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Consultations et mémorandums (ms BIU Santé  2007) : 13  >

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Consultations et mémorandums (ms BIU Santé 2007) : 13

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8143

(Consulté le 19/04/2024)

 

[Ms BIU Santé no 2007, fo 245 ro | LAT | IMG]

Fièvre synoque putride chez un jeune homme
[consultation non datée]

Consultation médicale pour un jeune homme […] [a][1][2]

Pour exercer la médecine avec méthode et raison, comme Galien l’a très clairement énoncé, [3] la maladie qui se présente à nous doit être précisément […] caractérisée ; ensuite et dès que possible, l’issue doit en être présagée ; enfin, il faut entreprendre son traitement. Puisque la bonne manière de remédier a jusqu’alors été observée chez ce patient, et continuera de l’être, je me contenterai d’effleurer sommairement le sujet : j’expliquerai brièvement ce que je pense moi-même, en premier lieu, du diagnostic du mal qui l’affecte, en deuxième lieu, de son pronostic, et en dernier lieu, de son traitement.

Le pouls rapide et précipité, la soif extraordinaire, la chaleur ardente et mordante, et d’autres symptômes de ce genre indiquent indubitablement et prouvent avec éclat que notre malade est en proie à une fièvre ; mais toute fièvre peut être soit essentielle, soit symptomatique. [1][4] Son caractère essentiel se caractérise notamment par le fait qu’elle a débuté d’elle-même, sans avoir été précédée d’aucune autre maladie. Ensuite, une fièvre première est soit éphémère, soit putride, soit hectique. [2][5][6] Celle-ci n’est pas éphémère parce qu’elle a incommodé le malade depuis déjà plusieurs jours ; elle n’est pas non plus hectique, parce que la substance charnue des parties solides n’est pas détruite ; il s’agit donc d’une fièvre putride. Ajoutez à cela que tous les signes de putréfaction y sont évidents : chaleur ardente et mordante, à tel point qu’elle se fait rudement sentir à la palpation du corps ; pouls et respiration inégaux ; urine sanglante dès le commencement de la maladie ; [3][7] disposition précédemment saine du corps. En outre, la fièvre putride peut être intermittente ou ne pas l’être, comme celle qui se présente à nous : elle est continue puisqu’il n’y a jamais eu de période d’apyrexie. [4][8] Trois mots qualifient cette fièvre non intermittente : συνεχης, συνοχος και καυσος, continua, continuens et ardens[5] Il y a deux sortes de synoques, putrides et non putrides ; [6][9] mais celle-ci est une synoque putride provoquée par un pourrissement du sang qui se trouve enfermé et corrompu dans les gros vaisseaux situés entre les aisselles et les aines, comme l’indiquent, à l’évidence, l’âpreté même de la chaleur, les urines épaisses, rouges et troubles, la douleur de tête perpétuelle, dont la compagne est une envie presque irrépressible de dormir ; et je ne doute pas qu’à cette plénitude s’ajoute, d’une manière ou d’une autre, une cacochymie, laquelle est bilieuse. [7][10][11][12] Je résume en peu de mots le diagnostic complet de la maladie : son espèce est une synoque putride ; sa cause est l’abondance de sang en putréfaction ; la partie affectée est l’ensemble de presque tous les viscères, mais principalement ceux que contiennent les première et seconde régions du corps. [8]

Quant au pronostic, puisque la maladie est aiguë, on ne peut à coup sûr que funestement présager de sa guérison, en invoquant l’édit d’Hippocrate (aphorisme 19 de la 2e section) : Των οξεων νοσηματων ου παμπαν ασφαλεες αι προδιαγορευσιες, ουτε της υγειης, ουτε του θανατου. [9][13] De graves symptômes torturent le patient, annonçant assurément qu’il est en péril : insomnies, divagations, douleurs violentes autour des viscères, agitation du corps, lipothymie, [10][14] dyspnée, soif, perte de l’appétit, crudité visible dans les fèces et les urines, [11] traits du visage fort altérés, hypocondres durs, [15] contractés et douloureux, et autres manifestations de cette sorte ; mais les forces encore robustes, la vigueur de la jeunesse et le fait que la maladie puisse s’accorder avec sa nature, ses bonnes habitudes de vie, son âge et la saison où nous sommes, n’ôtent pas tout espoir de guérison.

Il reste le traitement, qui doit recourir aux trois sortes de remèdes : régime alimentaire, [16] opération manuelle [12] et pharmacie. Le régime doit être froid et humide, interdire complètement le vin, [17] ainsi que les mets salés et poivrés ; mais consister seulement en bouillons réfrigérants, assaisonnés avec beaucoup de verjus [18] ou de jus de citron, [19] en œufs frais, en pommes cuites ; pour boisson, de l’eau d’orge dans laquelle auront bouilli des chicoracées. [13][20][21] La phlébotomie [22] convient parfaitement pour évacuer l’humeur peccante qui est dans les gros vaisseaux car, comme Galien l’a très clairement écrit, au livre ii de la Méthode, inciser la veine est ce qu’il y a de plus salubre dans les fièvres, non seulement dans les continues, etc. [14] Pour un rafraîchissement plus sûr et pour évacuer les rebuts des excréments en décomposition, on pourra surtout injecter, de temps à autre, un lavement [23] composé de réfrigérants et d’émollients, avec du miel, [24] du sucre, [25] etc. Pour ôter la douleur de tête, il faut appliquer de l’oxyrrhodin sur le front. Pour modérer l’ardeur et la douleur des reins, on enduira les lombes avec du cérat de Galien oxycraté. [15][26][27][28][29][30] Voilà mon avis sur le diagnostic, le pronostic et le traitement de l’affection que vous me soumettez. [16][31]

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Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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