À Charles Spon, le 28 mai 1652, note 1.
Note [1]

Journal de la Fronde (volume ii, fo 77 ro et vo, 14 mai 1652) :

« La nuit du 10 au 11, 2 000 hommes de l’armée de la cour vinrent s’emparer de Saint-Cloud avec deux pièces de canon, d’où ils tirèrent quelques coups sur les troupes de M. le Prince qui gardent le pont, la première arche duquel est rompue du côté du bourg ; dont M. le Prince ayant eu avis, commanda 500 chevaux pour y aller ; et entra au Parlement où, ayant donné part de cette nouvelle et témoigné vouloir prendre l’avis de la Compagnie sur ce qu’il aurait à faire là-dessus, on lui répondit sans délibérer qu’il pourrait y faire tout ce qu’il jugerait à propos ; ensuite de quoi, il s’alla préparer pour partir et grand nombre de volontaires voulurent l’y suivre sous la conduite de M. de Beaufort, et s’y rendirent au nombre de plus de 6 000 hommes de pied et 300 chevaux, outre les 500 de M. le Prince ; lequel, après avoir visité le pont de Neuilly, les alla trouver au bois de Boulogne, proche le château de Madrid, où il leur donna des chefs qui employèrent l’après-dînée à leur faire faire l’exercice, et les posta pour la plupart aux environs de ce château où ils voulurent passer cette nuit-là. Son A. {a} leur fit porter des vivres en abondance et leur dit, après les avoir fort caressés, qu’elle voulait coucher sur l’herbe avec eux ; cependant, ses troupes tiennent toujours le bourg de Saint-Cloud où celles de la cour ne firent autre attaque que de quelques volées de canon qui blessèrent un bourgeois. Sur les dix heures du soir, M. le Prince fit marcher tous ces volontaires vers Neully, feignant d’y vouloir passer la rivière pour aller attaquer les ennemis dans Saint-Cloud ; mais il les fit aller droit à Saint-Denis {b} qu’il attaqua si vertement qu’il le prit par force après une résistance de deux heures que firent les bourgeois et les Suisses ; en sorte que pendant que les premiers se défendaient fort bien, les Suisses se jetèrent dans l’abbaye, en résolution de s’y défendre encore mieux. Il y eut environ 25 de ces bourgeois de Saint-Denis tués et 12 ou 15 de ceux de M. le Prince, lequel ayant attaqué ensuite l’abbaye et menacé de faire pendre les chefs qui s’y étaient jetés s’ils ne se rendaient promptement, ils se rendirent prisonniers de guerre au nombre de 120 Suisses qui furent conduits ici le 12 au matin ; et parce que la ville avait été prise par force, les soldats commencèrent d’abord à piller 8 ou 10 maisons ; mais M. le Prince empêcha qu’on en pillât davantage et dit aux bourgeois qu’ils en seraient quittes pour donner du pain et du vin aux soldats ; après quoi, M. le Prince y ayant laissé les régiments de Conti et de Bourgogne en garnison, s’en vint rendre compte à S.A.R. {c} de ce qui s’y était passé ; mais l’après-dînée du même jour, MM. de Miossens et de Saint-Maigrin s’étant présentés devant Saint-Denis avec les gendarmes et chevau-légers du roi et de la reine, faisant en tout 1 000 chevaux et 500 fantassins, s’emparèrent facilement de la ville par l’intelligence des bourgeois ; mais la garnison se jeta d’abord dans l’abbaye, où elle se défend encore fort bien sous la conduite du sieur La Lande qui est un fort bon capitaine ; et parce que les bourgeois de Paris qui avaient assisté à cette entreprise s’en étaient tous revenus, étant déjà tous fatigués, M. le Prince ni M. de Beaufort n’y purent mener aucun secours capable de reprendre cette ville-là ; d’où cependant, hier au matin une compagnie de Croates étant sortie, et ayant rencontré 40 ou 50 bourgeois de Paris sans ordre et sans aucun chef, suivis de quelques autres qui étaient allés par curiosité, les tua jusqu’à des enfants de huit ans qui avaient suivi ; ce qui irrita si fort tout Paris que quelques autres bourgeois ayant pris sur ce chemin-là un trompette vêtu des couleurs du roi, le maltraitèrent fort et le menèrent à S.A.R. qui, pour le sauver de leurs mains, fut obligée de leur promettre qu’elle le ferait pendre. En même temps il y eut environ trois mille bourgeois qui furent prier M. de Beaufort de les conduire à Saint-Denis pour faire une tentative. Aussitôt, il monta à cheval et les conduisit jusqu’au village de La Chapelle {d} seulement à cause qu’il n’avait point de chef à leur donner, et leur dit qu’il était impossible qu’avec si peu de monde et sans officiers on pût venir à bout de cette entreprise, mais qu’il fallait dresser une embuscade aux Croates qui avaient fait le carnage. Pour cet effet, il les posta derrière les murailles qu’il leur fit percer en divers endroits et s’en alla avec 200 chevaux jusqu’aux portes de Saint-Denis ; où ayant fait le coup de pistolet, il s’en retourna promptement et fut suivi par 300 chevaux, dont il prit quatre chevau-légers de la reine, desquels il apprit l’état de la place ; mais ils ne voulurent point donner dans l’embuscade, ayant passé derrière le village où il y eut une petite escarmouche dans laquelle il y eut sept ou huit de tués de chaque côté ; après quoi, la nuit obligea M. de Beaufort de faire revenir ces bourgeois ; et étant demeuré derrière pour voir la fin de cette escarmouche, le corps de garde qui est hors du faubourg Saint-Denis tira sur ces cavaliers, les croyant ennemis à cause que c’était la nuit, et lui en tua sept ou huit et autant de chevaux. »


  1. Son Altesse, le prince de Condé.

  2. V. note [27], lettre 166.

  3. Son Altesse Royale, Gaston d’Orléans.

  4. V. note [56] du Borboniana 10 manuscrit, notule {f}.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 28 mai 1652, note 1.

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(Consulté le 29/03/2024)

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