Autres écrits : Consultations et mémorandums (ms BIU Santé  2007) : 16, note 16.
Note [16]

Casserius Piacentius (que la copie latine du texte de Jean ii Riolan appelle ici Placentius) est le nom latin de l’anatomiste Giulio Cesare Casseri (1552-1616), natif de Piacenza (Plaisance), disciple de Fabrice d’Aquapendente. Casseri a notamment laissé de somptueuses Tabulæ Anatomicæ lxxiix [Soixante-dix-huit planches anatomiques] (publiées par Daniel Bucretius à Venise, Evangelista Deuchinus, 1627, in‑fo), dont la planche v, livre viii, montre :

  • fig. vii, le cæcum fermé avec (repère B) la Valvula circularis, cuius cava pars, Coloni ; convexa, Ileon respicit [Valvule circulaire, dont la face concave regarde vers le côlon ; et la face convexe, vers l’iléon] ;

  • fig. iix (viii), le cæcum ouvert avec (repère B) la Valvula ad finem Ilei, et Coli principium sita [Valvule placée à la terminaison de l’iléon et à l’origine du côlon].

V. supra note [9] pour la description de la valvule par Fabrice d’Aquapendente publiée en 1591. Je n’ai pas trouvé l’ouvrage dont parlait Riolan en se référant au livre de Fabrice « sur l’estomac ».

Il est impossible de donner raison à Riolan après avoir pesé tous ses arguments. Voici la séquence que je crois être la plus défendable.

  • À une date inconnue, Varole aurait découvert la valvule iléo-cæcale et expliqué à quoi elle sert ; il aurait consigné cela dans le manuscrit de son Anatomie, mais mourut en 1575, seize ans avant sa parution posthume (1591, v. supra note [9]).

  • En 1582, Caspar Bauhin publie la première description imprimée de la valvule iléo-cæcale, en revendiquant avoir été le premier à la repérer, tandis qu’il disséquait un cadavre à Paris en 1579 ; il y ajoute même une observation clinique convaincante (v. supra seconde notule {b}, note [14]).

  • En 1585, Salomon Alberti décrit la valvule dans son Historia (v. supra note [7]).

  • En 1586, Arcangelo Piccolomini publie sa découverte de la valvule dans ses Prælectiones ; sa méthode de perfusion intestinale est la même que celle expliquée par Bauhin en 1582 (v. supra note [15]).

  • En 1588, dans la préface de son premier ouvrage anatomique, De corporis humani partibus externis Tractatus [Traité sur les parties externes du corps humain], Bauhin confirme la primeur de sa propre découverte (v. supra note [14]).

  • En 1605, dans la première édition de son Theatrum anatomicum, Bauhin réaffirme avoir été le premier à décrire la valvule (v. supra note [11]).

  • En 1618, dans la première édition de son Anthropographie, Riolan conteste la primauté de Bauhin dans la découverte de la valvule (v. supra notule {d} note [8]).

  • En 1621, dans la seconde édition de son Theatrum anatomicum, Bauhin riposte vivement à Riolan, en justifiant sa prétention à être le découvreur de la valvule (v. supra note [8]).

  • En 1626, Riolan répond à Bauhin dans la deuxième édition de son Anthropographie par la longue argumentation fortuitement transcrite sur le recto de la présente consultation.

  • V. note [1], lettre latine 297, pour la riposte de Johann Caspar i Bauhin, fils de Caspar, en 1640, et pour les nouvelles attaques de Riolan dans la troisième édition de son Anthropographie et dans ses Opera anatomica vetera, en 1649.

Les insinuations insultantes et insistantes de Riolan étaient à mon avis parfaitement infondées, et la nomenclature a rendu justice à Bauhin en attachant son nom à celui de la valvule iléo-cæcale. Son infortune me semble être venue de sa candeur de jeune anatomiste :

  • incapable de citer Varole, car son livre n’avait pas encore paru, il a naïvement publié sa découverte en 1582 dans un livre qui traitait d’un tout autre sujet, sa traduction en latin du livre de François Rousset sur la césarienne, en l’y enfouissant dans des Variæ Historiæ [Observations diverses] (v. note [7], lettre 159) ;

  • il était facile à qui voulait de l’insérer subrepticement dans des ouvrages anatomiques ultérieurs (celui d’Alberti en 1585, ou celui, posthume, de Varole, en 1591), sans rien dire de son trop discret inventeur.

Cette histoire, dont le recto, apparemment insignifiant, d’une feuille de brouillon m’a incité à avoir le fin mot, montre à quel point il convient de détacher ses œillères, de remonter aux sources, de confronter les textes et les dates, pour discerner le probable du faux. Le faire avec négligence, c’est s’exposer à des erreurs, capables de ternir une réputation, comme a fait Éloy, avec une consternante autorité :

« Bauhin était laborieux et comme il prit beaucoup de soins pour recueillir ce qu’il y avait de mieux dans les auteurs qui ont traité de l’anatomie et de la botanique, et pour rédiger chaque partie en un seul et même ouvrage, il se fit par là une réputation aussi solide que s’il eût écrit de son propre fonds. Il passa même pour habile anatomiste, quoiqu’il eût disséqué assez rarement. Mais Riolan ne le regarda pas comme tel ; il poussa la vivacité de sa censure jusqu’à le traiter d’homme vain, sans jugement et sans connaissances. Il lui reprocha encore de se parer des découvertes d’autrui, spécialement au sujet de la valvule placée entre l’ileum et le côlon. Quoiqu’en ait dit Bauhin, quoiqu’il assure d’avoir aperçu cette valvule en 1579, avant qu’aucun auteur en ait fait mention, il est certain que Varolius et beaucoup d’autres en avaient fait une description exacte longtemps avant lui ; cependant, cette valvule a retenu jusqu’aujourd’hui le nom de Bauhin. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Consultations et mémorandums (ms BIU Santé  2007) : 16, note 16.

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(Consulté le 20/04/2024)

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