Autres écrits : Thomas Diafoirus (1673) et sa thèse (1670), note 9.
Note [9]

Phrase latine tortueuse, dont la dernière proposition est de traduction incertaine. Quoi qu’il en soit, elle fait allusion à la belle et célèbre expérience du garrot que William Harvey (v. note [12], lettre 177) avait rapportée en 1628, au chapitre onzième de son Exercitatio anatomica de motu cordis… [Essai anatomique sur le mouvement du cœur…] (pages 124‑130 de la traduction donnée par Charles Richet) :

« On distingue les ligatures serrées et les ligatures lâches.

Les ligatures sont serrées quand le membre se trouve exactement comprimé par une bande ou un lien circulaire, de manière que l’on ne sente plus battre les artères au-dessous de la ligature. C’est ce que nous faisons dans les amputations pour empêcher l’écoulement du sang. C’est ce qu’on fait pour la castration chez les animaux et la destruction des tumeurs. La ligature intercepte absolument l’afflux des éléments nutritifs et de la chaleur, et on voit ou les testicules ou les énormes tumeurs sarcomateuses se flétrir, mourir et tomber.

La compression est lâche, au contraire, quand on comprime le membre de toutes parts, mais sans causer de douleur, de sorte que les artères battent encore faiblement au-dessous de la ligature ; c’est ce que l’on fait dans la saignée. En effet, quoiqu’on fasse la compression au-dessus de l’avant-bras, on peut sentir battre faiblement le pouls des artères du carpe {a} si, avant la phlébotomie, la compression a été bien faite.

Faisons l’expérience sur le bras d’un homme, et entourons-le d’une bande, comme on fait avant la saignée, ou serrons fortement le bras avec la main. Il faudra choisir de préférence un bras maigre où les veines soient bien apparentes. Il faudra aussi que le corps, comme les extrémités, soit bien chauffé, de manière qu’il y ait une plus grande quantité de sang aux extrémités et que les pulsations soient plus énergiques ; car dans ces deux conditions, tous les phénomènes sont bien plus apparents.

La compression circulaire ayant donc été faite aussi complètement qu’on pourra la supporter, on peut d’abord observer que, du côté de la main, au-dessous de la ligature, le pouls a complètement cessé de battre au carpe ou ailleurs. Cependant, immédiatement au-dessus de la bande, l’artère continue à battre ; mais avec une diastole plus forte et plus énergique ; elle semble, près de la ligature, grossir et se gonfler à la manière d’un flot, comme si, son cours étant interrompu, elle s’efforçait de franchir l’obstacle et de continuer son cours : en ce point, elle paraît plus gonflée que naturellement. Quant à la main, elle conserve sa coloration, sa constitution ; à cela près qu’au bout d’un certain temps, elle commence à se refroidir, mais nulle parcelle de sang n’y pénètre. {b} Si cette étroite compression a été maintenue pendant quelque temps, et qu’ensuite on la relâche, comme on a l’habitude de le faire pour la saignée, voici ce qu’on observe.

Aussitôt, la main tout entière se colore, se gonfle ; les veines s’enflent, deviennent variqueuses : dix à douze pulsations des artères amènent une grande quantité de sang qui s’amasse dans la main et la remplit. Cette compression incomplète attire donc une grande quantité de sang, et cela sans douleur, sans chaleur, sans horreur du vide, sans les causes alléguées auparavant. {c} Si on applique le doigt sur l’artère au moment où on commence à relâcher la compression, on sentira recommencer les battements, à mesure que le sang, reprenant son cours, revient doucement dans la main.

Quant à la personne sur le bras de laquelle on fait l’expérience, au moment où la compression se relâche, elle sentira sur-le-champ revenir, avec les pulsations de l’artère, la chaleur et le sang qui paraît avoir franchi un obstacle. Quelque chose sur le trajet des artères semble s’être subitement gonflé et s’être répandu dans la main, qui s’est échauffée et distendue aussitôt.

De même qu’une compression étroite fait battre et gonfle les artères placées au-dessus, et arrête le pouls de celles qui sont au-dessous ; de même, une compression incomplète gonfle et fait saillir les veines et les petites artères placées au-dessous, mais non pas celles qui sont au-dessus. Bien plus, si alors on comprime les veines ainsi gonflées et dilatées, à moins qu’on emploie une très grande force, c’est à peine si l’on voit le sang traverser la ligature et distendre les veines placées au-dessus.

[…] Ce passage du sang dans les artères quand la compression est incomplète, et ce gonflement des veines placées au-dessous, nous démontrent que le sang va des artères dans les veines et non en sens contraire ; et qu’il y a ou des anastomoses entre ces vaisseaux, ou des porosités dans les tissus qui permettent le passage du sang. {d} Et pour la compression incomplète faite au pli du coude, le gonflement simultané de toutes les veines nous montre qu’il y a entre ces vaisseaux de nombreuses anastomoses. D’ailleurs, quand on pique une de ces veines avec un scalpel, pour donner issue au sang, on les voit se dégonfler toutes au même moment et se désemplir presque toutes par l’ouverture d’une seule veine. Ainsi chacun peut s’expliquer les causes de cette congestion sanguine dans la compression, et peut-être les causes de tous les gonflements. Les veines étant comprimées par cette compression incomplète ne laissent pas revenir le sang ; et cependant, la force des artères, c’est-à-dire du cœur, continue à pousser le sang en avant ; il est donc nécessaire que les parties comprises au-dessous de la ligature, ne pouvant se désemplir, se distendent. {e}

[…] Il est impossible de penser et de prouver que ces effets sont dus à la chaleur, à la douleur, ou à l’horreur du vide. »


  1. Du poignet.

  2. Si le garrottage se prolonge, la main pâlira et une douleur apparaîtra, de plus en plus intense, jusqu’à l’insupportable ; mais pousser si loin l’expérience n’est ni nécessaire ni recommandé.

  3. Avant la découverte de la circulation, on faisait appel à ces phénomènes improbables (douleur, chaleur, horreur du vide) pour expliquer le retour en masse du sang dans le membre (hyperhémie) quand on passait du garrot artériel au garrot veineux.

  4. Préconception des capillaires unissant les plus petites artères aux plus petites veines (v. infra notes [24] et [19]), seul maillon spéculatif de la circulation harvéenne.

  5. V. note [14] de La circulation du sang expliquée à Mazarin, pour l’expérience de Jean Pecquet (1654) qui confirmait brillamment l’existence fonctionnelle des capillaires.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Thomas Diafoirus (1673) et sa thèse (1670), note 9.

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(Consulté le 05/10/2024)

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