À Claude II Belin, le 2 janvier 1646, note 9.
Note [9]

Charles de Cossé (1505-1564), comte de Brissac, dit le maréchal de Brissac, un des plus grands capitaines du xvie s., mourut de la goutte.

Jacques Houllier (ou Hollier, Hollierus, Étampes 1546-1562), docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, en devint doyen en 1546-1548. Son principal mérite fut de travailler assidûment à ramener aux purs principes d’Hippocrate les esprits courbés sous le joug galéno-arabique. Cependant, s’il repoussa les subtilités et les discussions oiseuses, s’il bannit les inutiles recherches sur les causes prochaines des maladies, il ne sut pas apprécier la noble simplicité de la thérapeutique d’Hippocrate, et adopta en grande partie les remèdes favoris et la polypharmacie abusive des Arabes. Tous ses ouvrages furent publiés après sa mort par les soins de ses élèves (J. in Panckoucke).

Guy Patin a souvent évoqué et loué l’édition, préparée par René Chartier, {a} des :

Iacobi Hollerii Stempani, medici Parisiensis, omnia opera practica, doctissimis eiusdem scholiis et observationibus illustrata, deinde Lud. Dureti M. Regii ac professoris, in eundem enarrationibus, annotationibus, et Antonii Valetii D. Medici exercitationibus luculentis. Accessit etiam ad calcem libri Therapia puerperarum I. Le Bon Medici Regii cum indice rerum et verborum locupletissimo.

[Œuvres pratiques complètes de Jacques Houllier, natif d’Étampes, médecin de Paris, enrichies de ses très savantes notes et observations, puis des commentaires et annotations de Louis Duret, médecin et professeur du roi, et des brillants essais de Me Antoine Valet, {b} médecin. Avec aussi à la fin du livre la Thérapie des femmes enceintes de Jean Le Bon, {c} médecin du roi, et un très riche index des matières et des mots]. {d}


  1. V. note [13], lettre 35.

  2. V. note [14], lettre 738.

  3. Médecin natif d’Autreville en Champagne, qui n’est connu que pour ce traité de thérapeutique obstétricale.

  4. Genève, Jacobus Stoer, 1623, in‑8o ; v. notes [4], lettre latine 232, et [14], lettre 738, pour les rééditions de Genève, 1635, et Paris, 1664.

De Arthritide [La Goutte] est le chapitre lxviii (pages 533‑550) du livre i du traité De Morbis internis [Les Maladies internes]. On y lit, page 544, dans le Dureti in suam enarrationem annotatio [Annotation de Duret sur son propre commentaire] le passage évoqué par Patin :

Præterea in diuturna arthritide sunt tophi, qui nascuntur teste Aristotele maximam partem ex pure concreto, quando remedia inconsiderate parti arthriticæ applicantur. Præterea accidit αδυναμια progrediundi partibus diu obsessis, ut invalid fiant, nec suo officio fungi possint: Ut in quonam illustrissimo Principe (Domino de Nemours) observavi, qui ab usu olei ceræ arte chymica ex arthritide in adynamiam progrediundi incidit. Sed et hoc notandum est, quod qui sunt arthritici Vere et Autumno, illo propter gargalismum humoris, hoc propter cacoëthiam, si non fiant, de vita periclitantur, et sic multi moriuntur : Unde scripsi pro illustrissimo Principe : Quand vous avez la goutte vous estes à plainde, Quand vous ne l’avez-vous estes à craindre. Polemarchi de Brissac et de Termes erant arthritici Vere et Autumno. In illo cum non esset arthriticus, ut antea suppressa materia fecit carcinoma in mesenterio : hic suppressione illius materiæ og iratum æstum, quo, incanduerat, factus est asthmaticus, sicque interiit.

« En outre, la goutte chronique s’accompagne de tophus, {a} dont Aristote a prouvé qu’ils consistent en un pus solidifié, survenant quand des remèdes ont été inconsidérément appliqués à la partie arthritique. Surtout, une adynamie {b} s’abat progressivement sur les parties qui ont longtemps été attaquées, de sorte qu’elles sont débilitées et ne peuvent assurer leur fonction ; comme je l’ai observé chez un illustrissime prince (le duc de Nemours), {c} qu’une goutte plongea progressivement dans l’adynamie pour avoir usé d’une huile de cire extraite par l’art chimique. Mais il faut surtout remarquer que ceux qui ont la goutte au printemps et en automne, si celle-ci ne survient pas à cause d’une irritation d’humeur, et celle-là à cause d’une mauvaise disposition, sont en danger de la vie, et beaucoup meurent. C’est pourquoi j’ai écrit Quand vous avez la goutte, vous êtes à plaindre, Quand vous ne l’avez, vous êtes à craindre. Les maréchaux de Brissac et de Termes {d} étaient goutteux au printemps et à l’automne. Chez le premier, l’accès ne survint pas comme à l’accoutumée et la matière supprimée a provoqué un cancer dans le mésentère ; l’autre s’étant emporté dans un accès de colère, devint asthmatique et puis trépassa]. {e}


  1. V. note [9], lettre 515.

  2. αδυναμια, épuisement.

  3. Louis Duret (mort en 1586, v. note [10], lettre 11) pouvait avoir soigné Jacques de Savoie-Nemours (mort en 1585, grand-père de Charles-Amédée de Savoie, duc de Nemours, v. note [9], lettre 84).

  4. Paul de La Barthe de Thermes (1482-1562) avait été nommé maréchal en 1558 pour récompenser les éminents services qu’il avait rendus aux Valois.

  5. Probable défaillance cardiaque gauche aiguë mortelle, par œdème pulmonaire asphyxique.

L’aphorisme de Duret mettait en garde contre la suppression de la goutte, bien plus dangereuse que la crise : son défaut au moment ordinaire empêchait la dissipation de l’intempérie périodique des humeurs.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 2 janvier 1646, note 9.

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(Consulté le 29/03/2024)

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