À Claude II Belin, le 27 octobre 1634, note 19.
Note [19]

Gazette (ordinaire no 97 du 21 septembre 1634, pages 395‑396), L’entreprise d’un général espagnol découverte sur le Languedoc :

« L’onzième de ce mois de septembre, comme trois gardes de la traite foraine {a} passaient la nuit à deux lieues de la frontière d’Espagne, ne pensant qu’à empêcher le transport des marchandises défendues et conserver leurs droits aux autres, ils aperçurent sur la minuit un Espagnol bien monté, mais mal vêtu, auquel un guide à pied montrait les avenues. {b} Ils l’arrêtent tout court, lui demandent le billet qu’on est tenu de prendre de tout temps aux Cabanes-de-Fitou, {c} un peu au delà du Mal-Pas qui sépare la France de l’Espagne ; et à faute de l’avoir, ils confisquent son cheval, qu’il leur laisse sans contester, voulant gagner au pied. {d} Ils lui disent qu’il a en outre encouru l’amende ; il leur donne à l’instant une poignée de pistoles, sans les compter. Cette crainte ou cette libéralité extraordinaire les jette en un soupçon qu’il était autre qu’un pauvre cavalier, comme il leur avait dit sur le Qui va là ? C’est pourquoi ils le mènent au sieur de Barry, gouverneur de Leucate, à demie lieue de là ; lequel l’ayant reconnu pour don Juan de Menesses, général du comté de Roussillon pour le roi d’Espagne, comme aussi lui-même l’avait depuis confessé aux gardes par le chemin, le sieur de Barry lui dit qu’il ne pouvait laisser aller un Espagnol déguisé et sans la suite que requérait sa condition, qu’il avait celée, aussi bien que le dessein de son voyage qui ne pouvait être que mauvais et préjudiciable au service du roi, et non un simple égarement comme il disait, qui n’est pas imaginable, n’y ayant là que ce détroit par où il a passé et qui par conséquent, n’a pu être pris pour un autre chemin par un gouverneur du pays. D’ailleurs, inexcusable de s’être trouvé avancé de deux lieues sur les terres du roi sans le billet ou passeport que le roi d’Espagne oblige tous les Français de prendre aussi avant que d’entrer sur les siennes ; et ce à une heure et en une saison fort suspectes. C’est pourquoi il en voulait prendre avis de quelques-uns (pour l’absence du duc d’Alluyn, gouverneur de la province, et du vicomte d’Arpajon, lieutenant du roi au Bas-Languedoc, où se passait cette affaire) ; et l’ayant à cette fin conduit à Narbonne, où il trouva l’archevêque du lieu, les sieurs Miron et Le Camus, intendants de la justice, le sieur du Persi, gouverneur de la place, et le marquis de Varennes, gouverneur d’Aigues-Mortes, ils ne trouvèrent aucune difficulté à le retenir dans Narbonne ; de quoi ils ont donné avis au roi par un courrier exprès, arrivé à la cour le 18e de ce mois. Ce général est l’un des meilleurs chefs qu’eût le roi d’Espagne, qui, ne s’étant voulu fier au rapport d’autrui, venait en personne reconnaître ce passage, lequel est le plus facile à la conduite du canon. Mais comme tous les desseins ne réussissent pas en guerre, il se trouve l’avoir fort mal commencée. Si bien que son parti a besoin de quelque autre plus heureuse main pour lui servir de bon augure aux grands projets qu’il fait contre la France. »


  1. La douane.

  2. Le passage.

  3. Au bord de l’étang de Leucate (v. note [9], lettre 51).

  4. Partir en marchant.

Richelieu menaça de faire subir à Menesses le même traitement que les Espagnols appliqueraient au maréchal Fabert (v. note [15], lettre 357), arrêté à Thionville où, sur l’ordre du roi, il s’était introduit pour prendre le plan de cette ville forte. Le cardinal-infant, gouverneur des Flandres espagnoles (v. note [13], lettre 23), préféra libérer Fabert (Triaire).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 27 octobre 1634, note 19.

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(Consulté le 26/04/2024)

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