L. latine 305.  >
À Heinrich Meibomius,
le 24 juillet 1664

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Heinrich Meibomius, le 24 juillet 1664

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(Consulté le 19/04/2024)

 

[Ms BIU Santé no 2007, fo 172 vo | LAT | IMG]

Au très distingué Heinrich Meibomius, docteur en médecine, à Helmstedt.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je viens de recevoir votre dernière, datée du 15e de mars, laquelle m’apprend seulement, mais non sans une immense joie, que vous vivez et vous portez bien, et que je suis fort aimé de vous ; toutes choses que je souhaite ardemment. Avec votre élégante lettre, j’ai aussi reçu les opuscules que vous y avez joints ; je vous en remercie particulièrement, mais en tout premier pour l’Oratio funebris de votre très distingué père [2] écrite par le très éminent M. Neucrantz, [1][3] dont je connais fort bien et depuis longtemps l’érudition, et auquel je vous prie de bien vouloir faire mes recommandations. Les frères Valois se portent bien, [4][5] tout comme Ménage, [6] Bigot, [7] Mentel [8] et Boulliau, [9] le bon père Jacob [10] et Philippe Labbe, [11] de la famille de Loyola. [12] J’ai ici le Diogenes Laertius de Ménage, [2][13] je l’ai reçu d’Angleterre, plusieurs jours avant Ménage lui-même, tant mes amis sont influents. J’ai aussi le Cardan complet en dix tomes in‑fo, et ce depuis quinze mois, [14] et depuis dix mois, le grand ouvrage de l’excellent et immense Samuel Bochart. [3][15] Je n’ai rien entendu dire de plus de ce livre de votre Galateau, [16] médecin à Bordeaux, contre Willis. [4][17] Tanneguy Le Fèvre [18] m’a récemment envoyé sa nouvelle édition mise à jour des Fabulæ de Phèdre, [19] avec leur traduction en français, ainsi que la vie des poètes grecs qu’il a écrite en notre langue. [5] Vossius est à Paris depuis quelques jours ; [20] Pierre Petit [21] lui a répondu par son de Luce, mais son Arétée n’avance pas et nul n’est assuré de ce qu’il en adviendra, [22] par la paresse ou l’indigence de l’imprimeur. [6][23] Je suis heureux que les Litteræ Provinciales Montalti aient été publiées dans votre pays ; [24] beaucoup de gens apprendront ainsi de quelle bonne foi se prévalent ces bons pères, qu’un magistrat du Parlement appelait jadis ici joliment les satellites ou les janissaires du pape[7][25][26] J’ai reçu d’Allemagne deux traités posthumes de feu Caspar Hofmann, dont j’ai ici quatre ouvrages manuscrits, savoir les Chrestomathies physiologiques et pathologiques, ainsi que ses annotations in Galeni Methodum et libros de Sanitate tuenda[27][28][29] [Ms BIU Santé no 2007, fo 173 ro | LAT | IMG] Laurent Anisson, [30] libraire de Lyon et excellent homme, me promet solennellement qu’il en entreprendra l’impression l’an prochain ; je suis contraint de me rabattre sur lui puisque je ne pourrais rien espérer de tel de nos Parisiens, qui sont de purs, pour ne pas dire de misérables videurs de bourse, et asini ad lyram[8] Puisse Dieu nous conserver le très grand Thomas Reinesius car il est un remarquable fleuron de notre très salutaire métier. [31] J’ai jadis ici connu Arnold Boot ; [32] c’était, je pense un Anglais ou un Batave, savant certes, mais infatué de chimiatrie, [33] doué d’une intelligence supérieure et habité par la haine d’Aristote. [34] Tanti est sapere ! [9] Il fit naufrage dans un port et mourut en France, près de Rouen, vers l’an 1652, tandis qu’il attendait un jour commode et favorable pour faire voile vers l’Angleterre. [10] J’offrirai vos Carmina à Ménage après qu’il sera revenu ici : il est parti hier en Lorraine pour aller voir son vieil ami, M. l’éminentissime cardinal de Retz. [11][35] Il vous appartient de voir et de décider pour le livre de votre très distingué père de Cervisia, je m’en remets entièrement à vous ; Dii vobis principatum dedere, nobis obsequij gloria relicta est[12][36] Où votre compatriote Julius Hacberg, [37] ce si excellent jeune homme, vit-il aujourd’hui ? S’il est proche de vous, je vous prie de le saluer de ma part, ainsi que le très distingué M. Hermann Conring, [38] grande gloire du monde des lettres que je tiens en très haute estime, et que M. Hermann Conerding, [39] votre très digne archiatre, qui a jadis été fort mon ami. Je lis dans le livre de Scriptis medicis de M. Vander Linden [40] (dont j’aurais souhaité qu’il fût encore en vie et qu’il ne fût pas si malencontreusement passé de vie à trépas pour avoir, contre toute méthode, refusé la phlébotomie et pris un médicament chimique empoisonné avec de l’émétique, contre sa fièvre continue et son catarrhe suffocant) [41][42][43][44][45] que votre père a écrit et publié à Lübeck en 1652, in‑4o, un Discursus de Mithridatio et Theriaca[46][47] je le désire bien sûr fort ardemment, mais comment me le procurer ? Que me laissez-vous aussi espérer de son Historia medica ? [13] Que les dieux me pardonnent, mais on a vanté ce contrepoison à l’excès ; pour parler comme Pline l’Ancien, compositio luxuriæ Theriaca[14][48] elle ne peut tenir aucune de ses promesses, que ce soit contre les poisons ou contre la peste. [49] Depuis longtemps, je la regarde d’un œil torve, d’où m’est venue l’idée d’en écrire une thèse et de la faire disputer en nos Écoles avec cette conclusion : Ergo nulli bono Theriaca, ou plutôt Ergo Theriaca in pestilenti febre venenum ; [15] c’est ce que je ferai si Dieu me prête vie, à moins que votre thèse ne me persuade du contraire et ne me fasse changer d’avis. [50] Vale et aimez celui qui toute sa vie sera vôtre de tout cœur,

Guy Patin.

De Paris, le 24e de juillet 1664.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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