À Claude II Belin, le 23 mai 1643, note 14.
Note [14]

« par crainte des pharisiens, qui sont les jésuites. »

Guy Patin a plusieurs fois qualifié les jésuites de pharisiens (Trévoux) :

« Célèbres sectaires parmi les juifs. Ils ont été ainsi appelés selon quelques-uns, parce qu’ils étaient séparés de tous les autres par leur genre de vie, faisant profession d’une plus grande sainteté, et d’observer plus religieusement les commandements de la Loi. C’est ce que signifie en hébreu, ou plutôt dans la langue chaldaïque, le mot pharis, d’où a été formé en grec et en latin pharisæus. Saint Jérôme {a} et plusieurs rabbins ont appuyé cette étymologie qui convient à l’état des pharisiens, lesquels étaient non seulement distingués des autres par leur genre de vie, qui était tout à fait austère, mais aussi par leur habit. Il est difficile de marquer précisément leur origine. Il semble que le jésuite Serarius ait mis leur premier commencement vers le temps d’Esdras, {b} parce que ce fut alors que les juifs commencèrent à avoir des interprètes de leurs traditions. Maldonat {c} au contraire veut que cette secte n’ait été chez les juifs que peu de temps avant Jésus-Christ. Il est mieux de les faire remonter jusqu’au temps des Maccabées. {d} Quoi qu’il en soit, le pharisaïsme {e} est encore aujourd’hui la secte dominante dans la religion des juifs, car tout ce grand nombre de traditions qui sont dans leur talmud vient des pharisiens. Josèphe, {f} qui a parlé de leurs dogmes, dit qu’ls attribuaient toutes choses au destin et à Dieu, en sorte néanmoins qu’ils ne privaient pas l’homme de sa liberté, ce que Sixte de Sienne {g} explique de cette manière : les pharisiens croyaient que toutes choses se faisaient par le destin, c’est-à-dire, par la prescience de Dieu et par son décret immuable, la volonté de l’homme demeurant cependant toujours libre, Fato, hoc est, Dei præscientia ac immobili decreto omnia geri, manente tamen libero humanæ voluntatis assensu. {h} Ils reconnaissaient l’immortalité de l’âme et une autre vie après celle-ci ; mais ils admettaient en même temps une espèce de métempsychose, ou transmigration des âmes. La secte des pharisiens était en toutes choses opposée à celle des saducéens. » {i}


  1. Jérôme de Stridon, traducteur de la Bible en latin (Vulgate), v. note [16], lettre 81.

  2. V. note [16], lettre latine 98, pour Nicolaus Serarius. Le prêtre et scribe biblique Esdras a vécu au ve s. av. J.‑C.

  3. Juan Maldonado, v. note [12] du Grotiana 1.

  4. Au iie s. av. J.‑C., v. notule {f}, note [24] du Grotiana 9.

  5. Pharisaïsme a pris le sens péjoratif d’ostentation hypocrite de la dévotion, de la piété et de la vertu.

  6. Flavius Josèphe, v. note [18], lettre 95.

  7. Théologien catholique d’origine juive au xvie s.

  8. Le latin traduit le français qui précède, sur la grâce divine, pour combiner la prédestination et le libre arbitre.

  9. V. notes [1], lettre 627, pour les saducéens, et [50], lettre 101, pour les deux interprétations de la grâce divine qui ont déchiré le monde chrétien. Comme les saducéens, les jésuites n’admettaient que le libre arbitre, dans leurs disputes théologiques avec les protestants et les jansénistes : en cela, le qualificatif de pharisiens n’était donc pas des mieux choisis.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 23 mai 1643, note 14.

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(Consulté le 19/04/2024)

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