Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Triades du Borboniana manuscrit, note 9.
Note [9]

Triade 7.

« Trois princes de la sagesse humaine semblent avoir approuvé le suicide : Platon, Sénèque et Épictète. Voyez les Essais de Johannes Schildus sur la mort de Sénèque, page 150 »

Parmi quelques autres ouvrages, Johann Schild (1595-1667), professeur de grec puis de théologie réformée à Brême, est auteur des :

Ioannis Schildi Exercitationes in C. Taciti Ann. xv. ubi extrema Senecæ describuntur.

[Essais de Ioannes Schildu sur le livre xve des Annales de Tacite, où sont décrits les derniers jours de Sénèque]. {a}

Voici ce que Schild écrit (pages 150‑151) sur le suicide, {b} mot certes anachronique, mais plus bref que la périphrase utilisée par le Borboniana, sui interfectionem, « le meurtre de soi-même » :

Exeundum forti animo, quacunque impetum ceperit, sive ferrum appetat, sive laqueum, sive aliquam potionem venas occupantem, pergendum esse, et vincula servitutis abrumpenda. Tam tumida insanientis sapientiæ effata, cum paullo propius atque pensius inspiciuntur, vim profecto veri nullam habent ; sed ne speciem quidem haberent, nisi omnis scientiæ Dictatores, queis haud alii propius ex ignorantiæ suæ tenebris ad veræ lucis intuitum sunt eluctati, teterrimæ sapientiæ defensores exstitissent. Hoc est illud, quod unice mirari subeat, Senecam et Epictetum, queis nihil, præter supercœlestem instinctum, ad purissimam veritatem defuit, ita stolide sapere potuisse, ut eum supra homines eveherent, qui maxime propinquum et familiarem, id est, se ipsum interfecisset. At quid hos loquor ? ipsum imo Platonem, illum mellifluo ore cunctos allicientem, illum omnium humanissime philosophantem, adeo excessisse modum sapientiæ constat, uti non quidem omnibus, sed plerisque tamen ignoscendum sanciverit, qui, temerariæ mentis impulsu, violentas sibi manus intulissent.

[Pour s’en aller courageusement, quel que soit l’élan qui s’est emparé de son esprit, qu’il {c} choisisse la lame, la corde ou quelque poison qui se répand dans les veines, il doit aller jusqu’au bout, pour trancher les entraves de sa servitude. Voilà bien des préceptes enflés de sagesse insensée car, à y regarder de plus près et plus soigneusement, ils ne contiennent pas une once de vérité ; et ils n’en auraient pas même la moindre apparence si ceux qui dictent tout le savoir, ces maîtres grâce à qui presque tous les autres sont péniblement sortis des ténèbres de leur ignorance pour accéder à la véritable lumière, ne s’étaient montrés les défenseurs de cette abominable philosophie. S’être tué soi-même, c’est-à-dire la personne qui vous est la plus proche et la plus chère, voilà tout ce qui soutient l’admiration qu’on porte à Sénèque et à Épictète : {d} eux à qui rien n’a manqué de ce qui conduit à la plus pure vérité, hormis l’instinct surnaturel, {e} eux qui ont pu philosopher si solidement qu’ils se sont élevés au-dessus des hommes ! Mais pourquoi ne parler que de ces deux-là ? Il y a bien sûr aussi Platon : lui qui nous séduit tous par ses paroles douces comme le miel, lui dont la philosophie est la plus humaine de toutes ! Eh bien, il a tant dépassé les bornes de la sagesse qu’il a jugé bon de pardonner, certes non pas à tous, mais à la plupart de ceux qui, sous l’impulsion d’un esprit égaré, se suppriment violemment de leurs propres mains].


  1. Leyde, Franciscus Hackius, 1645, in‑12 de 165 pages, seule et unique édition existante, ornée d’un fort éloquent frontispice.

  2. V. notule {b} note [51] du Borboniana 7 manuscrit.

  3. Celui qui veut se donner la mort.

  4. V. notes [6], lettre laine 425, pour la mort volontaire de Sénèque le Jeune, décrite par Tacite (livre xv des Annales), et [2], lettre 530, pour Épictète, philosophe stoïque, qui ne mit pas fin à ses jours, et dont les sentiments à l’égard du suicide étaient plus nuancés que ce que Schild en disait ici.

  5. L’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Triades du Borboniana manuscrit, note 9.

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(Consulté le 24/04/2024)

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