint. »

La Bibliothèque Sainte-Geneviève (cote 8 x 806 inv 1811) conserve l’exemplaire de la première édition (Paris, David Douceur, 1606, in‑8o) des Orationes et præfationes de Passerat dont Guy Patin s’est servi pour sa réédition de 1637 : il y a laissé une annotation tronquée à la plume dans la marge de la dernière page, entre les entrées 13 (Prolegomena in Cic. Topica [page] 131) et 14 (Præfatio in lib. Cic. de legibus [page] 154) de l’Index, « Cic. de/ diculis,/ i. 142 », pour faire remarquer que l’imprimeur a omis d’y insérer la Præfatiuncula in disputationem de Ridiculis, quæ est apud Ciceronem in lib. ij de Oratore [Petite préface sur la discussion à propos des plaisanteries, qui est au (chapitre liv du) livre ii de l’Art oratoire de Cicéron] qui se trouve à la page 142. L’index contient d’autres fautes et omissions.

Pour célébrer Henri iv, Passerat part d’un prodige qui s’est produit sous le règne de Néron, à Marruca en Béthique, où toute une olivaie se transporta un beau jour de l’autre côté d’une route pour laisser place à un simple champ de labour. Il compare cette fable au transfert massif des Espagnols en France, qu’il accuse d’avoir provoqué la guerre civile déclenchée par l’assassinat de Henri iii en 1589. Là cesse la plaisanterie : s’étant lamenté sur les malheurs sans nombre qui se sont abattus sur tout le pays, Passerat salue la victoire du roi qui a pacifié la Nation.

Il se plaint pourtant amèrement du délabrement de l’Université qui en a résulté. Sans les nommer, il s’en prend à l’emprise des jésuites sur l’instruction des jeunes Français, et consacre quatre pages entières (146‑150) à accabler leur Société de sarcasmes ; en voici un échantillon :

Lustranda igitur et expianda nunc Academia, Musisque iterum dedicanda, diligenti cautione adhibita, ne amplius earum templa et ceremoniæ contaminentur. Id ut recte fiat atque ordine, abigendæ sunt imprimis obscœnæ volucres, quæ rapinis contactuque omnia fœdant immundo :

Decolor est illis vultus, tæterrima ventris
Proluvies, uncæque manus, et pallida semper
Ora fame.

Non agnoscitis volucres : agnoscite sine plumis bipedes, Curua quibus pullam subnectis fibula vestem. Has Harpyas nisi Senatus et amplissimi ornatissimique viri, quibus Academiæ, scholæque Regiæ instaurandæ tradita est provincia, fugarint et exterminarint, ut pinnati Aquilonis filii in fabulis, frustra littoralibus diis vota nuncupabimus : rursus ad eos scopulos, ad quos nuper est ferme adflicta, navis nostra referetur. Nequicquam in excolendo Musarum fundo sudabimus : nequicquam lolium, lappas, et tribulos extirpabimus, nisi ex agro nostro hæc felix radicitus evellitur. Meminisse debemus quonam pacto profugi homines, nec minus vagi quam Scythæ, nova gratuitæ doctrinæ professione vulgo commendati, huc irrepserint αεκητι θεων in Academiæ parte consederint : quibus artibus, inhiantes locupletum fortunis, divites orbos, vel cœlibes, deliros senes, superstitiosas mulierculas, et adolescentulos imperitos deceperint : et velut Circæo poculo, repente immutarint : ut religionis specie, quam inexplebili avaritiæ suisque fraudibus obtendunt, equum Troianum paulatim introduxerint : ut semper in insidiis manserint, et in speculis steterint, proditionis occasionem expectantes : ut ea oblata, machinam suam continuo aperuerint, armatisque hostibus hanc urbem, et totam Galliam omni genere calamitatis repleverint.

[L’Université doit donc expier, et pour se purifier maintenant, elle doit se consacrer de nouveau aux Muses, appliquer un soin diligent à ce que leurs temples et leur culte ne soient plus souillés davantage. Pour que cela s’accomplisse convenablement et en bon ordre, il faut d’abord et avant tout chasser les oiseaux de mauvais augure qui flétrissent tout par leurs rapines et par leur contact immonde.

Decolor est illis vultus, tæterrima ventris
Proluvies, uncæque manus, et pallida semper
Ora fame
. {a}

Vous ne reconnaissez pas ces oiseaux, alors reconnaissez des bipèdes sans plumes, Curua quibus pullam subnectit fibula vestem. {b} Si le Parlement et les hommes du plus haut rang et de la plus grande influence, à qui est confiée la charge de régénérer l’Université et le Collège royal, ne dispersent et n’exterminent pas ces harpies, comme firent dans les fables les fils ailés d’Aquilon, {c} alors c’est en vain que nous aurons invoqué les dieux du rivage, et notre navire retournera vers ces rochers sur lesquels il a naguère presque fait naufrage. En vain, nous avons sué sang et eau pour embellir la coupe des Muses. En vain, nous avons arraché l’ivraie, les bardanes et les tribules {d} pour éradiquer entièrement cette fougère de notre champ. Nous devons nous souvenir de quelle manière des hommes exilés, non moins égarés que des Scythes, publiquement recommandés par une nouvelle profession de doctrine désintéressée, se seront ici insinués, et αεκητι θεων {e} auront en partie envahi les bancs de l’Université ; par quels subterfuges, courant après les richesses des nantis, ils auront trompé les orphelins ou les célibataires fortunés, les vieillards déments, les femmelettes superstitieuses, les petits jeunes gens sans expérience, et comme par la coupe de Circé, {f} ils les auront soudainement ensorcelés ; de quelle manière, en matière de religion, qu’ils mettent au service de leur insatiable cupidité et de leurs fourberies, ils auront insidieusement introduit un cheval de Troie ; de quelle manière ils se seront tenus cachés dedans, aux aguets, attendant une occasion de trahir ; quand elle se sera présentée, ils découvriront aussitôt leur machine et rempliront cette ville d’ennemis armés, et toute la France de toute sorte de calamités].


  1. « ils ont le visage décoloré, un flux horriblement repoussant coule de leur ventre, ils ont les mains munies de griffes et le regard toujours blême de faim » (imitation de Virgile, Énéide, chant iii, vers 216‑218).

  2. « Une agrafe tordue attache leur vêtement noir. »

  3. Zéthès et Calaïs. V. notule {b‑ii}, triade 82 du Borboniana manuscrit (note [41]), pour les harpies.

  4. Toutes plantes qui sont des parasites du blé.

  5. « en dépit des dieux ».

  6. La magicienne qui transforma les compagnons d’Ulysse en pourceaux (v. note [7], chapitre vii du Traité de la Conservation de santé).

La conclusion de cette diatribe (page 150) ramène enfin le lecteur au prétexte du discours :

Academia nostra certe, quæ longum periculosumque morbum eorum contagione contraxit, nisi hoc levetur vomitu, vix unquam convalescet. Reliquum est ut de suscepti muneris ratione pauca differam : et cur potissimum ad disputationem de Ridiculis illustrandam aggredia, breviter exponam.

[Leur contagion a plongé notre Université dans une longue et périlleuse maladie, et si un vomissement ne l’en délivre pas, elle pourra n’en jamais guérir. Il me reste à dire quelques mots sur la tâche que je me suis assignée, et je vais exposer brièvement pourquoi je souhaite particulièrement vanter la discussion de Ridiculis]. {a}


  1. La discussion de Cicéron « sur les Plaisanteries ».

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 18 janvier 1637, note 9.

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(Consulté le 25/04/2024)

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