Autres écrits : Une thèse cardinale de Guy Patin :
« La Sobriété » (1647), note 97.
Note [97]

La crédulité populaire attribuait l’éphialte aux esprits démoniaques. C’était le nom savant de l’incube, {a} maladie nocturne aujourd’hui oubliée, dont Thomas Corneille a donné cette définition médicale :

« Maladie de la poitrine, que l’on appelle autrement coche-vieille, {b} et que les Latins nomment incubus. Cette maladie n’est autre chose que la respiration empêchée et difficile qui survient quand on dort couché sur le dos, en songeant qu’on a un poids sur la poitrine et que l’on va étouffer. Cela est cause que les mélancoliques {c} s’imaginent qu’une personne ennemie leur pèse sur l’estomac, Fernel et Platerus {d} ont établi pour la cause prochaine de l’éphialte une humeur grossière et pituiteuse, retenue autour de la poitrine qui, étant émue {e} ou se gonflant, presse le diaphragme et les poumons. Ils ont ajouté que la voix est ensuite étouffée par les vapeurs qui exhalent et qui, montant au cerveau, y troublent les esprits animaux, d’où le songe de suffocation et de pressement s’ensuit. Les modernes mettent la cause prochaine de l’éphialte dans tout ce qui peut empêcher le mouvement du diaphragme en en bas. Ce mouvement est blessé ou par le vice de quelque objet qui presse le diaphragme et s’oppose à son mouvement en en bas, ou par le vice des nerfs qui servent à sa contraction. Ceux qui mènent une vie réglée, ou qui songent {f} peu, sont moins exposés à cette maladie que ceux qui ont trop d’aliments. Ainsi ce mal est familier aux enfants, à cause qu’ils mangent goulûment. Il est facile de le prévenir en dormant sur le côté et la tête haute, parce que moins on est sur le dos et couché, moins le ventricule {g} presse le diaphragme. On appelle l’incube, ou l’éphialte, épilepsie nocturne, ou petite épilepsie, à cause des convulsions des muscles du thorax, telles qu’elles arrivent dans tous les paroxysmes épileptiques, ce qui cause la difficulté de respirer dans l’épilepsie véritable et l’écume à la bouche. Ce mot vient du grec “ se jeter dessus ”, {h} parce que ceux qui sont atteints de ce mal s’imaginent que quelqu’un se jette sur leur estomac pour les étouffer. »


  1. V. note [42] de L’homme n’est que maladie.

  2. Bizarre sobriquet qui pourrait se référer à l’un des deux sens du mot « coche » donnés par Furetière :

    • avec pléonasme, au substantif désignant une « truie vieille et grasse qui a eu plusieurs cochons » ;

    • avec connotation lubrique et accent circonflexe (que Corneille n’a pas mis), à la conjugaison du verbe côcher, qui « se dit de l’action du coq qui se joint avec la poule pour rendre ses œufs féconds. »

  3. V. note [5], lettre 53.

  4. Jean Fernel (v. supra note [94]) et Felix i Platter (v. note [12], lettre 363).

  5. Mise en mouvement.

  6. Rêvent.

  7. L’estomac.

  8. En grec εφιαλτης, éphialtês, veut dire « cauchemar » ; εφιαλτια, éphialtia, était une herbe censée en empêcher la survenue ; et εφικνεομαι, éphiknéomaï, signifie « je parviens à saisir ». Cette étymologie peut se référer au verbe « côcher » de la notule {a} supra.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Une thèse cardinale de Guy Patin :
« La Sobriété » (1647), note 97.

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(Consulté le 18/04/2024)

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