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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Ana de Guy Patin : Borboniana 7 manuscrit

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8208

(Consulté le 19/04/2024)

 

Ms BnF Fr 9730 page 45 [1]

  • Lambertus[2] poète allemand (c’est le même qui a médit de Muret), [3] dit en un certain endroit, en menaçant Charles ix[4] à cause du massacre de la Saint-Barthélemy : [5] Puer tyranne, moriere tabe [6] vel veneno[1][7] Il est vrai qu’il est mort de l’un, et peut-être de l’autre aussi ; mais je crois que ce poète n’a fait ce vers qu’après la mort de ce roi, qui mourut au Bois de Vincennes < l’an > 1574. [8]

  • C’est une grande consolation aux parents quand ils voient faire fortune à leurs enfants, après qu’ils ont bien peiné pour cela. Hieronymus Vida Cremonensis, [9][10] gentil poète latin, a fait des vers en la mémoire de ses père et mère, où il témoigne avoir particulièrement grand regret de ce que ses père et mère ne l’ont vu évêque, comme il était devenu après avoir longtemps servi les papes Léon x [11] et Clément vii[12] et regrette fort leur mort au temps qu’il pensait à les aller voir. Vide pag. 561, sub finem operum, edit. in‑16. De Hieron. Vida vide Thuan. tom. 2, pag. 361[2][13]

  • Virgile était très savant in rebus naturalibus, in rebus rusticis, in natura equorum et aliorum animantium[3][14] Il était bien savant de médecine aussi, mais on ne reconnaît pas, en aucun endroit de ses œuvres, qu’il ait été médecin. J’ai vu des médecins qui étaient fâchés contre lui de ce que, dans le 12e de l’Énéide, il les avait appelés inglorii[15]

    Ille ut depositi proferet fata parentis,
    scire potestates herbarum, usumque medendi
    maluit, et mutas agitare
    inglorius artes.

    Vide Thesaurum rerum absconditarum Jo. Talentonii, [16] pag. 250. Voy. l’Apologie de M. Naudé, pag. 631, 624, 608. [4][17][18]
    Bodin, en sa Démonomanie[19] lib. 2, chap. 2, Itaque Virgilius, qui non postremus inter magos habebatur, inquit : [20][21]

    Carmina vel cœlo possunt deducere Lunam,
    Carminibus Circe [22] socios mutavit Ulyss<is>. [23]

    Et alibi :

    Frigidus in pratis cantando rumpitur anguis, etc.
    Atque satas alio vidi traducere messes
    .

    Item :

    Hæc se carminibus promittit solvere mentes,
    Sistere aquam fluviis, et vertere fulmina 
    sic > retro,
    Nocturnosque ciet manes : mugire videbis
    Sub pedibus terram, descendere montibus ornos, etc
    .

    P. 115, edit. lat[24]

    De Virgilii laudibus, vide prolegomena Pontani [25] et La Cerda[5][26] Virgile était grand philosophe platonicien, [27] et fort entendu aux mathématiques. C’est ce qui a fait dire à beaucoup d’écrivains qu’il était sorcier. [28] Quelques-uns même ont dit qu’il était sodomite, [29] mais il n’y a pas d’apparence. Virgile [page 46] avait l’esprit trop bon : tous ces contes de gens oiseux sont des rêveries insupportab[les] ; d’autres fous disent qu’il mourut la nuit que Jésus-Christ vint au monde, ce[la] est encore faux car il est mort 17 ans devant.

  • Germain Valens de Guelis était abbé de Paimpont, [30] conseiller de la Cour [et] chanoine de Notre-Dame. [31] Il était natif d’Orléans. Il était oncle des Varade, [32] dont l’un a été jésuite. Il donna tous ses bénéfices pour être évêque d’Orléans, mais il mourut avant que d’y avoir fait son entrée. [33] Il avait ordonné qu’en quelque endroit qu’il mourût, qu’il y fût enterré, fût-ce dans un chétif village. Il mourut à Meung [34] et fut enterré à Saint-Lifard. Ce Meung sur Loire appartient aux évêques d’Orléans. Voici son épitaphe, que j’y ai autrefois lue :

    Turbabant Musæ moriente Valente, sororum
    Uraniæ [35] vati, sed comes una fuit
    .

    En son jeune âge, il avait été chanoine de Saint-Aignan d’Orléans, [36] puis doyen. Obiit Meduni ad Ligerim, anno 1587. 25. sept[6] Il avait été un de ces savants qui entretenaient le roi François ier [37] tandis qu’il était à table, et c’est de là qu’il fit fortune. Il a commenté Virgile, lequel il a dédié à Jean Le Voix, [38] conseiller de la Cour, Jean Valens de Guelis [39] et Germain Varade, [40] ses neveux. Il y a bien de la doctrine dans ce commentaire, mais il n’est pas bon à faire entendre ce grand poète. Ce n’est presque qu’une conférence de plusieurs passages grecs avec ceux que Virgile a empruntés. [41] Fulvius Ursinus [42] a fait exprès un livre, qui est fort bon. Je l’ai < dans l’>impression de Plantin, [43] je crois que M. de Paimpont s’en est servi, car il est < sic pour : a été > imprimé plus de dix ans avant son Virgile. Ce Fulvius Ursinus était fort savant, de illo, vide Thuanum, tom. 4, pag. 208[7]

  • Je ne crois pas que Lucien [44] ait été chrétien, comme on dit. Il est bien vrai qu’il en a parlé en certains endroits, mais par dérision. Je crois pour moi que Lucien était un pur athée, et libertin sans aucune religion. [45] Il en paraît ample témoignage en son Jupiter confutatus, Jupiter tragœdus, etc[8][46][47] Quelques-uns disent qu’il fut chrétien quelque temps et qu’enfin, ayant manqué à quelques devoirs de sa religion, les chrétiens le chassèrent d’entre eux ; mais je ne vois pas de preuve de cela. Lucien même dit cela d’un autre au traité de Morte Peregrin[i][48][49] Vide Lucianum editum a Joanne Benedicto [50][51] tom. 2. pag. 756 in argumento, et pag. 766, et tom. i, pag. 879[9][52] Il a parlé des chrétiens en ce même traité sous ces mots :

    Quo tempore mirabilem Christianorum sapientiam, didicit, etc.
    Postquam igitur in vincula est conjectus, Christiani rem hanc pro ingenti calamitate ducentes, omnia moverunt, ipsum eripere conantes, etc.
    Quinetiam constat ex Asiaticis urbibus, venisse aliquos missos a Christianis ex publico, qui opem ferent, etc.
    Itaque iterum vagaturus abiit, satis viatici in Christianis habens, a quib. stipatus, in omni rerum copia versabatur, etc
    [10]

    Au traité Philopatris[53] il parle de Christo, edit. Salmur. p. 1003. Il a dit in Alexandr[o] seu Pseudourante : Nemo Christianus, nemo Atheus ingrediatur : siquis impius, aut Christianus aut Epicureus mysteriorum explorator accessit, discedat ; sed qui Deo credunt, feliciter initientur. Sub hæc protinus exigebat illo præeunte ac dicente, foras pellantur Epicurei, tom. 1, pag. 888, edit. Sal[mu]riensis[11][54][55] Suidas [56] dit qu’il vivait du temps d’Adrian, [57] et qu’il fut mangé des chiens ; d’autres disent qu’il est mort de la goutte, [58] et cela est plus vraisemblable, car si les chiens l’eussent ainsi mangé, cette mort eût été remarquée de plusieurs comme bien exemplaire, et principalement par les chrétiens, ses ennemis. [12]

  • Claudianus [59] poeta poterat videri Christianus, nisi D. August. [60] negasset, lib. v de Civit. Dei, cap. 26, his verbis : Poeta Claudianus, quamvis a Christ[i] nomine alienus, in ejus tamen laudibus dixit. [page 47]

    O nimium dilecte deo, cui fundit ab antris
    Æolus armatas 
    sic > acies, cui militat æther,
    et conjurati veniunt ad classica venti
    .

    Vide Commentarium Lud. Vivis in hunc locum. [61] Orosius [62] quoque lib. 7 Hist. cap. 35. sic loquitur : Unus ex iis, poeta quidem eximius, sed paganus pervicacissimus, hujusmodi versibus et Deo et homini testimonium tulit, etc. [13][63][64] De Claudiano vide Theologiam naturalem Raynaudi, [65] p. 910. Vide variorum auctorum testimonia in Claudiano Barthii, et ipsum Barthium in Adversariis[14][66]

  • M. le Card. de Richelieu [67] et M. de Bullion [68] font tout en s’accordant ensemble : l’un veille trop et ne dort guère, l’autre dort presque toujours, et néanmoins tout passe par leurs volontés. Il y a dans Claudian un bel épigramme de deux hommes semblables :

    Mallius indulget somno noctesque diesque,
    Insomnis Pharius sacra profana rapit.
    Omnibus hoc Italæ gentes exposcite votis.
    Mallius ut vigilet, dormiat ut Pharius
    .
    Vide Claudianum Barthii, p. 337[15]

  • Ce prince d’Éthiopie [69] supposé est infailliblement un imposteur. On dit qu’il est Grenadin ; [70] pour moi, je le sens prince d’Utopie. [71] Il est extrêmement impudent, mais c’est une qualité nécessaire à un imposteur. Il contrefait assez bien le prince, il est fort écouté. Quand de belles dames le vont voir, il cajole en particulier fort avec elles, et puis eis ostendit sua genitalia[16][72] dont il est fort bien fourni, et presque autant qu’un mulet. On dit que c’est par là qu’il a gagné les bonnes grâces de Mad. Saunier. [17][73]

  • Les princes et seigneurs de France, du temps du feu roi Henri iv [74] viderunt quid esset extremum in libertate ; nunc experiuntur quid sit extremum in servitute. Vide Vitam Julii Agricolæ apud Tacitum, in initio[18][75] C’était un si bon prince : il n’eût pas voulu avoir envoyé à la Bastille [76] le moindre gentilhomme ; aujourd’hui, on les y envoie à tas. Il n’eût pas voulu fâcher la moindre famille de Paris, voyez combien il marchanda à faire arrêter le maréchal de Biron, [77] duquel il savait toutes les menées. Il fit faire des recherches contre les financiers, lesquels, pour se libérer, accordèrent tous ensemble à huit cent mil livres, l’an 1601 ; [78] quand ce bon prince vit cet argent compté, il fut fâché d’avoir fait cette poursuite, en laquelle les innocents avaient autant payé que les coupables, et dit que ce fait lui semblait si odieux qu’il avait peur que ces pauvres gens-là ne l’aimassent jamais. C’est chose étrange comment il craignait d’être appelé tyran : il n’eût pas voulu, sans grande connaissance, avoir irrité personne. Le roi d’aujourd’hui [79] a fort bonne conscience, mais il a bien eu de mauvais conseils : bon Dieu, que l’on a fait de mal sous son nom en France, et ailleurs ! [19]

  • M. le général des galères[80][81] qui s’est fait père de l’Oratoire, [82] a son fils, M. de Buzay, [83] qui eut hier, 4 février 1638, le premier lieu de sa licence en Sorbonne. [84] Il l’a emporté de plusieurs voix contre un nommé de Souillac, [85] qui est frère de Mess. Daniel du Plessis, [86] évêque de Mende, [87] qui mourut l’an 1628 au siège de La Rochelle. [88] Il se dit parent de M. le Card. de Rich. ; M. le Commandeur de La Porte, [89] oncle maternel du dit cardinal, le fut recommander en Sorbonne, et disait aux docteurs, en montrant le bâtiment neuf, que ces pierres parlaient pour son neveu de Souillac. [90] Néanmoins, les bons docteurs n’ont point eu égard à cette recommandation : et ceux de la Maison, et les moines, et les curés de Paris, qui ont affaire quelquefois de M. l’archevêque de Paris, [91] qui est [page 48] son oncle, l’ont préféré au parent de l’Éminence. Il n’y a eu que de certains ambitieux, et qui épiscopisent, entre autres M. Lescot, [92] qui l’ont donné à M. de Souillac. [20] Comme ils disputaient l’un contre l’autre sur les bancs, en Sorbonne, M. de Buzay pressait ce de Souillac d’une autorité de quelque Père, que l’autre nia tout à fait : M. de Buzay lui apporta le livre et le lui montra ; de Souillac, pensant y répondre, dit Habeo domi alia toma, in quibus hoc non legitur. Tout le monde se mit à rire de ce solécisme. Un cordelier [93] là présent lui dit : Quia vidisti, Thoma, [94] credidisti ; beati qui non viderunt et crederunt, Joan. 20:29[21][95] Le frère aîné de ce M. de Buzay est le duc de Retz, [96] qui est fort riche, mais fort endetté et mauvais ménager. Son père m’a dit qu’en un an il avait fait faire pour vingt-huit mil francs d’habits : quelle sottise, regardez où va la dépense d’une maison avec ce dérèglement ! C’est lui qui a vendu, il y a 3 ou 4 ans, sa charge de général des galères à M. de Pont-de-Courlay, [97] neveu de son Éminence. [22][98][99]

  • M. Antoine [100] était un riche marchand de vin, que sa femme fit tuer près de Juvisy, [101] pour épouser un nommé Jumeau, [102] commis de M. de Beaumarchais, [103] l’an 1599. Elle en fut pendue [104] à la place Maubert, [105] et lui, rompu tout vif. [106] Voyez les Histoires tragiques de Du Rosset, [107] c’est la dernière de l’édition in‑8o de l’an 1619. [23]

  • Alfeston[108] qui fut rompu à Metz < en > 1633, par arrêt du parlement qui y était de nouveau installé, [109] était fils du lieutenant de l’évêché de Châlons-sur-Saône < sic >, [110][111] qui s’est sauvé en Flandres. [112] Son père était écossais, médecin à Châlons, [113] qui ne prenait argent ni présent de personne : faciebat medicinam gratis ; [24] il vivait en stoïque, il se moquait de ceux qui faisaient des voyages longs et périlleux, il disait qu’il ne servait < à rien > d’aller à Rome, puisque les chiens y aboient comme à Paris. [114] Sperare Deum faventiorem in Hispania quam in Gallia, Romæ quam Lutetiæ ; aut petere ex remotis regionibus remissionem peccatorum, aut alicui loco auxilium Dei alligare aut peregrenari sub opinione meriti, vel satisfactionis pro culpa, superstitio est, nec tam a patria quam a fide peregrinatio. Ex populi vero peregrinationibus corrogare pecunias, quæstus est et religionis cauponatio. Denique indicere peccatori peregrinationem, aut ei qui se voto obstrinxit ad peregrinandum, gratiam istius laboris facere, commutata pœna corporis in multam pecuniariam, tyrannis est et putrida nundinatio. Vide epistolam Gregor. Nyssani de euntibus Yerosulema, sic > versam a Petro Molinæo, pag. 25[25][115][116]

  • Adrien vi [117] était natif d’Utrecht, [118] fils d’un batelier. Il fut fait pape l’an 1522 pour avoir été précepteur de Charles v[119] qui lui procura cette dignité. Il ne fut pape que 20 mois. Il fit cardinal Gulielmus Euchanordius, [120] qui était de son pays. Il voulut être enterré avec cette épitaphe : Adrianus vi hic situs est, qui nihil sibi in vita infelicius esse duxit, quam quod imperaret[26] Il déplut fort aux Italiens pour son gouvernement ; qua de causa petulantissimi juvenes, Joanni Antracino [121] Adriani vi medico, postes festa fronde per intempest[am] noctem exornarunt cum titulo uncialibus literis inscripto in hæc verba, Libertatori patriæ S.P.Q.R. scilicet ut eo joculari elogio non medicus uti veneficus aut imperitus, sed majestas ipsa sanctissimi pontificis, qui salut[ari] [page 49] censura, uti dignum erat principe Christiano, urbem atque aulam probrosis vitiis repurgare cogitasset, non obscure carperetur. Vide Paulum Jovium [122] in Vita Adriani vi, in Vitis virorum illustrium, tomo 2[27]

  • Quand Joachim du Bellay [123] dit dans ses sonnets,

    « Mais je hais par surtout un savoir pédantesque »,

    il entend là Louis Le Roy, [124] qui était pédant à Paris, natif de Coutances. [125] Ce Lud. Regius était de mauvaise humeur, morosus et multis invisus[28] François ier l’avait quelquefois employé à mettre en latin des manifestes et quelques épîtres envoyées de Paris aux étrangers ; il était néanmoins pauvre et aliena quadra vivere coactus, tandem obiit Lutetiæ anno 1579. De eo vide Thuan. tom. 3 pag. 356 et Sammarthanum. [126] Unum addam : omnia ferre possum : pædagogicum judicium ferre non possum. Joseph. Scalig. Ausonianarum lectionum lib. i p. 81[29][127]

  • Joseph Scaliger [128] était bien pauvre après la mort de son père [129] car il servit de sous-maître chez Dorat, [130] pour faire répéter ses écoliers. Cela m’a été assuré il y a plus de 40 ans par un homme qui l’y avait vu, et qui avait été un des pensionnaires de Dorat, lequel honorait et admirait grandement Scaliger lorsqu’il me dit cela. Enfin, Scaliger trouva retraite chez M. d’Abain de La Roche-Pozay, [131] en qualité de gentilhomme suivant et comme gouverneur de son fils, qui est aujourd’hui évêque de Poitiers, [132] qui lors avait pour précepteur Daniel Tilenus, Silesius. [133] Madame d’Abain [134] était alors huguenote [135] et aimait fort Scaliger, qui se fit aussi huguenot en ce temps-là ; [136] mais depuis, elle s’est convertie par le moyen de son fils. Cet évêque de Poitiers vivit abstemius [30][137] et ne mange que de grosse viande ; voilà pourquoi on appelle du bœuf et de l’eau les délices de M. de Poitiers. Il ne boit qu’un coup à chaque repas, après qu’il a tout mangé, en se levant de table.

    Daniel Tilenus, Silesius, fut précepteur du fils de M. d’Abain, puis après de M. de Laval ; [138] enfin, se retira à Sedan [139] où, ayant eu prise avec le duc de Bouillon [140] pour la défense des arminiens, [141] il vint à Paris où il est mort. Ce Tilenus a été soupçonné d’être l’auteur de l’Anticotton[142] sed frustra : [31] c’est le ministre Pierre Du Moulin qui l’a fait. Ce Tilenus était arminien, Hugo Grotius [143] l’est aussi. M. le procureur général [144] disait un jour qu’il ne savait où on enterrerait ces deux hommes qui étaient de religion différente des luthériens [145] et calvinistes. Ces arminiens approchent de la bonne doctrine touchant la prédestination ; [146] mais néanmoins, ils sont toujours hérétiques. Les stoïques disent que passez une ligne d’un pied, c’est autant que cent lieues[32][147][148] Les Suédois sont luthériens. Le duc de Bouillon fut arminien, puis se fit gomariste [149] et harcela fort Tilenus, lequel lui reprocha qu’il avait tort de l’inquiéter pour la doctrine d’Arminius, laquelle il avait autrefois suivie et approuvée. Le duc de Bouillon lui dit qu’il avait changé d’avis à cause et à la prière du roi d’Angleterre, [150] avec lequel il voulait demeurer en bonne intelligence. Tilenus lui répondit que les rois ne pouvaient rien sur sa conscience, mais qu’il voulait demeurer et mourir arminien à cause de Dieu. [33]

  • Le procureur général Bourdin [151][152] était fort catholique. C’est un gros homme fort savant qui étudiait toujours quand il était au Palais. Il semblait toujours dormir, et néanmoins répondait à propos à tout ce qu’on avait dit. [page 50] On le trouvait ordinairement chez lui assis dans une chaire, un livre à la main. Il était fort savant en grec. Il mourut d’apoplexie [153][154] à Paris l’an 1570, âgé de 53 ans. Il avait rudement poursuivi, et était grand ennemi des luthériens et huguenots de France. Vide Sammarthanum in Elogiis. Un courtisan l’appela un jour gros pourceau, à cause qu’il ronflait comme s’il eût dormi ; M. Bourdin lui répondit que d’un pourceau tout en était bon, même après sa mort, mais qu’un âne n’était bon à rien s’il n’était écorché pour faire des tambours de sa peau. Inter poemata Theod. Bezæ legitur ejus epitaphium, pag. 42[155][156] M. Bourdin est le premier qui a tourné de grec en latin et commenté la Lysistrata d’Aristophane, [157] avec un commentaire grec qu’il dédia à François ier, roi de France. [34]

  • Homère est le plus ancien auteur profane que nous ayons, car je crois qu’Hésiode [158] a été depuis lui. Cela est étrange que L’Iliade [159] et L’Odyssée [160] nous soient demeurées, et que tant d’autres livres aient été perdus. Même dans les œuvres d’Homère, on n’y découvre rien de lui, il n’en a pas dit un seul mot. Quelques-uns le nomment Melesigenes à cause du fleuve Methes < sic >, [161] auprès duquel il était né. D’autres disent qu’il était aveugle et que son nom lui fut donné de là ; [162] mais tout cela est bien incertain. Quoi qu’il en soit, Homère a été un grand personnage. Il y a un grand ordre et une grande suite en tout son œuvre. Primo nec medium, medio nec discrepat imum[35][163] Je sais bien que Jules-César Scaliger l’a fort blâmé et piqueté, mais c’était afin de faire préférer Virgile ; mais les jugements de Scaliger sont quelquefois bien étranges, vu aussi que lui-même fait de fort mauvais vers, et que néanmoins, il a jugé de tous les poètes in libros Poetices[36] J’avoue bien que Virgile était aussi un grand personnage, mais je voudrais le louer sans blâmer Homère, qui a été le prince des savants. Virgile même a beaucoup pris et appris d’Homère, et néanmoins a été fort ingrat envers lui. Vide prolegomena Jo. La Cerda in Virgilium[37] Il a bien fait mention de Théocrite [164] et de Hésiode, mais jamais d’Homère. Les savants hommes ont remarqué l’ingratitude de Virgile envers Homère et envers Cicéron, [165] car dans le vie de L’Énéide[166] Musæum [167] ante omnes collocat, Homerum ne nominat quidem[38] Il y parle aussi de Catilina, [168] mais pas un mot de Cicéron cujus virtute pestis illa patriæ oppressa fuerat : cujus ornandi nulla alte justior esse potuit occasio. His argumentis, fateor vix videre me, quid pro Virgilio responderi queat. Vide Antonii Mureti, Lect. Vari. lib. 18. cap. 4. tom. 2. Thes. Critici p. 1215[39][169] Castelvetro [170] sur la Poétique d’Aristote [171] a dit, pour cela et pour autre chose, que Virgile n’avait pas d’esprit. Vide Vinc. Guinisii alloquutiones gymnasticas, in Indice[40][172]

  • Le défunt président de Thou [173] eût bien voulu être premier président au < sic pour : du > Parlement de Paris après son beau-frère, le prem. président de Harlay, [174] mais deux choses l’en empêchèrent : 1. qu’il n’eût pas voulu donner cinquante mil écus de récompense à M. de Harlay, comme fit le président de Verdun ; [175] 2. que le pape ne le voulait pas, à cause de son Histoire. Il eût été bien empêché aux audiences car il ne pouvait pas bien prononcer les arrêts, mais il était fort savant. Avant que faire son Histoire, qui est un fort bon livre, il avait fait de fort bons vers, et en plus grand nombre qu’il n’y en a dans Virgile. On disait que M. de Verdun ferait mieux cette charge-là que lui, vu que M. de Verdun savait aller et parler ; la reine mère [176] l’appela de Toulouse [177] à Paris comme un grand justicier, et fort digne de cette place. [41]

  • Joachim Du Bellay est mort chanoine de Notre-Dame, et eût été, [page 51] s’il ne fût mort, archevêque de Bordeaux. Il était sourd, [178] il est mort paralytique. Vide Sammarthanum in Elogiis, et Jac. Thuan. tom. i. pag. 808. anno Christi 1600sic pour : 1560 >. [42]

  • Apollonius [179] prédit à Vespasien [180] qu’il serait empereur ; au moins Philostrate [181] le rapporte ainsi en sa Vie, lib. v. edit. Græcolatin. cap. 10. pag. 235[182] Voy. le commentaire de Vigenère [183] sur ce chapitre, pag. 114 de la 2e partie. [43] À cause qu’Appolonius lui avait promis l’Empire, et qu’il l’avait comme choisi entre plusieurs autres, il entra en grande vénération, plusieurs le réputant autant qu’un dieu ; ce qui a donné lieu aux miracles que quelques-uns racontent de ce Vespasien, comme Suétone in Vespasiano, [184] cap. 7. et Corn. Tacitus lib. 4. Histor. sub finem : [185]

    Ex plebe Alexandrina [186] quidam, oculorum tabe notus, ad genua eius advolvitur, remedium cæcitatis exposcens gemitu, monitu Serapidis dei, [187] quem dedita superstitionibus gens ante alios colit, precabaturque principem, ut genas et oculorum orbes dignaretur respergere oris excremento. Alius manum æger, eodem deo auctore, ut pede ac vestigio Cæsaris calcaretur, orabat. Vespasianus, primo inridere, aspernari ; atque illis instantibus, modo famam vanitatis metuere, modo obsecratione ipsorum, et vocibus adulantium in spem induci : postremo æstimari a medicis iubet an talis cæcitas ac debilitas, ope humana superabiles forent. Medici varie disserere. Huic non exesam vim luminis, et redituram si pellerentur obstantia : illi elapsos in pravum artus, si salubris vis adhibeatur, posse integrari. Id fortasse cordi deis et divino ministerio principem electum : denique patrati remedii gloriam, penes Cæsarem, inriti ludibrium penes miseros fore. Igitur Vespasianus cuncta fortunæ suæ patere ratus, nec quidquam ultra incredibile, læto ipse vultu, erecta quæ adstabat multitudine, iussa exequitur. Statim conversa ad usum manus, ac cæco reluxit dies. Utrumque qui interfuere nunc quoque memorant, postquam nullum mendacio pretium ; etc[44]

    Ce même Apollonius reprocha à Domitien [188] que son père, Vespasien, n’avait été fait empereur que par son moyen : c’est au chap. 3 du 8e livre, page 625 de l’édition française, avec les commentaires de Vigenère ; et in edit. Latinogræca, pag. 382 : Is autem est pater tuus, qui me tanti faciebat, quanti tu illum facere prædicas. Ipse enim te genuit, a me autem rex idem factus est. Is itaque defensionis meæ patronus erit, etc. pag. 382[45]
    Il y a dans Philostrate des choses qui surpassent la créance et les forces communes, et qu’il faut tenir pour bourdes et pour fables, ou croire qu’il était sorcier. On en peut dire autant des choses étranges qui se lisent dans la vie de Jamblichus [189] et d’Ammonius, [190] et autres décrites par Eunapius Sardianus. [46][191][192]

  • La vie est le commun bien des honnêtes gens ; il faut vivre tant que nous pourrons, donec nos ex hac statione evocet summus ille Deus[47] Je ne puis approuver l’opinion de ceux qui se laissent mourir de faim, [193] comme fit Silius Italicus, [194] pour un cor qu’il avait au pied, [195] dans Pline le Jeune, [196] liv. 3, épître 7 ; comme fit Pomponius Atticus, [197] à ce que raconte Cornelius Nepos [198] en sa Vie, qui est derrière les épîtres ad Atticum ; [199] comme fit Cardan [200] à Rome, ut refert Thuanus, sub anno 1576, pag. 136 ; comme fit Corellius Rufus, [201][202] dans Pline le Jeune, libr. 1, epist. 12[48] Je suis plutôt de l’avis de Mecenas [203] qui dit dans Sénèque : [204]

    Debilem facito manu,
    debilem pede, coxo ;
    tuber adstrue gibberum,
    lubricos quate dentes,
    vita dum superest, bene est ;
    hanc mihi, vel acuta
    si sedeam cruce, sustine
    .

    Inde illud, ait Seneca epist. 101, Mecænatis turpissimum votum : quo et debilitatem non recusat, et deformitatem, et novissime acutam crucem, dummodo inter hæc mala spiritus prorogetur. Debilem etc[49] Achille : [205] dit dans Homère qu’il aimerait mieux être valet ici haut que maître dans les enfers. Virgile au vie de L’Énéide, parlant de ceux qui se sont tués, dit :

    Proxima deinde tenent mæsti loca, qui sibi lethum
    insontes peperere manu, lucemque perosi
    [page 52]
    projecere animas : quam vellent æthere in alto
    nunc et pauperiem et duros perferre labores !
    Fata obstant, tristisque palus inamabilis unda
    alligat, et noviens Styx interfusa coercet
    [50]

    Quod non liceat se ipsum interficere, vide D. Salvagnii Boessii [206] comment. in Ibin Ovidii, [207] pag. 43 ; an apud veteres αυτοχειρια licita fuerit, vide locos communes Theolog. Jo. Gerhardi [208] tom. 3 pag. 106. Serarium [209] in Macchabeos [210] in‑fo p. 476. et Ciceronem lib. i Tuscul. quæst. [211] edit. Joan. Benenati, [212] p. 4425[51][213] Savoir si les Anciens faisaient bien de se tuer, comme firent Cleombrotus, [214] Caton, [215] Corellius Rufus, vide Monita sacra Mangotii, tom. 3. pag. 34. 36[52][216][217]

  • M. Thomas Le Clerc[218] premier commis de M. de Puisieux, [219] qui était un grand débauché, voulait gager contre Bautru [220] qu’il ferait mieux des vers que lui, et lui en envoya une page qu’il avait faits sur-le-champ, au bas de laquelle il mit, in promptu, pour montrer à Bautru qu’il ferait beaucoup mieux quand il y emploierait plus de temps. Bautru ne les eut pas plus tôt reçus qu’il y fit cette réponse :

    « Une autre fois, prenez plus de délai,
    Votre in promptu n’a pas le mot pour rire,
    Vous êtes clerc, mais de Montreuil-Bellay,
    Qui buvez mieux que ne savez écrire. »

    Ce Le Clerc était natif de Montreuil-Bellay, [221] mais son père était picard. [222] Montreuil-Bellay est en Anjou, et appartient à M. de Longueville. [223] De cette ville d’Anjou est né M. Moreau, [224] docteur en médecine et professeur du roi à Paris, qui est un fort savant homme. [53]

  • Monsieur de Saint-Malo [225] est fort bontif, qui aime son plaisir ; il voudrait être à son aise, et que tout le monde y fût. Il aime un peu trop à boire, et même s’enivre quelquefois. [226] Quand il s’en alla prendre possession de son évêché, les prêtres de Bretagne, [227] qui boivent comme des Suisses, [228] se réjouissaient et disaient l’un à l’autre : « Buvons frère courageusement ! Habemus pontificem qui possit compati infirmitatibus nostris. » [54][229] C’est le vice que les païens reprochaient aux apôtres, qui étaient remplis du Saint-Esprit, car l’Église chante :

    Iudæa tunc incredula,
    Vesana torvo Spiritu,
    Ructare musti crapulam,
    Christi alumnos concrepat
    .

    Et ailleurs :

    Linguis loquuntur omnium :
    Turbæ pavent Gentilium :
    Musto madere deputant
    Quos Spiritus repleverat
    .

    Vide hymnos cantari solitos die Pentecostes[55][230][231][232] C’est néanmoins un vilain vice que l’ivrognerie. On dit pour excuser l’amour, qu’il est le vice des princes ; mais pour l’ivrognerie, je la tiens le vice des vilains.

  • Moïse [233] a été un grand personnage, fort célébré de toutes sortes d’écrivains : les uns ont parlé de lui comme d’un grand capitaine ; les autres, comme d’un homme divin, ou d’un grand et sage législateur. Juvénal parle de lui en la Satire xiv : [234]

    Tradidit arcano quæcumque volumines Moses.

    Galien [235] en a parlé en divers endroits, et plusieurs autres ; mais néanmoins tel l’a admiré pour ses belles qualités qui ne l’a pas cru. [56] La plupart des écrivains qui l’ont cité lui ont contredit. Tous les savants païens abhorraient la religion des juifs[236] laquelle n’a jamais guère eu de crédit [page 53] qu’en la Judée. [237] Notus in Judæa Deus[57][238] Pour le christianisme, les apôtres et les disciples de Jésus-Christ l’ont porté et prêché haut et loin, et le firent recevoir en divers livres, mais plusieurs choses les favorisaient, outre le concours particulier de la grâce de Dieu que Jésus-Christ leur avait promis qu’il ne leur manquerait jamais : premièrement, c’était une nouvelle religion à laquelle, comme nouvelle, plusieurs esprits se laissèrent emporter ; 2. une religion douce, agréable et sainte, Jugum meum, suave, et onus meum leve ; [58][239] 3. le grand exemple de probité que donnaient les premiers chrétiens, qui étaient les meilleures gens qui furent jamais au monde, témoin Pline le Jeune en ses épîtres. Nul d’entre eux n’était ivrogne, paillard, voleur ni meurtrier. C’étaient de bonnes gens qui priaient Dieu avec grand amour, et une grande charité entre eux. Les païens mêmes, qui se moquaient d’eux, admiraient leur vertu, leur justice, leur constance. Tertullien [240] reproche aux païens de son temps qu’il y a bien eu dans l’Empire romain des empereurs tyrans et cruels, mais que ceux qui les ont tués n’ont jamais été chrétiens. Ils jeûnaient et priaient avec grande ferveur, et vivaient fort exemplairement, orabant et plorabant, prædicantes Jesum crucifixum ; [59] ce que devraient faire aujourd’hui les moines, [241] qui ont été institués pour cela, mas ils ne s’en soucient pas, ils songent à fonder leur marmite, et ad ea quæ spectant προς τα αλφιτα. Vide præfationem Erasmi in Moriam ad Thomam Morum. Cum comm. Listrii[60][242][243][244] C’est grand pitié que la vie des chrétiens d’aujourd’hui : ce n’est que scandale, ou hypocrisie. Ubique sunt multi Christani nomine, re paucissimi. Salvianus [245] enim, lib. 3. Gubernatione Dei. Præter paucissimos quosdam qui mala fugiunt, quid est aliud omnis cœtus Christianorum quam sentina vitiorum. Vide Grotium [246] de Veritate Religionis Christianæ, pag. 561. edit. Paris. 1640[61] Il y a si peu de bons qu’à peine les peut-on reconnaître. Omnis caro corrupit viam suam.[247] Si on voyait aujourd’hui un chrétien de la primitive Église, on se moquerait de lui, on ne le reconnaîtrait point. [62] Je voudrais bien voir un livre qu’a fait M. Rigault, [248] lequel il garde manuscrit en sa bibliothèque, il l’a intitulé Character Christiani, ævo Tertulliani. Je pense qu’il fait sagement de ne le pas mettre au jour : hoc non patitur, neque tantum beneficium meretur sæculi nostri malignitas, iniquitas et impietas. Indigne cum illo ageretur, si thesaurum hunc, si Christianam hanc gemmam nobis expromeret in hac fæce sæculorum[63] Je prie Dieu pourtant que je le voie avant de mourir.
    Apud Cæsares olim gloriabatur Tertullianus, inter Cassios, et Nigros, et Albinos, et Sigerios, et Parthenios, qui vitam Imperatoribus ademerant, neminem unquam repertum fuisse Christianum. Et tamen haud defuisset illius ævi Christianis commendando facinori color, qui crudelissimos Ecclesiæ Christianæ tyrannos, ac plerumque patriæ et naturæ ipsius hostes sustulissent ; Certe non defuisset animus, neque audacia, pro religione sua, pro Christo torqueri, mori paratissimis. Sed alte insita vere Christianis mentibus, legis divinæ fides vigebat, et Apostolici præcepti memores, argutari, cavillari, fallere nesciebant. Potestates, Magistratus, Principes, quales ordinari Deo placuisset, honore, officio, obsequio colebant : sub injustissime sævientibus patiebantur. Factione aut manu quidquam audere, summum sibi esse nefas arbitrabantur : et cœtera eximia quæ habet Rigaltius in Apologetico, p. 66[64]

  • M. le prince de Condé [249] a une belle part à la royauté car le roi [250] n’a pas d’enfants et n’en aura peut-être point, joint qu’il est mal sain. 1638 : on dit que la reine est grosse ; [251] mais outre que ce peut-être un faux bruit, ce ne sera peut-être qu’une fille. Monsieur, frère du roi, [252] [page 54] n’en a point aussi ; le roi est malsain, et a eu de grandes maladies. [253] Monsieur est débauché, de sorte que la succession du royaume de France regarde fort Monsieur le Prince : il est né le 1er de septembre 1588 ; il fut arrêté au Louvre le 1er de septembre 1616 ; son beau-frère, le maréchal de Montmorency, [254] fut pris et arrêté prisonnier le 1er de septembre l’an 1632. Il me semble que ce jour lui est fatal. M. de Sancy, aujourd’hui évêque de Saint-Malo, m’a dit qu’étant ambassadeur en Levant, il a vu un juif en Constantinople [255] qui lui dit que l’an 1588 (c’est celui-là que tous les mathématiciens et astrologues avai<en>t tant décrié par leurs horribles prédictions) était né en France un futur roi de France : ce ne peut être autre que lui. Le prince de Condé, [256] son père, mourut l’an 1588, le 5e de mars, par poison ; ce fils ici naquit six mois et tant de jours après la mort de son père. Il y en a qui dise<nt> que ce père n’est que putatif, et que le propre et le vrai père de M. le Prince est un gentilhomme gascon nommé Belcastel, [257] à qui M. le Prince ressemble très fort. On dit qu’étant page du prince de Condé, la princesse [258] devint amoureuse de lui, et que l’an 1615, au mariage du roi, [259] la reine mère fit venir à Bordeaux ce gentilhomme, qui vivait encore alors, et que tout le monde le vit à la cour, mais < sic > que M. le Prince de Condé lui ressemblait entièrement ; ce que la reine mère faisait en dérision du dit prince, qui était alors son ennemi. Il est vrai que la princesse sa mère semper fuit dubiæ pudicitiæ[65] et que le feu roi s’en est maintes fois moqué, et vanté aussi, même à M. le Prince d’aujourd’hui.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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